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DOGMATIQUE

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Cet enseignement est d’ailleurs confirmé par des fails constants. Qu’il nous suffise de rappeler ici, pour ce qui concerne les sciences philosophiques, les faits indiqués par Léon XIII dans son encyclique AZlemi Patria

du 4 août 1879. Quand sous l’impulsion des novateurs du XVIe siècle on se mit h philosopher sans aucun égard pour la foi et que l’on s’accorda pleine licence de laisser aller sa pensée selon son caprice et son génie, il en résulta tout naturellement que les systèmes de philosophie se multiplièrent outre mesure et que des opinions contradictoires se firent jour, même sur les objets les plus importants des connaissances humaines. D’où l’on fut facilement conduit à beaucoup d’hésitations, de doutes et d’erreurs souverainement nuisibles à la philosophie elle-même. D’autre part, c’est un fait non moins certain que la philosophie, lant qu’elle était restée soumise à l’autorité tutélaire de la révélation chrétienne, telle qu’elle est proposée par l'Église, atteignit une plus grande perfection et procura aux individus et à toute la société de grands avantages : Dis rébus et causis, quoties respicinuis ad bonilalem, vint prseclarasque ulilitates ejus disciplinse philosophicse quant majores nostri adaniarunt, judicamus lemere esse commitsum ut eidem suus honor non seniper nec ubïquc permanserit. Encvclique Mternx Patris. D’ailleurs, maintenant que le modernisme est manifestement dévoilé sous toutes ses faces, n’est-il pas évident que Pie X, en condamnant par l’encyclique Pascendi toutes les applications de ce système en philosophie, en théologie, en exégèse, en critique et en histoire, a vigoureusement défendu le véritable progrès et le vrai perfectionnement des sciences philosophiques, historiques et critiques, en même temps qu’il a protégé, contre toutes les négations audacieuses des incroyants, le dépôt intégral de la révélation confié à la garde vigilante de l’Eglise ?


II. Méthode

Nous examinerons particulièrement pour la dogmatique :
1° le rôle que doit y avoir la méthode positive ;
2° le rôle que l’on doit assigner à la méthode scolastique ;
3°à laquelle de ces deux méthodes on doit donner la préférence.

I. MÉTHODE POSITIVE.

En quoi elle consiste.


1. L’expression de théologie positive, employée pour la première fois à fin du xvie siècle, fut usitée dans des sens assez divers pendant le xviie et le xvili*. Tandis qu’elle signifie, pour Becanus († 1624), la théologie oratorio stylo ulens, par opposition à la scolastique avec ses procédés dialectiques, sen style simple, précis et didactique, Summa theologiie scholaslicse, disp. promu., q. i et il, Lyon, 1690, p. 1, 3, sens encore adopté par Gonet ([-'1681), Clypetis theologiie lliomistiese, disp. proœm., Anvers, 174-4, t. i, p. 1 ; elle est pour Sylvius (-j- 1648), la théologie qui s’attache à l’explication de l’Ecriture, pour en découvrir le sens ex sernwnis contexlu, vocum proprietate, sanctorum Patrum aliorumque interpretum auctoritale et qui, après avoir trouvé ce sens, pose et établit comme principes les vérités ainsi contenues dans l’Ecriture. Commentarius inSum. theol., in I am, q. i, a. 1, quær. iii, Anvers, 1698, t. i, p. 5. Philippe de la Sainte-Trinité (y 1671j restreint la théologie positive à une exposition de l'Écriture per humilias, sermones, etc., et fait dériver le nom de positive de ce que cette science point aliquid supra Scripluram. Uisputationes l/ieologicse, in l a " disp. I, dub. i, Lyon, 1653, t. 1, p. 5. Ilenno (y 1713) reproduit simplement la notion de Becanus et de Gonet. Theologia dogmatica morali ri scholaslica, disp. proœm., q. i, concl. ii, Venise 1719, t. i, p. 1. Frassen (y 1711), réunissant dans une même définition le concept de Iîecanus et celui de Sslvius, enseigne que, dans la théologie positive, les vérités île foi sont posées comme des principes d’où la scolastique, avec ses procédés philosophiques et syllogistiques, déduit ses conclusions, et que d’ailleurs la positive est entièrement consacrée à l’exposé du droit divin positif comprenant la loi divine, les saintes Écritures et les traditions divines ainsi que les décrets de l’Eglise. Scotus aeademicus, disp. proœm., a. 1, q. i et ii, Home, 1720, t. i, p. 7, 14.

