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pratique des fidèles. Car l'Église manquerait effectivement à sa mission de garder intégralement le dépôt de la révélation, si, même par son silence, elle autorisait un enseignement universel qui ne fût point conforme à cette révélation ou qui tiendrait à l’affaiblir. — g. Pour que, dans ces diverses occurrences, le magistère ordinaire et universel soit infaillible, il est nécessaire que son enseignement soit manifestement donné comme appartenant, directement ou indirectement, à la révélation chrétienne. Et s’il s’agit d’une doctrine des Pères ri dos théologiens qui doit être considérée comme exprimant, en vertu de l’approbation tacite de l'Église, un enseignement certain de son magistère infaillible, il est requis que le consentement des Pères et des théologiens soit moralement unanime et qu’il porte effectivement sur une vérité positivement donnée comme appartenant certainement au dépôt de la révélation chrétienne.

{) Quant à l’enseignement non infaillible du magislère ecclésiastique, il est bien certain qu’avant le XVIe siècle, il avait toujours été considéré comme devant être loyalement accepté par les fidèles. C’est ce que démontrent particulièrement trois faits notables qu’il nous surfit de rappeler : a. L’autorité très grande dont ont joui, en matière de doctrine, beaucoup de décrets des papes, sans avoir cependant droit an privilège de l’infaillibilité, — p. L’autorité du concile de Vienne en 1311, accordant une préférence doctrinale à l’opinion affirmant que, dans le baptême des enfants aussi bien que dans celui des adultes, la grâce sanctifiante est communiquée à l'âme avec toutes les vertus infuses, préférence doctrinale qui contribua puissamment à rendre l’enseignement des théologiens, sur ce point, à peu près unanime. — y. Les interventions progressives de l’Eglise dans la question doctrinale de la conception immaculée de la très sainte Vierge, sans d finition positive du dogme ; interventions qui assurèrent le consentement unanime des théologiens et des fidèles, longtemps avant la définition solennelle.

Toutefois cet enseignement ne fut, jusqu’au xv c ou XVIe siècle, l’objet d’aucune étude théologique spéciale. Même après le concile de Trente et à l’occasion des décrets doctrinaux portés par les Congrégations romaines nouvellement établies, la question n’est mentionnée par les théologiens que d’une manière incidente, sans que l’on délinisse nettement la nature de cette autorité doctrinale, ni la soumission qui lui est due. Nous citerons particulièrement Lacroix, Tlteologia moralis, I. I, Ir. I, c. ii, n. 215, Paris, 1876, t. i, p. 320, et Gotti, Theologia scholastico-dogmalica, tr. I, q. iii, dub. ix, n. 1, Venise, 1750, t. i, p. 82.

Ce ne fut guère qu’au xixe siècle que ce point fut spécialement étudié par les théologiens, notamment après le bref de Pie IX du 21 décembre ÎSG.'J à l’archevêque de Munich, affirmant l’obligation incombant à tous les catholiques de se soumettre aux décrets doctrinaux des Congrégations romaines, Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1684, et après le concile du Vatican, précisant les conditions requises pour l’exercice de l’infaillibilité pontificale.

Nous n’avons point à exposer ici, sur cette matière, l’enseignement des théologiens contemporains, ce travail axant été fait précédemment, voir t. iii, col. 1108 sq., ou devant être fait à l’art. INFAILLIBILITÉ DU PAPE.

2° Conclusions dogmatiques concernant l’objet et le mode d’exercice du magistère infaillible de l'Église. — Après tout notre exposé des arguments scripturaires et traditionnels en faveur de l’infaillibilité de l’r.glise, nous devons, pour donner une juste idée de la doctrine de l'Église sur ce point, indiquer, sous une forme synthétique, les principales conclusions dogmatiques immédiatement déduites de toute cette documentation.

