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stance donnée. Car on no donne nécessairement aucune approbation à cette situation de fait, que l’on ne peut d’ailleurs aucunement modifier ; on veut seulement en faire usage pour obtenir la concession de droits incontestables, auxquels on ne peut pratiquement donner aucun autre appui vraiment effectif. Cette coopération simplement matérielle, et d’ailleurs autorisée par de graves raisons, est donc permise. C’est, en réalité, sur ce terrain que se font pratiquement aujourd’hui la plupart des revendications catholiques, dans les débats parlementaires, dans les conférences ou réunions publiques et dans les discussions de la presse. Cette tactique, commandée par la situation nouvelle faite aux catholiques, est pleinement légitime ; mais ellea besoin d’être expliquée aux auditeurs exclusivement catholiques, et d’être complétée, pour eux, par un exposé doctrinal, où les droits divins de l’Église occupent leur place légitime. Autrement beaucoup de fidèles perdraient pratiquement de vue la sublime transcendance de l’Eglise catholique, et courraient quelque risque de l’assimiler de fait aux institutions humaines.

Notons aussi qu’en restant sur ce terrain, et pour montrer que l’on est sincère en revendiquant pour les catholiques la pleine application du droit commun à la liberté politique, il n’est pas interdit d’affirmer, ou même de revendiquer, le droit politique des protestants ou autres hétérodoxes à cette même liberté, dès lors qu’on le fait uniquement pour assurer efficacement aux catholiques l’exercice de leurs droits, et que c’est d’ailleurs le seul moyen de l’obtenir. Il peut être nécessaire d’expliquer sa conduite à ceux qui pourraient, faute d’instruction ou d’attention, en prendre scandale ; mais cette conduite est, en soi, pleinement légitime.

2° Outre ces droits, résultant pour les catholiques du simple fait de la concession de la liberté politique de conscience et des cultes, il peut y avoir aussi des droits spéciaux, provenant d’un accord mutuel entre l’Église et l’Etat, réglant, par des concessions réciproques, les relations entre l’un et l’autre pouvoir. Voir Concordats. Il est évidemment permis d’appuyer les revendications catholiques sur cet argument juridique, sans aucun préjudice des droits divins découlant de la constitution même de l’Église.

IV, CONCLUSIONS CONTRE LES DIVERS S ÏSTÈMES ERRO-NÉS. — 1° Conclusion contre les divers systèmes soutenant la subordination de l’Eglise à l’État, d’une manière absolue ou d’une manière partielle. — 1. Cette subordination est soutenue, d’une manière absolue, par tous ceux qui, sous quelque forme de gouvernement <|ue ce soit, veulent que l’État soit la source exclusive de toute autorité et de tout droit. C’est le système formulé dans la proposition 39e du Syllabus : Reipublicse status, ulpote omnium jurium origo et fons, jure quodam follet nullis circumscripto limilibus. Ce système est manifestement soutenu par les socialistes, qui n’admettent d’autre autorité que celle de l’État. Il se rencontre aussi, à un degré plus ou moins considérable, dans toutes les doctrines étatistes, quelle que soit la forme de gouvernement.

Nous ne nous arrêterons point à prouver que ce système est la répudiation absolue de toute l’économie surnaturelle, et même de toute religion et de toute morale ; c’est une conclusion évidente, puisque tout droit autre que celui de l’État disparaît entièrement. En même temps, toute vraie liberté individuelle disparait aussi, puisque l’autorité de l’État, n’ayant aucune limite ni restriction, peut s’exercer discrétionnairement.’2. La subordination de l’Église à l’État peut être restreinte à l’ordre temporel ou extérieur, en laissant à l’Église le domaine purement spirituel, que l’on se plaît, d’ailleurs, à rétrécir arbitrairement. On s’appuie sur ce fallacieux prétexte, que l’Église étant une société purement spirituelle, tout ce qui est de l’ordre