Les deux concepts de Becanus et de Sylvius sont pareillement unis par Tournely († 1729), Prxlectiones île Dm iiiio et trino, Paris, 1725, t. i, p. 6, par le cardinal Gotli (y 1742), Theologia scolastico-dogmatica, tr. I, q. i, dub. I, Venise, 1750, t. i, p. 2, et par Billuart (y 1757), Summa sancti Thomas, disp. proœm., a. 1, Paris, 1886, t. i, p. 3. Enfin au XIXe siècle, écartant définitivement la question toute secondaire du style et voulant marquer plus nettement le rôle prépondérant de la tradition toujours vivante dans l’Eglise, on définit communément la méthode positive : celle qui, avec l’appui de l’Ecriture, de la tradition et de l’enseignement de l'Église, recherche ce qui est contenu dans la révélation divine et comment il y est contenu. Eranzelin, De divina tradilione, 4e édit., Home, 1896, p. 672 ; Hurter, Théologies dogmatiese compendium, 4e édit., Inspruck, 1883, p. 2 sq. ; Pesch, Prælectiones dogmatiese, 'réélit., Fribourg-en-Brisgau, 1909. 1. 1, p. 9 ; Th. Coconnier, Revue thomiste, 1902, p. 630 ; M. Jacquin, Revue des sciences philosophiques <'t théologiques, janvier 1907, p. 99 sq. C’est encore ce que l’on a souvent désigné sous le nom de théologie historique, consistant principalement en une démonstration et une exposition historique des dogmes révélés, appuyées uniquement sur le témoignage historique de l'Écriture et de la tradition. Th. Coconnier, Revue thomiste, 1902, p. 630.

En réalité, la théologie positive ou historique a un double rôle : établir, par les preuves d’autorité, l’existence de tel dogme et en retracer en même temps le développement historique, tant dans les écrits inspirés de l’un et l’autre Testament que dans tout l’ensemble de la tradition des Pères et des théologiens. Bestreinte à l'étude de la doctrine effectivement contenue dans les écrits inspirés, elle prend le nom de théologie biblique de l’un et l’autre Testament. Appliquée à la recherche du témoignage de la tradition au cours des siècles sous toutes les formes où celle-ci se manifeste, assertions des Pères et des théologiens, attestations documentaires de toute sorte et définitions de l’autorité ecclésiastique, la théologie positive ou historique prend les divers noms particuliers de théologie patristique, théologie liturgique, symbolique ou conciliaire. Mais, quel que soit l’objet de ses investigations, elle doit, pour ce qui la concerne strictement, s’abstenir des déductions partiellement appuyées sur le raisonnement et avoir uniquement recours à l’autorité scripturaire, patristique ou ecclésiastique.

2° Nécessité de la méthode positive en dogmatique. —

1. Cette nécessité résulte du caractère même de la théologie dogmatique. Désireuse d’acquérir des vérités révélées une connaissance scientifique dans la mesure actuellement possible, la théologie dogmatique doit tout d’abord s’assurer de l’existence et de la vérité des principes révélés sur lesquels toutes ses conclusions ultérieures doivent être appuyées. Cette justification ne pouvant être faite que par la manifestation du témoignage divin, seule source authentique de la révélation, il est donc rigoureusement nécessaire de démontrer, en premier lieu, comment et dans quel sens ces vérités sont affirmées par l’enseignement divin contenu dans l'Écriture et dans la tradition et proposé par l’Eglise à notre croyance. C’est en ce sens que saint Thomas et après lui tous les théologiens scolastiques ont affirmé que la théologie repose principalement sur l’argument d’autorité' : argumentari ex auctoritale est maxime proprium hujus doctrines, eo quod principia hujut