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sûr d’obtenir le salut, que de se soumettre aux observances de la loi, leur salut pouvant être obtenu sans cela, comme maintenant les laïques peuvent être sauvés sans entrer dans la cléricature et les séculiers sans devenir religieux, Sum. theol., I » 11*, q. xcviii, a. 5, ad3" m ; qu’une révélation sur Jésus-Christ a été faite à beaucoup de gentils, et que s’il y en a eu qui ont été sauvés sans que cette révélation leur soit faite, ils n’ont pas été sauvés sans quelque foi au médiateur, en ce sens qu’ils ont au moins cru à la divine providence, qui devait délivrer les hommes de la manière qui lui plairait. Sum. theol., IIa-IIæ ', q. ii, a. 7, ad >< ; Quasst. disp., De verilate, q. xiv, ad 5° 1 ".

De même saint Bonaventure († 1274), sans aucune distinction de temps, ni de pays, ni de différentes catégories d’hommes, admet que beaucoup ont été sauvés avant Jésus-Christ, sans la foi explicite à sa passion ; mais il admet que tous avaient une foi au moins implicite dont témoignaient leurs sacrifices et qu’avec le secours de la grâce divine certainement donnée à tous, cette foi non explicite au médiateur leur était facilement accessible, tum ex dictamine naturie, tum ex alic na instructione, tum cliam ex Dei inspira/inné qui se offert omnibus qm eum requirunt humiliter. In IV Sent., l. III, dist. XXV, a. I, q. il, Quaracchi, 1887, t. iii, p. 541. Il est vrai qu’au même endroit, le saint docteur affirme que les philosophes, qui ont compté sur leurs mérites et leurs vertus, ont manqué de cette foi au médiateur, et qu’ils ont été, en conséquence, privés des joies du paradis, tanquam superbi et a Christi membris et meritis separati. Mais le contexte montre évidemment qu’il s’agit ici uniquement des philosophes excluant, par leur orgueil, la grâce de Dieu qui, selon l’expression du saint docteur, se offert omnibus qui eum requirunt humiliter.

C’est d’ailleurs un fait bien avéré, comme on le prouvera à l’article Foi, que cet enseignement de saint Thomas et de saint Bonaventure, sur la possibilité de la foi surnaturelle pour tous les hommes, fut communément suivi par les théologiens scolastiques, et que, depuis le XVIe siècle, il fut habituellement appliqué à tous ceux qui sont nés et ont vécu dans un milieu païen, sans aucun des avantages de la prédication chrétienne, comme l’observe Vasque/ : Quoddicunt de homine nuti’ito in sylvis, idem sentiendum est île homine apud Indos aut in média gentilitate nalo, ubi ne veroum quidem mqsteriorum nostrse fidei audivit. In 7 : , iii, disp. XCV1I, n. 32.

Enfin, depuis le xviie siècle, plusieurs documents ecclésiastiques manifestent assez clairement la pensée de l'Église sur le salut des infidèles. Alexandre VIII, le 7 décembre 1690, condamne formellement l’erreur janséniste, affirmant que les païens ne recevaient aucune grâce suffisante pour le salut : Pagani, judsei, /iserelici, aliique liujns generis nullum omnino accipiunt a Jesu Christo in/Iu.vnni, adeoque hincrecte infères in Mis esse voluntatem nudam et inermem sine omni gratia sufficienti, prop. 5. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1295. C’est encore la même erreur qui est réprouvée par Clément XI, le 8 septembre 1713, dans la constitution dogmatique Unigenitus condamnant les propositions suivantes : 26. Nulles dantur gratise nisi per fidem. — 27. Fides est prima gratia et f’ons omnium aliarum. — 28. Prima gratia quam Deus concedit peccatori est peccatorum remissio. — 29. Extra Ecclesiam nulla conceditur gratia, Enchiridion, n. 1376 sq. ; et par Pie VI condamnant, par la bulle Auctorem fidei du 28 août 1794, cette proposition 22 : Propositio quæ innuit fidem a qua incipit séries gratiarum et per quam velut primam vocem vocamur ad salutem et Ecclesiam, esse ipsammet excellentem virtutem fidei, qua homines fidèles nominantur et sunt ; perinde ac prior non esset gratia Ma

quæ ut prsevenit voluntatem sic prsevenit et fidem, suspecta de hxresi eamque sapiens, alias in Quesnello damnata, erronea. Enchiridion, n. 1522.

