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EGLISE

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D’après les principes précédemment exposés sur la nature de l'Église, il est assez, manifeste que l’opinion île Bellarrnin se concilie mieux avec ce qui constitue vraiment l'Église visible, ou l'Église telle que JésusChrist l’a voulue. Cette Eylise requérant des liens manifestement visibles, et le lien au moins extérieur de la foi étant encore suffisamment maintenu chez les hérétiques occultes, on doit conclure que rien ne s’oppose à ce qu’ils soient encore réputés membres de l'Église, en ce qui concerne ce lien visible de la foi.

p) Dans le cas de l’excommunication prononcée en dehors des cas d’hérésie ou de schisme, la plupart des théologiens postérieurs à Bellarrnin pensent qu’il y a exclusion réelle de l’Eglise catholique. Ils s’appuient principalement sur ce que les excommuniés, soit d’après le langage de l’Ecriture, sil tibi sicut clhnicus et publicantts, Matth., xviii, 17 ; ni lollatur de medio vestrum, I Cor., v, 2 ; tradere hujusmodi Satanx in interitum carnis, I Cor., v, 5, soit d’après le langage constant des Pères et celui des documents ecclésiastiques, sont toujours considérés comme retranchés, rejetés ou séparés de l’Eglise. Sylvius, Controv., l. III, q. i, a. 8, p. 244 sq. ; Henno, op. cit., t. i, p. 304 ; Tournely, op. cit., t. I, p. 647 sq. ; Billuart, De regulis fidei, diss. III, a. 3, p. v ; Murray, op. cit., t. I, p. 207 sq.

D’ailleurs, l’argument sur lequel s'était principalement appuyé Suarez, que la foi, qui subsiste encore intacte chez les excommuniés, est l’unique condition nécessaire de l’agrégation à l'Église, étant habituellement rejeté par les théologiens, la conclusion qui en « Hait déduite devait être également rejetée.

Cependant, à cause des concessions faites au moins indirectement par l'Église, depuis le commencement du xve siècle, aux excommuniés tolérés qui gardent quelque participation aux prières de l’Eglise, puisqu’il n’est pas interdit de prier avec eux et conséquemment de prier pour eux, et qu’ils conservent la juridiction ecclésiastique tant qu’ils n’en sont point effectivement dépossédés, on en vint finalement à tempérer l’opinion de Bellarrnin, en admettant que ces excommuniés tolérés, auxquels l'Église n’applique point toute la rigueur de ses lois, ne cessent point d’appartenir réellement à l'Église, et que la peine de la séparation effective de l'Église est strictement appliquée aux seuls excommuniés vitandi, pour lesquels ï'iiglise maintient toute la rigueur de l’excommunication. C’est la position prise au XIXe siècle par beaucoup de théologiens, notamment par Murray, op. cit., p. 208 ; de Groot, op. cit., p. 60 ; Wilmeis, op. cit., p. 643 ; Billot, op. cit., p. 318 sq.

b. Pendant cette même période on constate encore un progrès théologique relativement à l’explication de la nécessité d’appartenir à l’Eglise catholique pour obtenir le salut, surtout en face des exceptions que l’on doit inévitablement admettre, par exemple, pour les catéchumènes qui ineurent avant d’avoir pu recevoir le sacrement de baptême, qui seul les incorpore de fait à l'Église catholique.

Melchior Cano avait cherché la solution de la difficulté dans une interprétation plus large du mol Église dans la formule dogmatique Extra Ecclesiam nulla sains. Il l’entendait non de l’Eglise, telle qu’elle a été établie par Jésus-Christ, mais de l'Église de tous les lemps, comprenant tous les fidèles depuis le commencement du monde jusqu'à la consommation des siècles. Les catéchumènes appartenant réellement à celle Église, à cause de la foi véritable qu’ils possèdent très certainement, réalisent donc les conditions voulues pour obtenir le salut. De locis theologicis, I. IV, c. ii, Releclio de sacrant., p. ii, Opéra, Venise, 1759, p. 93, 372 sq. Ce fut aussi l’opinion adoptée par Panne/, lu II'" II', q. I, a. 10, Venise, 1752, col. 156.

