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EGLISE


par elles ; toujours capable de retenir et d’adoucir les soulèvements des flots elles révoltes des passions, elle reçoit leurs coups, mais elle n’en est jamais ébranlée. Elle assiste au naufrage des autres, étant toujours ellemême à l’abri de tout danger et toujours prête à être illuminée par Jésus-Christ et à jouir de la possession de lumière. De Abraham, l. II, c. ni, n. 1 1, col. 461 sq. Vers la même époque, saint Jean Chrysoslorne, appliquant ;  ! l'Église ces paroles d’Isaïe : El eril innovissimis diebus præparatus morts Dontini, ii, 2, montre que ce mont désigne la fermeté, l’immortalité ou immutabilité et la force inexpugnable de l'Église. In Es., Il, 2, P. G., t. lvi, col. 29. Plus loin, il rappelle que l'Église, en butte à tant et de si fortes attaques, n’a jamais été vaincue et qu’elle repose sur des fondements plus fermes que le ciel lui-même, puisqu’elle est appuyée sur la parole de son fondateur : Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point. In Is., homil. iv, n. 2, col. 121 sq. Un peu plus tard, saint Jérôme donne pour raison de l’inébranlable fermeté de l'Église, qu’elle repose sur le fondementde Jésus-Christ. In 7*., iv, 6, P. L., t. xxiv, col. 71.

A la fin du ive siècle et au commencement du V*, en face des donalistes affirmant que toute l'Église visible avait péri, et qu’elle avait persévéré seulement dans quelques justes en Afrique, saint Augustin insiste sur l’indéfectibilité de l'Église, qui ne peut jamais perdre la catholicité dont la possession perpétuelle lui estassurée par les prophéties de l’Ancien Testament, Ps. ii, 7, et par la promesse solennelle de Jésus-Christ. Matth., xxviii, 19 sq. ; Epis t., xlix, n. 2 sq., P. L., t. xxxiii, col. 189 sq. Commentant ces paroles du psaume lx, 5 : Inquilinus ero in labernaculo luo uscjue in ssecula, le saint docteur montre que l’Eglise durera jusqu'à la fin des siècles, qu’elle ne sera jamais vaincue ni déracinée, qu’elle ne cédera à aucune épreuve jusqu'à ce que vienne la fin des temps, jusqu'à ce que de cette demeure temporelle nous soyons reçus dans cette habitation éternelle où nous conduira celui qui s’est fait notre espérance. In ps. lx, n. 6, P. L., t. xxxvi, col. 726. L'évêque d’Hippone appliquant également à l'Église les paroles du psaume lxxi, 5 : Et permanebit cum sole, affirme que l'Église durera quamdiu sol oritur et occidit, hoc est quamdiu tempora ista volvuntur. [n ps. L.., n.8, col. 906. Il donne ailleurs cette raison de l’inébranlable fermeté de l’Eglise, c’est qu’ayant pour fondement Jésus-Christ lui-même, elle ne peut chanceler qu’autant que son fondement lui-même chancellerait, ce qui ne peut arriver. In ps. ciii, serm. ii, n. 5 sq., P. L., t. xlii, col. 79 sq. Elle peut être assaillie, mais elle ne peut être vaincue. Toutes les hérésies sont sorties d’elle, comme des sarments retranchés de la vigne : ipsa autem manet in radice sua, in vite sua, in caritate sua. Portai inferi non vincent eam. De symbolo, serm. ad catechum., c. VI, n. 14, P. L., t. XL, col. 635.

Du VIe au XIIIe siècle, la constante indéfectibilité de l’hglise est particulièrement appuyée sur la promesse spéciale faite à saint Pierre et à ses successeurs, notamment dans le formulaire du pape saint Hormisdas, très fréquemment employé pendant cette période, Denzinger-Bannvart, £'rtc/imf/ion, n. 171, et dans une lettre du pape saint Léon IX à Michel Cérulaire, du 2 septembre 1053. Enchiridion, n. 351.

Au xiiie siècle, saint Thomas, commentant le symbole des apôtres, énumère quatre conditions ou propriétés de l'église, parmi lesquelles la quatrième est que l'Église soit forlis et firma. Cette fermeté de l'Église, provenant de ce qu’elle a Jésus-Christ pour fondement, consiste en ce que, malgré les attaques dont elle est l’objet de la part des persécuteurs, de la part des hérétiques ou de la part du démon, elle ne peut jamais être détruite, et reste toujours pure et ferme dans la foi.

