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EGLISE


réalité objective du sens indiqué et sur son caractère orthodoxe ou hétérodoxe.

a) L’infaillibilité de l’Eglise, dans ce double jugement, est une conséquence nécessaire de la mission confiée par Jésus-Christ à son Église, telle que nous l’avons précédemment prouvée par le texte de saint Malth., xxviii, 20. En vertu de cette mission, l’Eglise doit pouvoir, jusqu'à la consommation des siècles, conserver intégralement et enseigner constamment la doctrine annoncée par Jésus-Christ. Ce qu’elle ne pourrait effectivement accomplir si, dans les nombreuses controverses relatives au sens réellement contenu dans tel écrit ou dans tel livre, elle ne pouvait infailliblement déterminer le sens réel en même temps que son orthodoxie ou hétérodoxie.

b) Au cours des siècles, l'Église, certainement infaillible dans la détermination de ses pouvoirs, s’est constamment servie de ce droit de juger infailliblement le caractère orthodoxe ou hétérodoxe des écrits dont l’appréciation doctrinale importait au bien de la société chrétienne, et en cette matière, elle a toujours rigoureusement imposé à l’acceptation des tidèles ses jugements définitifs. C’c-t ce que démontrent les nombreux faits précédemment cités, ainsi que plusieurs documents ecclésiastiques très explicites, depuis le milieu du xviie siècle, notamment la déclaration d’Alexandre VII du 16 octobre 1650, précisant le sens de la condamnation portée par Innocent X contre les cinq propositions extraites du livre de Jansénius, le décret d’Innocent XII du 6 février 1694 renouvelant cette même déclaration, et la constitution apostolique Vineam Dominide Clément XI du 16 juillet 1705.

3e conclusion. — L’infaillibilité de l'Église doit également s'étendre à tout enseignement dogmatique ou inoral, pratiquement inclus dans ce qui est commandé, approuvé ou autorisé par la discipline générale de l’Eglise, que cette discipline provienne d’une loi positive de l'Église entière ou d’une coutume adoptée ou approuvée par l'Église universelle ; comme la licéité du culte des saints dans la mesure où il est commandé ou permis, la légitimité et l’excellence des ordres religieux approuvés par l'Église, la divine institution et l’efficacité surnaturelle des sacrements dont l’administration est réglée par la liturgie ecclésiastique, la divine efficacité' du sacrifice de la messe, telle qu’elle résulte de la liturgie approuvée et des lois ou coutumes sanctionnées par l’Eglise, et beaucoup d’autres enseignements résultant des pratiques liturgiques de l'Église universelle.

a) C’est une conséquence rigoureuse de l’enseignement néo-testamentaire. Car l’infaillibilité garantie par Jésus à son Eglise, selon le texte de Matth., xxviii, 20, s’appliquant à tout enseignement réellement et efficacement donné par le magistère ecclésiastique, doit également s’appliquer à tout enseignement nécessairement inclus dans les lois, pratiques ou coutumes établies, approuvées ou autorisées par l’Eglise universelle, cet enseignement pratique ou indirect étant, surtout pour une autorité en elle-même infaillible, tout aussi réel et efficace que l’enseignement doctrinal direct.

b) C’est aussi ce qu’indique le témoignage constant de la tradition chrétienne. Car, à toutes les époques de l’histoire de l'Église, les Pères, les auteurs ecclésiastiques et les théologiens, et même les papes et les conciles, ont souvent déduit, de la pratique universelle, une preuve toujours considérée comme démonstrative en faveur d’une doctrine contestée. Il nous suffira de rappeler sommairement quelques faits ou documents principaux déjà signalés : le pape saint Etienne, au milieu du m° siècle, s’appuyant sur la pratique générale de l'Église, pour ne point renouveler le baptême donné par les hérétiques, ce qui était une affirmation au moins implicite de la validité du baptême conféré par