Cette explication fut rejetée par Bellarrnin, parce qu’après la venue de Jésus-Christ, il n’y a pas d’autrevéritable Église que l’Eglise chrétienne ; et si les catéchumènes n’appartiennent pas à celle-là, ils n’appartiennent à aucune. A l’interprétation de Cano le savant controversiste substitua celle-ci. Les catéchumènes, il est vrai, ne sont point membres de l'Église acln et proprie, sed lantuni in potentia, comme l’homme conçu et non encore formé est homme seulement in potentia. Mais d’autre pari le dogme Extra Ecclesiam nemincm salvari, s’entendant uniquement de ceux qui n’appartiennent à l'Église ni en réalité ni en désir, neque re ipsa nec desiderio, comme le déclarent pour le baptême le langage unanime des théologiens et l’enseignement de l’Eglise, cette conclusion s’impose nécessairement : les caléchumènes appartenant à l'Église catholique, au moins par le désir, leur salut dans le cas où ils ne peuvent être, de fait, incorporés à l'Église catholique, s’explique par cette appartenance in voto, comme dans le cas où il est impossible de recevoir le baptême effectif. Quant à cette objection qu'à l'époque du déluge on ne pouvait être sauvé en dehors de l’arche par le simple désir d’y être renfermé, etianisi voto in ea fuisset, Bellarrnin répond simplement que les comparaisons ne conviennent pas nécessairement de tout point. Ainsi, d’après I Pet., ni, 21, le baptême est comparé à l’arche de Noé, et cependant sans le baptême in re on peut être sauvé. De EccL milit., l. III, c. m. Le savant controversiste donne la même explication pour le cas de l’excommunié repentant, qui obtient de Dieu la rémission de ses péchés, et qui n’est pas réconcilié avec l'Église. Il le considère comme appartenant à l'Église par le désir, ce qui lui suffit pour le salut, bien que ne possédant pas encore la communion extérieure sans laquelle il ne peut vraiment appartenir à l'Église visible de la terre, c. vi.

Suarez adopte la même explication. A l’argument apporté par Bellarrnin contre Cano, il ajoute cette autre raison que les conciles, en définissant qu’il n’y a point de salut en dehors de l'Église, parlent certainement de l’Eglise établie par Jésus-Christ, et que leurs définitions doivent nécessairement s’entendre d’elle. De fide, disp. XII, sect. iv, n. 22.

Le cardinal du Perron (y 1618) enseigne également que l’on peut être imputativement dans l’Eglise sans participer actuellement à la communion visible de l'Église, pourvu que ce défaut provienne de l’impossibilité d’y participer actuellement, à cause d’empêchements externes ; et bien que, dans ce cas, l’on n’ait point la communion visible et actuelle avec l'Église, la communion en vœu avec elle est légitimement imputée pour l’actuelle et suffit réellement pour le salut. Réplique à la réponse du srrénissime roi de la GrandcBrelagne, l. I, c. i.xviii, Paris, 1620, p. 572 sq.

Sylvius († 1649), dans ses Controverses, reproduit, relativement à la possibilité du salut pour les catéchumènes involontairement privés du baptême, l’explication et les arguments de Bellarrnin. Personne n’est sauvé en dehors de l'Église, en ce sens qu’il n’appartienne à l’r.glise nec re nec voto, comme on ne peut être sauvé sans le baptême reçu re vel voto. Or, par le désir, les catéchumènes appartiennent à l’Eglise, dans laquelle on entre actuellement par la seule porte du baptême. Controv., l. III, q. i, a. 3, Opéra, Anvers, 1698, t. v, p. 238.

C’est aussi la réponse du franciscain Henno († 1713), Theologia, tract, de virlal., disp. II, a. 1, concl. 2, Venise, 1719, t. i, p. 304.

A la même difficulté Libère de Jésus (y 1719) répond presque dans les mêmes termes. Pour que quelqu’un soit sauvé, il suffit, dans le cas de nécessité dans lequel seul vaut le désir du baptême, que l’on appartienne à.