Exposilio super symbolo apostolorunt, opusc. VI, Opéra, Rome, 1570, t. xvii, fol. 69 sq.

Au xve siècle, Turrecremata traite expressément, dans sa Summa de Ecclesia, de l’indéfectibilité de l'Église dans la foi, dans la sainteté, dans la doctrine et dans l’autorité hiérarchique. Il prouve cette indéfectibilité particulièrement par l’autorité de l'Écriture. De l’Ancien Testament il cite surtout le ps. xlvii, 3 sq. : Fimdatur exultalione universæ terrai nions Sion, lalera aquilonis, civitas régis magni, et Is., xxxiii, 20 : Respice Sion civilalem solemnilalis nostræ : oculi tui videbunt Jérusalem, habitationem opulentam, tabernaculum quod nequaquam transferri poterit : nec auferentur clavi ejus in sempiternum et omnes funiculi ejus non rumpentur. Les principales preuves empruntées au Nouveau Testament sont la parole de Jésus à saint Pierre : Ego aillent rogavipro te ut non de/iciat (ides tua, Luc, xxii, 32, et l’affirmation de saint Paul : Douée occurrainus omnes in unitalent fidei et agnitionis filii Dei, in virum perfcclnm, in mensuram œlalis pleniludinis Christi, ut jam nottsimus parvuli fluctuantes el, circumferamur omni venlo tloclrina : . Eph., iv, 13 sq.

c) Du XVIe siècle jusqu'à notre époque, l’on rencontre habituellement chez les apologistes catholiques une revendication explicite de cette propriété de l’Eglise, universellement niée parles protestants anciens et actuels, du moins en ce qui concerne l'Église visible.

Cette négation est, en réalité, le fondement nécessaire de la prétendue Réforme, en même temps que de la mission, que ses chefs se sont eux-mêmes donnée, de rétablir la religion de Jésus-Christ dans sa pureté primitive. Toute réforme dans la doctrine et dans le gouvernement suppose évidemment une défaillance antérieure, bien que le moment précis où cette défaillance s’est produite, reste un objet de controverse parmi les adversaires de l'Église catholique : le commencement du xve siècle ou l'époque même des apôtres, comme l’a successivement pensé Luther, ou quelque autre époque intermédiaire, selon l’appréciation d’autres réformateurs, en notant toutefois que les protestants de notre époque, pour s'éviter l’inconvénient d’une absurdité par trop manifeste, placent cette défaillance beaucoup plus près des temps apostoliques.

Observons d’ailleurs que, même chez les ritualistes du xixe et du xxe siècle, dont le concept ecclésiastique se rapproche davantage du dogme catholique, la défectibilité de l'Église, en ce qui concerne l’unité voulue par Jésus-Christ, est, du moins pour une période très longue, nécessairement admise. Car tandis que Jésus a voulu, entre tous les membres de son Église, une unité parfaite de foi et de gouvernement, réalisée surtout par la soumission parfaite à la primauté de Pierre et de ses successeurs, les ritualistes préconisent, entre les trois communions existantes dans l'Église, la romaine, la grecque et l’anglicane, une union qu’ils se plaisent à considérer comme bien suffisante, faute de mieux, mais qui est, en réalité, bien en deçà de l’institution de Jésus-Christ ; ce qui suppose évidemment une défaillance au moins temporaire de l'Église dans l’unité telle que Jésus-Christ l’a voulue. C’est ce que montre particulièrement une lettre du secrétaire du Saint-Oflice du 8 novembre 1865, Ad qttosdam puscistas anglicos. Collectanea S. C. de Propaganda fide, n. 1276, Rome, 1907, t. i, p. 702 sq.

Contre toutes les négations protestantes, et parfois contre les assertions des jansénistes affirmant, à certaines époques de l’histoire de l’Eglise, un obscurcissement général de ; vérités dogmatiques ou morales très importantes, les apologistes ou théologiens catholiques, depuis le xvie siècle jusqu'à notre époque, démontrent l’indéfectibilité de l'Église en s’appuyant sur les promesses formelles de Jésus-Christ et sur l’enseignement