/ conclusion concernant l’objet général de cette

infaillibilité doctrinale. — En vertu de la mission universelle donnée par Jésus à son Eglise, l’infaillibilité doctrinale doit s'étendre à l’objet intégral du dépôt de la foi, tel que nous l’avons précédemment expliqué : objet direct, comprenant toute la révélation publiquement enseignée par Jésus-Christ et transmise par ses apôtres ; et objet indirect comprenant toutes les vérités sans lesquelles le dépôt direct de la foi ne pourrait être défendu avec efficacité ni proposé avec une suffisante autorité. Voir Dépôt de i.a foi, t. iv, col. 526 sq.

a) C’est ce qu’indique l’enseignement néotestamentaire, particulièrement dans Matth., XXVIII, 18 sq., relatant les paroles de Jésus chargeant ses apôtres et leurs successeurs à perpétuité, d’enseigner tout ce qu’il leur avait confié et de l’enseigner intégralement jusqu'à la consommation des siècles. Mission qui ne peut être efficacement remplie que si l’infaillibilité promise s'étend effectivement à tout l’enseignement chrétien et à tout ce qui est nécessaire pour sa légitime défense et pour son explication intégrale.

b) C’est aussi ce que manifeste l’enseignement traditionnel, soit par la pratique constante et universelle de l’Eglise, d’intervenir doclrinalement dans la mesure nécessitée par la défense intégrale de l’enseignement chrétien, et d’exiger, sous peine d’exclusion de la communion chrétienne, une entière soumission intellectuelle ; soit par les témoignages multipliés des Pères et des docteurs affirmant et prouvant cette autorité universelle du magistère ecclésiastique, particulièrement en ce qui concerne les erreurs mettant en péril quelque vérité révélée, et les faits ayant une intime connexion avec les dogmes chrétiens.

La première indication formelle de l’objet indirect de la foi, et par conséquent de l’autorité doctrinale de l'Église, apparaît chez saint Thomas distinguant un double objet de la foi : l’un comprenant les vérités immédiatement proposées à notre croyance, l’autre renfermant toutes les vérités dont la négation entraînerait le rejet de quelque vérité de foi. Sum. theol., Il' II », q. xi, a. 2.

Au xvie et au xviie siècle, cette distinction est formellement appliquée au magistère ecclésiastique, particulièrement par Bannez, In // : im lt K, q.xt, a. 2, concl.l, Venise, 1602, col. 518 sq. ; Grégoire de Valence, Analysis fidei catholiese, part, VIII, Ingolstadt, 1583, . p. 313 sq. ; et De Lugo, De virtute fidei divinse, disp. XX, sect. iii, n. 1Il sq. ; et dès lors unanimement suivie par les théologiens. Ce droit explicite du magistère ecclésiastique sur l’objet indirect du dépôt de la foi, est expressément affirmé par de nombreux documents ecclésiastiques, notamment par la condamnation de beaucoup de propositions du Syllabus de Pie IX qui sont opposées à des vérités de ce genre, et par l’affirmation du concile du Vatican, déclarant qu’il ne suffit pas d'éviter l’hérésie, si l’on n'évite aussi avec soin toutes les erreurs qui s’en approchent plus ou moins, et rappelant l’obligation qui incombe à tous d’observer les constitutions et les décrets, par lesquels le SaintSiège a proscrit et réprouvé de fausses opinions de ce genre, qui ne sont point expressément indiquées dans les actes du concile. Denzinger-Bannwart, Enchiridion n. 1820.

2e conclusion, relative aux faits dogmatiques. — On sait qu’au sens restreint communément donné à cette expression, depuis la fameuse controverse suscitée au xviie siècle par les jansénistes, il s’agit ici uniquement du fait que, dans tel livre non inspiré, une doctrine déterminée, orthodoxe ou hétérodoxe, est certainement contenue, selon le sens naturellement exprimé par le texte et d’après la signification objective des paroles, quelle que puisse être la pensée intime non manife par l’auteur. Le jugement infaillible de l’r.glise, en s’exen ant sur ce fait, se prononce à la fois sur la.