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DUNS SCOT

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sauce existerait-elle avec une motion physique prédéterminant à un acte unique ? Aussi le docteur franciscain attribue-t-il clairement à la volonté humaine 1’ineflicacité de la grâce. Quando duse causa partiales concurrunt ad effectum commune ambarum, potest esse defectus in productione effectus unius causse concurrentis prxcise et non alterivs. In IV Sent., 1. II, et i s t. XXXVII, n. 14. Appliqué au vouloir humain, fruit du concours de Dieu et de l’homme, dans l’ordre surnaturel, ce principe explique la déviation du vouloir, relativement à la fin qu’il devrait avoir et que Dieu poursuit de son côté : potest esse defectus in ipso relie, ex defectu allerius causse, et hoc, quia ista causa possel rectitudinem dare, quam lenetur dare et tamen non dat. Loc. cit. Or, dans le cas où la grâce est inefficace, c’est la volonté humaine qui refuse sa coopération, rectitudinem non causari est propter hoc, quia causa secunda, quantum ad se pertinct, non causât, lbid. Duns Scot n’admet donc pas des grâces actuelles ou des motions surnaturelles qui soient, de soi efficaces, au point de prédéterminer physiquement la volonté humaine. Si de fait Dieu ne concourt pas efficacement à un acte surnaturel pour lequel la grâce est donnée, il a du voir ab seterno dans sa science infinie la réponse négative de la volonté humaine à ses avances : daret consequenter, quantum est ex se, nisi essel impedimentum. Loc. cit. Cette science toutefois ne paraît pas mériter d’aulre nom que celui de simple intelligence, embrassant, avec les moindres particularités, toutes les combinaisons possibles des rapports et des mutuelles influences des êtres concevables, parmi lesquelles lui-même a fait un choix, objet de la science de vision.

2. Grâce habituelle.

a) Nature de la grâce habituelle. — Le trait le plus caractéristique de la doctrine de Duns Scot sur la grâce habituelle paraît être l’identification qu’il en fait avec la charité. L’œuvre du Saint-Esprit, dans la sanctification de l’âme, consiste essentiellement dans la production d’un habitus créé, dés lors distinct de la personne de l’Esprit-Saint, et permanent, ainsi que le déclarera le concile de Trente. lu IV Sent., I. I, dist. X Vil, q. m. Ce don s’appelle la grâce. Duns Scot l’identifie donc avec la charité. La pensée est claire : codent habitu quo Spiritus Sanctus inhabitat animam, voluntas inclinatur ad suum actum merilorium. Or, l’Esprit-Saint habite dans l’âme par la grâce et la grâce, c’est la charité même, habitus… qui est gratia et ipsa est charitas. In IV Sent., 1. II, dist. XXVII, n. 35. Cet habitus unique met l’âme en double relation d’amour habituel avec Dieu. On lui donne le nom de grâce, parce qu’il est un don de Dieu à notre faible nature, une marque effective de son amour pour nous : gratia est qua Deus habcl aliquem gratum ila quod respicit Deum diligentem, non autem dilectum. On l’appelle charité en tant qu’il incline l’âme et la rend apte à un amour surnaturel affectif et méritoire de Dieu. Charitas dicitur, qua Italiens eam habet Deum charum, ita quod respicit Deum non in ratione diligentis, sed in ratione diligibilis. Loc. cit. Bien qu’identiques réellement au point de vue de leur essence, la grâce et la charité sont cependant formellement distinctes. Autre est la raison formelle pour laquelle, par un même habitus, l’âme aime ou peut aimer Dieu, autre la raison pour laquelle elle est acceptée de Dieu et aimée de lui : ici un état de passivité, là un principe d’activité.

