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autorisant, en fait, quelque erreur préjudiciable à la loi ou à la pratique de la vie chrétienne. Elle ne peut donc permettre d’honorer, comme saint, quelqu’un qui ne le serait point, puisque ceux qui auraient cette fausse persuasion pourraient ôire facilement induits en erreur, relativement à ce qu’ils doivent pratiquer pour obtenir eux-mêmes le salutéternel. Aux deux objections principales en cette matière, que l’Kglise n’a point de moyen suffisant d’acquérir la certitude sur le fait que tel homme possède la sainteté digne de la gloire du ciel, et que le moyen qu’elle emploie, c’est-à-dire le témoignage humain, est de soi toujours faillible, saint Thomas répond qu’il y a des moyens suffisants d’acquérir cette certitude : l’examen de la vie, l’attestation des miracles et surtout l’instinct de l’Esprit-Saint qui assiste l’Eglise ; et c’est précisément cette providence divine qui, par son assistance constante, empêche que l’i.glise soit trompée par le témoignage faillible des hommes. Quodlib., IX, a. 16.

Quant aux jugements particuliers ne concernant ni la foi ni la pratique de la morale chrétienne et se rapportant uniquement à des faits particuliers, ul cum agitur de possessionibus vel de criminibus vel de hujusmodi, il est possible que le jugement de l’Eglise soit erroné, propter falsos testes. Loc. cit.

Une considération, faite ailleurs par saint Thomas, montre toute la nécessité de l’autorité infaillible qu’il attribue ici à l’Eglise dans ses jugements intéressant la foi ; c’est que, de paroles ou d’expressions impropres ou défectueuses, peut facilement provenir quelque perversion de la foi. Suni. Iheol., I a, q. XXIX, a. 2 ; IIa-IIæ, q. xi, a. 2.

Saint Bonaventure rend le même témoignage à l’infaillibilité de l'église dans ce qu’elle autorise par son usage général. In IV Sent., l. IV, dist. XVIII, p. II, q. iv, Quaracchi, 1889, t. IV, p. 490. L'Église ne pouvant être trompée ni se tromper dans la concession qu’elle nous fait d’indulgences valables, non seu lement au for externe, mais même devant Dieu, il est donc absolument certain que ces indulgences existent, dist. XX, p. ii, q. ii, p. 532. Pour la même raison, le saint docteur réprouve l’opinion de ceux qui disent que les indulgences n’ont pas toute l’efficacité que l’Eglise leur attribue, car c’est outrager l'Église que de dire qu’elle ment de quelque manière ou qu’elle fait des choses vaines et puériles, dist. XX, p. ii, q. VI, p. 510. Aussi la pratique de l'Église priant pour les défunts prouve que ses suffrages sont efficaces, dist. XLV, a. 2, q. i, p. 943.

Au XIVe siècle, Durand de Saint-Pourçain dit expressément que la croyance que l'Église est régie par le Saint-Esprit, est la première de toutes les vérités que nous devons croire, qu’elle est la raison de croire toutes les autres, et qu’elle est aussi ce en quoi se résout linah’iiient notre foi. In IV Sent., l. IV, dist. XXIV, q. i. On doit particulièrement remarquer, au XVe siècle, les témoignages de Thomas Netter, de saint Antonin et du cardinal Turrecremata. Thomas Netter ouWaldensis († 1130) prouve la foi indéfectible de l'Église catholique particulièrement parla promesse de Jésus-Christ à saint Pierre, Eyo autem rogavi pro le ut non de/icial fides tua, Luc, xxii, 32. Doctrinale antiquitatum /idei Ecclesia cal/iolicse, l. II, c. xix, n. 1, Venise, 1571, t. i, p. 193. C’est surtout par ce que nous appelons aujourd’hui le magistère ordinaire et universel que l'Église nous donne son enseignement infaillible. L'Église réunie dans les conciles même généraux s’est quelquefois trompée ; Netter pense qu’il a été ainsi au concile de Rimini au iv siècle et au concile tenu à Const.uilinople sous l’empereur Justinien. L’infaillibilité est surtout attribuée à l'Église catholique dispersée dans tout l’univers, pourvu que cet enseignement ait été consi.uii et universel, n. 1 sq., 8, p. 193 sq., 197. La coutume el la loi de l'Église sont des moyens d’arriver à la pos session certaine de la vérité, l. II, c. XXIII, n. 7, p. 210.