Un peu plus tard, Pie IX, en même temps qu’il réprouve le latitudinarisme ou l’indifférentisme, enseigne expressément, dans son encyclique du 10 août 1863 aux évoques d’Italie, que ceux qui ignorent invinciblement notre sainte religion et qui, observant avec soin la loi naturelle et ses préceptes gravés par Dieu dans les cœurs de tous, et prêts à obéir â Dieu, mènent une vie honnête et juste, peuvent, avec le secours de la lumière et de la grâce de Dieu, obtenir la vie éternelle ; car Dieu qui voit parfaitement, scrute et connaît les esprits, les cœurs, les pensées et les dispositions de tous, ne souffrira aucunement que celui-là soit puni des supplices éternels qui n’a commis aucune faute volontaire. Enchiridion, n. 1677. Cependant, malgré toutes ces possibilités de salut pour les infidèles qui restent en dehors de l'Église et qui sont privés de tout secours de la prédication extérieure, aucune certitude ne peut exister relativement au salut de tel individu en particulier, faute de données suffisantes sur les secours qui lui ont été réellement accordés, et surtout sur la coopération qu’il a lui-même véritablement fournie. C’est en ce sens que l’on doit interpréter la réponse du Saint-Office de 1674, relativement au salut de Confucius, telle qu’elle est habituellement rapportée par les auteurs, bien qu’elle ne soit pas insérée dans l'édition officielle des Vollt ctanea S. C. de Propaganda fide de 1907 : Non licel affirmare Confucium essesalvatum ; christiani interrogati respondeant damnatos esse qui mortui sunt pi infidrlilale. A. Fischer, De sainte infidelium, Fssen, 1886, p. 41.

Le sens de cette réponse, comme de plusieurs décisions semblables des théologiens, est simplement que, tout document ou toute preuve faisant défaut pour émettre sur ce point une affirmation positive suffisamment motivée, il y a obligation de s’en abstenir. d’autant plus que des affirmations indiscrètes, dans une matière aussi grave, pourraient facilement donner lieu à quelque soupçon d’indifférentisme ou de latitudinarisme.

4e objection. — L’intolérance dogmatique qui résulte nécessairement du dogme catholique Extra Ecclesiam nulla salus a eu, au cours des siècles, de très funestes effets, parmi lesquels on doit particulièrement mentionner la suppression ou répression excessive et injuste de tout esprit critique, et l’oppression ou persécution systématique de ceux qui rejettent la doctrine catholique, ou se contentent même de la désapprouver. — Réj>onse. — a) L’intolérance dogmatique, au sens où on l’entend ici, n’est que le rejet de l’indifférentisme ou du latitudinarisme, et la condamnation de tout ce qui est certainement opposé à la vérité que l’on a le bonheur de posséder pleinement. Une telle intolérance, loin d'être répréhensible, est donc en ellemême digne de tout éloge. Quant aux funestes effets que l’on se plait à lui attribuer, rien ne prouve qu’ils aient existé au degré indiqué, rien surtout ne prouve qu’on puisse les mettre à la charge de l'Église catholique ou du dogme précité. Nous avons suffisamment prouvé, à l’art. DOGME, que l’r-glise catholique, dans la manière dont elle enseigne ses dogmes, ne s’oppose aucunement aux droits légitimes de la bonne et saine critique. Tout ce qu’elle exige des sciences humaines, c’est qu’elles ne contredisent point l’enseignement révélé ou ce qui a avec lui une étroite connexion, qu’elle seule a le droit de contrôler et de définir authenliquement, en sa qualité de gardienne du dépôt intégral de la révélation. C’est d’ailleurs un service que l’Eglise procure aux sciences humaines, en leur signalant une erreur à éviter dans un domaine qui ne leur appartient pas ; service qui ne suppose, pour ces