extérieur échappe entièrement à cette autorité spirituelle, et appartient exclusivement à celle de L’Etat, qui ne peut, en cette matière, admettre aucune diminution de son autorité naturelle. C’est le système que formulait la célèbre Déclaration de 1682, dans son art. 1 er, affirmant qu’au bienheureux Pierre et à ses successeurs les vicaires de Jésus-Christ et à l’Église elle-même, le pouvoir sur les choses spirituelles et sur les choses concernant le salut éternel, mais non sur les choses civiles et temporelles, a été concédé par Notre-Seigneur, selon ces paroles : Mon royaume n’est pas de ce monde, Joa., xviii, 36, et selon ces autres : Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Luc, xx, 25. La parole de l’apôtre reste donc vraie : Que toute âme soit soumise aux pouvoirs supérieurs ; car il n’y a pas de pouvoir si ce n’est de Dieu et celui qui résiste au pouvoir résiste à l’ordre divin. Rom., XIII, 1 sq. Les rois et les princes ne sont donc, dans le temporel et en vertu de l’ordre divin, soumis à aucune autorité ecclésiastique ; ils ne peuvent, en vertu du pouvoir des clefs que possède l’Église, être déposés directement ou indirectement, et leurs sujets ne peuvent être déliés de la fidélité et de l’obéissance qu’ils leur doivent, ni du serment de Gdélité qu’ils lui ont prêté. Cette doctrine nécessaire à la tranquillité publique, et non moins utile à l’État qu’à l’empire, doit être absolument tenue comme conforme à la parole de Dieu, à la tradition des Pères et aux exemples des saints. Denzinger-Rannwart, Enchiridion, n. 1322. On sait que cette assertion fut, avec les trois autres assertions de 1682, plusieurs fois condamnée par les souverains pontifes. Voir t. iv, col. 197 sq. C’est celle même doctrine, que soutenait aussi le conciliabule de l’istoie, dans sa proposition Ie, condamnée par la bulle Auclorem fidei de Pie VI, du 28 août 1794, déniant à l’Église toute autorité sur les choses extérieures, et ne lui reconnaissant aucun pouvoir coercilif, en dehors de celui de la persuasion, n. 1501 sq.

Ces doctrines, encore existantes au XIXe siècle, sous diverses formes de gouvernement, sont signalées el réprouvées par Pie IX, dans l’encyclique Quanta cura du 8 décembre 1861 : At vero alii instaurantes prava ac toties damnata novalorum commenta, insigni impudentia audent Ecclesise et hujus apostolicse sedis supremam auctoritatem a Christo Domino ei tributam, civilis auctorilalis arbilrio subjicere, et omnia ejusdem Ecclesise et sedi* jura dencgare circa ea qutB ad exteriorem ordinem pertinent. Ces mêmes erreurs sont encore formulées dans les propositions 41-51 du Syllabus, condamnées par Pie IX. Enchiridion, n. 1741 sq.

Dans plusieurs encycliques, notamment dans l’encyclique sur le mariage chrétien du 10 février 1880, et dans celle sur la constitution chrétienne des Etats du 1 er novembre 1885, Léon XIII renouvelle la même condamnation, et en même temps oppose à ces erreurs la véritable doctrine sur les droits de l’Église, établie par Jésus-Christ comme société parfaite, avec un pouvoir pleinement indépendant pour tout ce qui concerne, de quelque manière, la fin surnaturelle qui lui a été exclusivement confiée. Doctrine que nous avons d’ailleurs précédemment rapportée et prouvée.

On comprend assez combien ces erreurs sont pernicieuses au bien de l’Eglise, en mutilant considérablement sa liberté, et au bien de la société civile en favorisant le despotisme de l’État, et en restreignant arbitrairement la liberté des catholiques.

2° Conclusion contre les divers systèmes libéraux, réclamant universellement la séparation de l’Eglise el de l’Etat. — 1. La séparation absolue de l’Église et de l’État, en dehors de tout arrangement mutuel entre les deux puissances, peut être réclamée sous trois prétextes.