Saint Antonin de Florence (-J-1459) reproduit, relativement à la canonisation des saints et aux jugements portés par l’Eglise sur des faits particuliers, toutl’enseignement de saint Thomas. Il se réfère aussi à Jean de Naples dont il cite le Quodlibetum XI. Summa llieologica, part. III, tr. XII, C. VIII, Vérone, 1740, p. 541 sq.

Le cardinal Turrecremata († 1168) traite de l’indéfectibilité de l’Eglise dans la foi, en même temps que de son indéfectibilité in sanctilate, doclrina, prmlalione. Parmi les textes scripturaires prouvant cette indéfectibilité d’une manière générale, plusieurs s’appliquent spécialement à l’indéfectibilité dans la foi, notamment, ego autem rogavi pro te ut non deficiat /ides tua, Luc, xxii, 32 ; ut jam non simus pariuli /htcluanles et circumferamur omni vento doctrinse in nequitia hominum, Eph., IV, 1 i ; Ecclesia Deivivi, colutnna et firmamentum verilalis, I Tim., iii, 14. Summa de Ecclesia, l. I, c. xxviii, Rome, 1489, sans pagination. Quant à l’objet de cette infaillibilité, Turrecremata, comme saint Antonin, reproduit l’enseignement de saintThomas. Relativement au jugement porté par plusieurs papes dans l’affaire des ordinations faites par leur prédécesseur Formose, cette simple remarque est ajoutée : In illis qute sunt facti, Ecclesia errare potest ut dicit S. Thomas, l. II, c. xcn.

d) Quatrième période, du commencement du XVI siècle jusqu'à nos jours, période caractérisée surtout par un notable développement théologique portant particulièrement sur l’objet du magistère infaillible de l'Église et sur son mode d’exercice.

Ne pouvant rapporter ici en détail toute cette littérature théologique, nous nous bornerons à indiquer, au moins sommairement, ce qui intéresse particulièrement le mouvement des idées, sur l’objet de l’infaillibilité de l’Kglise et sur la manière dont cette autorité infaillible doit s’exercer.

a. Objet de l’infaillibilité de l’Eglise. — a) Infaillibilité de l'Église relativement à l’objet indirect du dépôt de la fui. — On commence à formuler explicitement, à la fin du xvie siècle, ce principe implicitement contenu dans l’enseignement néo-testamentaire et dans la doctrine traditionnelle, que l’autorité de l'Église s'étend non seulement à ce qui est explicitement ou implicitement, révélé, mais encore à ce que l’on appelle l’objet indirect du dépôt de la foi, c’est-àdire à tout ce qui est nécessaire pour que le dépôt de la foi puisse être défendu avec efficacité ou proposé avec une suffisante autorité. Bannez, In 7/ am ll x, q. xi, a. 2, concl. 1, Venise, 1602, col. 518 sq. ; Grégoire de Valence, Anah/sis /idei cat/iolicx, part. VIII, Ingolstadt, 1583, p. 313 sq. ; de Lugo, De virtute /idei divinse, disp. XX, sect. iii, n. 1Il sq. Depuis le xvii c siècle, cette doctrine est formellement enseignée par les théologiens, et constamment appliquée par l’iiglise dans la condamnation de nombreuses propositions atteignant seulement d’une manière indirecte l’enseignement révélé, comme beaucoup de propositions du Syllahus de Pie IX en 1864. C’est ce que déclare expressément leconciledu Vatican, exigeantque l’on fuienon seulement l’hérésie, mais encore toutes les erreurs qui s’en approchent plus ou inoins : Quoniam vero satisnon est hxreticam pravitatem devitare, nisi ii guoque errores diligentes fugiantur qui ad illam plus minusve accedunt, omnes officii monemus servandi eliam amstituliones et décréta quibus pravæ ejusmodi opiniones quæ islic diserte non enumerantur, ab hac sancta sede proscript se et prohibitæ sunt. Sess. III, c. iv. C’est encore ce qui résulte de la condamnation de la proposition 5° réprouvée comme erronée par le décret du Saint-Office, l.amciilabili sane exitu, du 3 juillet 1907 : Quum in deposito /idei verilales tantum revelatæ conlineantur,