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EGLISE EGOISME

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a) Elle peut être réclamée au nom des doctrines étatistes, D’admettant d’autre autorité que celle de l’État, à laquelle tout doit être nécessairement soumis. Ce système se confond pratiquement avec celui de la subordination absolue de l’Église à l’Etat ; et il tend comme lui à l’extinction de toute religion, et même de toute morale et de toute vraie liberté.

b) La séparation de l’Eglise et de l’Etat peut encore être réclamée au nom de l’incompétence de l’État en matière religieuse, incompétence qui, dit-on. exige de l’État une absolue neutralité confessionnelle en face des diverses communions chrétiennes, sans que cependant l’État soit obligé de pratiquer l’athéisme, ni même l’indifférence absolue en ce qui concerne la religion naturelle.

Les partisans de ce système, quand ils sont bien sincères, peuvent, quelquefois, avoir la volonté d’accorder à l’i'.glise la liberté imparfaite que comporte une telle situation ; liberté d’ailleurs parfois désirable, du moins si l’on compare cet état à celui de la persécution ou de l’opposition violente. On peut aussi rencontrer, chez les partisans de ce système, la volonté effective de s’entendre avec l’Église, pour certains arrangements qui améliorent sa situation. Mais il n’est aussi que trop vrai que, chez beaucoup de prétendus libéraux, cette neutralité confessionnelle est une simple apparence trompeuse, sous laquelle on cherche à dissimuler la volonté’effective de nuire au bien de l’Église. On ne voit aujourd’hui que trop d’exemples de cette perfide dissimulation, dans divers pays. Il arrive aussi très souvent que les libéraux qui soutiennent cette neutralité confessionnelle se confondent pratiquement avec ceux qui veulent tout subordonner à l’autorité despotique de l’État.

c) La séparation de l’Église et de l’État peut encore être réclamée à cause des dispositions nouvelles de l’esprit public, que l’on dit être, désormais et partout, définitivement acquises à l’usage des libertés modernes.

Si l’on se bornait à affirmer la nécessité de ces libertés dans les circonstances où elles sont véritablement exigées par le bien public, selon la doctrine de l’encyclique Liberlas de Léon XIII du 20 juin 1888, il n’y aurait rien à blâmer. L’erreur est dans l’application universelle, absolue et irrévocable de ce qui ne doit être en soi qu’un remède destiné à pallier ou à diminuer un mal réellement existant.

Il se rencontre d’ailleurs, très souvent, que ceux qui s’arment de ce prétexte, font pratiquement cause commune avec les libéraux qui soumettent tout à l’autorité de l’État, ou du moins étendent démesurément ses attributions.

2. Le libéralisme, à ses divers degrés, sera réfuté ailleurs. Il nous suffit d’indiquer ici combien il est opposé à toute la doctrine catholique exposée dans cet article, si du moins l’on excepte les cas particuliers, où l’application, plus ou moins étendue, des libertés modernes est impérieusement réclamée par le bien commun d’une société malheureusement très divisée au point de vue religieux.

Il est, en effet, bien manifeste, d’après nos thèses précédentes, que le libéralisme, au point de vue théologique, est une violation des devoirs de la société et de son chef temporel envers Dieu et envers son Église, comme le prouve Léon XIII dans l’encyclique Libertas.

Il est non moins évident, au point de vue humain, qu’une application absolue du libéralisme est une injustice pour les sujets catholiques dont il lèse arbitrairement les droits, et un très grand mal pour toute la société, parce que les heureuses influences qui devraient s’exercer pour son propre bien, sont, en très grande partie, diminuées ou même paralysées.

In terminant cet article, on nous avons dû étudier séparément chacune des questions concernant l’Église, nous prions le lecteur désireux d’avoir, sur tout cet ensemble, un aperçu synthétique de l’enseignement scripturaire, de l’enseignement patristique ou théologique et de l’enseignement ecclésiastique, de grouper lui-même, sous ces titres généraux, ce que notre étude analytique devait nécessairement fractionner, sous peine d’obscurité ou d’imprécision.