A cause de cette identification, Duns Scot assigne comme siège de la grâce, non l’essence de l’âme, mais bien une faculté, et celle-ci est la volonté. In IV Sent., 1. II ; Report., 1. II, dist. XXVI. Cette conclusion semble exigée par l’étroite dépendance qui existe entre la grâce, la gloire et la béatitude. Or, la béatitude consiste formellement dans un acte de la volonté dans

la volonté réside donc aussi formellement la grâce. Elle ne perfectionne point dès lors l’essence ut sic. Ce langage ne semblera pas excessif à ceux qui se souviennent que le docteur subtil ne met entre l’essence de l’âme et ses facultés qu’une distinction formelle. lu IV Sent., 1. II, dist. XVI.

b) Origine et accroissement de la grâce habituelle. — La grâce étant une qualité créée ne peut venir causative que de Dieu. A l’instant même où Dieu crée ce don, il le dépose dans l’âme, mais, malgré cela, la grâce est antérieure d’une priorité de nature à son infusion : duplex est ibi mulatio : una a non-esse charitatis vel gralise ad esse gratiæ, …alla est a subjecto non-charo ad esse charum. In IV Sent., 1. I, dist. XVII, q. v, n. 5. Par cette distinction, Duns Scot renie toute parenté avec l’opinion qui substitue à l’acte créateur une simple éduction de la grâcee potentia subjecti. Cf. In IV Sent., 1. IV, dist. I, q. ii, iv, v.

La grâce se rencontre inégalement dans les âmes où elle augmente d’ailleurs avec les mérites. Cette inégalité des formes simples a préoccupé les scolastiques. Duns Scot, plutôt favorable â l’inégalité des formes substantielles de même espèce, ne craint pas d’expliquer l’inégalité de la grâce par une différence de degrés entitatifs, et l’augmentation par une addition de degrés nouveaux. In IV Sent., 1. I, dist. XVII, q. iv-vi ; Report., tl>id., q. iii-vi. Quand Dieu augmente la grâce, les degrés préexistants ne jouent pas le rôle de puissance par rapport aux degrés nouveaux. Tous ces degrés sont ejusdem rationis : il en résulte une unité particulière que le docteur subtil appelle d’un nom qu’on ne peut traduire : unitas unigeneitatis et qu’il trouve non seulement dans les réalités d’ordre surnaturel, mais encore dans celles de l’ordre naturel : facla resolutione compositi in materiam et formant, utrumque extremum habet kanc composilionem scilicet unigeneitatis, quia tum materia twm forma habet partes ejusdem rationis ex se formaliter. Report., 1. I, dist. XVII, q. v. Duns Scot semble donc admettre que dans les créatures la simplicité n’exclut pas de soi toute composition, et, la grâce étant créée, semblable composition est concevable.

A quelque degré de perfection qu’on la suppose, la grâce est néanmoins indivisible. Elle demeure jusqu’à ce que, le péché mortel étant commis, Dieu la détruise. Cette destruction est une véritable annihilation ; le Tout-Puissant l’accomplit, non per actionem aliquam, sed subslrahendo in/luentiam suam. De puissance absolue, Dieu pourrait cependant la diminuer en lui enlevant quelques degrés, par exemple, à l’occasion d’un péché véniel, mais de puissance ordonnée, il ne le fait pas : la grâce demeure donc entière tant que le péché mortel n’est pas commis. Report., 1. I, dist. XVII, (I. v.

La justification.

Duns Scot a voulu scruter avec un soin extrême les rapports qui existent entre la grâce et la justification. Chez lui, la question de fait se grossit toujours d’une question de possibilité : à côté des vouloirs divins déterminés, la recherche de ce que Dieu pourrait faire.

1. Dispositions requises pour la justification.

A maintes reprises, dans l’étude des sacrements de baptême et de pénitence, en particulier, In IV Sent., I. IV, dist. IV, q. v, le docteur subtil enseigne que la justification des adultes requiert, de leur part, certaines dispositions morales, notamment la foi, le repentir du péché, le désir d’en être délivré. Ces actes préparatoires sont déjà le fruit de la grâce actuelle. Ils sont en effet le principe d’un mérite de congruo, relativement à la justification même : dispositiones ad gratiam habent rationem menti de congruo. In IV Sent., 1. II, dist. VII, q. n. Or, il est évident qu’il n’y a pas