eux ; saint Augustin prouvant de même la valeur du baptême des hérétiques par l’antique coutume de l'Église de ne point rebaptiser ceux qui, de l’hérésie, reviennent à l'Église catholique, Contra Cresconium, l. I, c. xxxii sq., P. L., t. xliii, col. 465 sq., ou prouvant, par le fait universel de l’administration du baptême même aux enfants, le dogme du péché originel qui souille l'âme de tous les enfants d’Adam, en même temps que l’utilité du baptême qui est conféré avant l'âge de raison, Serin., ccxciv, c. xvii sq., P. L., t. XXXVIII, col. 1346 ; saint Jean Damascène s’appuyant au moins partiellement sur l’usage constant de l'église pour légitimer le culte des saints et de leurs images, De imaginibus, orat. iii, n. 41, P. G., ». xciv, col. 1355 ; De fide orthodoxe/, , l. IV, c. xvi, col. 1172 sq. ; argument également employé par le IIe concile oecuménique de INicée en 787, Denzinger-Bonnwart, Enchiridion, n..302 ; saint Thomas, au xiiie siècle, démontrant l’utilité des suffrages pour les fidèles défunts par la coutume constante de l’Eglise de prier pour eux, Sutn. lheol., ll x, supplem., q. lxxi, a. 2, 3, et la légitimité de l’invocation des saints par la coutume constante de lr.glise de recourir à leurs prières, Sum. iheol., IIl æ, supplem., q. lxxii, a. 3 ; le concile de Constance et Martin V en 1515 s’appuyant sur la coutume introduite dans l’Eglise de communier les laïques seulement sous l’espèce du pain, pour réprouver ceux qui condamnent cette coutume et ordonner que ceux qui affirment opiniâtrement le contraire soient punis comme hérétiques, I lenzinger-Bannwart, Enehiridion, n. 026 ; le concile de fiente prouvant, par le long usage que l’Eglise en a fait, l’authenticité de la Vulgate, sess. IV, Decretum de editione et usu librorum ; le même concile montrant la légitimité du culte d’adoration ou de latrie rendu à la sainte eucharistie par la pratique constante de l'Église, sess. XIII, c. v, et la légitimité du culte des saints et de leurs images par la pratique universelle depuis les premiers temps du christianisme, sess. XXV, Decretum de invocatione, vencratione et reliquiis sanctorum et sacrts imaginibus, et, depuis le XVIe siècle, les très nombreuses et très explicites affirmations des théologiens revendiquant pour l'Église l’infaillibilité doctrinale i n cette matière, comme nous l’avons indiqué précédemment.

'/ conclusion concernant la canonisation et la béatification des saints. — L’infaillibilité doctrinale de l'Église doit également s'étendre à cet objet, comme le prouvent la pratique constante de l'Église et l’enseignement habitue ! des théologiens, du moins depuis saint Bernard au xue et saint Thomas au xiiie siècle ; enseignement encore beaucoup plus explicite depuis le XVIe siècle, non seulement pour la canonisation mais aussi pour la béatification. Cette infaillibilité est d’ailleurs absolument nécessaire pour que l’Eglise puisse, ainsi que le requiert sa mission, diriger les fidèles, avec une entière sécurité, dans la pratique habituelle du culte ; car des erreurs en cette matière auraient une grave répercussion sur la pratique de la vie chrétienne.

5 c conclusion. — L’infaillibilité doctrinale de l'Église doit aussi être admise en ce qui concerne l’approbation des ordres religieux, selon l’enseignement constant des théologiens, particulièrement depuis le XVIe siècle, enseignement basé sur ce que l'Église ne peut induire les fidèles en erreur, en une matière concernant gravement leur conduite morale, comme est en réalité la détermination des moyens jugés aptes à conduire effectivement et en toute sécurité à la perfection chrétienne. La même raison prouve qu’il n’est point nécessaire d’admettre l’infaillibilité de l'Église clans les jugements qu’elle porte sur l’utilité ou l’opportunité d’un ordre, bien qu’il y ait témérité à