Quant aux ouvrages à consulter, on peut se reporter principalement à ceux qui ont été cités au cours de cet article, pour chaque question particulière, ainsi qu’aux articles correspondants du Kirchenlexikon, 2 r édit., Fribourg-en-Briscau, 1891, t. Vil, p. 477 sq., et du Dictionnaire apoloyélique de la foi catholique, 4’édit., Paris, 1910, t. I, col. 1219 sq.

E. DUBLANCHY.


ÉGLISE (Petite). Voir Anticoncordataires.


ÉGOISME. —


I. Notions et définitions.
II. Égoïsme dans un sens absolu.
III. Égoïsme dans un sens restreint.
IV. Egoïsme et abnégation.
V. Égoïsme et morale du bonheur.

I. Notions et DÉFINITIONS. —

Le mol égoïsme est d’usage assez récent ; il a commencé à figurer au dictionnaire de l’Académie en 1762. Son origine est due aux jansénistes de Port-Royal. Ces Messieurs ont généralement banni de leurs écrits l’usage de parler d’eux-mêmes à la première personne, dans la pensée que cet usage, pour peu qu’il lût fréquent, procédait d’un principe de vaine gloire et de trop bonne opinion de soi. Aussi pour en marquer leur éloignement, ils l’ont tourné en ridicule sous le nom d’égoïsme qui, depuis, a passé dans notre langue.

L’égoïsme est l’amour désordonné de soi, el lorsqu’il est absolu, c’est une disposition à tout rapporter à soi. C’est le vice le plus odieux et le plus opposé à la charité qui est la subordination de toute la personne à Dieu et par conséquent au prochain dans toute la mesure du devoir. L’égoïsme, avec l’orgueil qui s’y cache, est le père de tous les autres vices. La plupart des fausses morales (morale de l’intérêt, du plaisir, de l’utilité sociale) pèchent par l’égoïsme.

Toutes les affections que nourrit le cauir humain peuvent se ranger en deux classes bien distinctes. Ou bien l’homme prend pour objet de ses affections ce qui l’entoure, ce qui est en dehors de lui-même, comme Dieu, ses semblables, la vérité, le beau, etc. Ou bien elles ont pour objet lui-même, c’est-à-dire son bien, son utilité personnelle et tout ce qui intéresse plus ou moins sa personne. Dans ce cas, ces affections sont dites intéressées. Des affections intéressées ne constituent pas à proprement parler l’égoïsme. Si l’on méritait le nom d’égoïste par cela seul qu’on aime son bien et qu’on le recherche, à ce compte, il n’est pas un homme qui ne dût être ainsi qualifié, car il n’est pas un homme qui d’une manière ou d’une autre ne songe à soi et n’aspire à son bonheur. L’amour de sot n’est donc pas identique avec l’égoïsme, mais celui-ci commence lorsque l’amour de soi devient désordonné ou exclusif.

Certains philosophes modernes entendent par égoïsme l’amour de soi, opposé à l’altruisme. D’après Herbert Spencer, Les bases de lamorale évolutionnisle, c. v-xiii, toute action qui se rapporte à l’intérêt personnel est égoïste ; est altruiste « toute action qui, dans le cours régulier des choses, profile aux autres, au lieu de profilera celui qui l’accomplit ». Il esta peine besoin de faire remarquer ici, combien la charité diffère de l’altruisme ; celui-ci n’est au fond qu’un instinct de sympathie ou de bienveillance envers le prochain.

Il ne serait pas juste de confondre l’égoïsme avec ce que quelques contemporains appellent l'égotisme, Maurice Barrés, Un homme libre, Paris, 1889, et qui consiste dans la culture intensive des diverses facultés du moi et dans la jouissance des sentiments raffinés qui résultent de cette culture. La première partie de la culture du moi, loin d’être égoïste, est, au contraire,