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CLÉMENT XII — CLÉMENT XIII

déclara supprimée la bulle de canonisation de saint Vincent de Paul, parce que le saint y était félicité de son zèle contre le jansénisme naissant ; le cardinal de Fleury fit casser par le conseil l’arrêt du parlement. Picot, Mémoires, t. iii, p. 13 sq.

Clément XII mourut le 8 février 1740, âgé de 88 ans : depuis plusieurs années il était presque complètement aveugle et souffrait de la goutte.

I. Sources. — Bullarium romanum, Turin, 1872, t. xxxiii, xxiv.

II. Travaux. — Artaud de Montor, Histoire des souverains pontifes, t. vii ; Audisio, Histoire religieuse, t. v ; Bower, History of the roman popes, t. x b ; Brosch, Geschichte des Kirchenstaates, t. ii ; de Brosses, Lettres particulières, Paris, 1858 ; Fabronius, De vita et rébus gestis Clementis xii, Rome, 1760 ; Guarnacci, Vitæ et res gestæ pontificum romanorum ; t. ii ; Muratori, Annali d’Italia, Milan, 1749, t. vii. p. 162 sq. ; Petrucelli della Gattina, Histoire diplomatique, t. iv ; Picot, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique pendant le xviiie siècle, Paris, 1854, t. ii-iii ; Ranke, Die römischen Päpste, t. iii ; Reumont, Geschichte der Stadt Rom, t. iii b.

J. De la Servière.


14. CLÉMENT XIII, pape (1758-1769), successeur de Benoit XIV. — I. Antécédents et premiers actes. II. Suppression de la Compagnie de Jésus. III. Divers actes.

I. Antécédents et premiers actes.

Charles Rezzonico naquit à Venise le 7 mars 1693, d’une famille patricienne, fit ses premières études chez les jésuites de Bologne, et prit son doctorat en droit à Padoue. En 1716, il entra dans la prélature, devint référendaire des deux signatures, gouverneur de Rieti et de Fano sous Clément XI. Benoit XIII le fit auditeur de Rote pour Venise, et Clément XII, à la recommandation de la République, le nomma cardinal-diacre ; en 1743, il reçut de Benoit XIV l’évêché de Padoue qu’il administra avec beaucoup de zèle et de conscience, s’occupant spécialement de la formation de son clergé, et sans cesse appauvri par ses immenses aumônes ; en 1747, il devint cardinal-prêtre du titre de Sancta Maria in Ara Cæli. Benoit XIV l’estimait grandement pour sa vertu et sa science théologique et canonique.

Au conclave qui suivit la mort de ce pontife et s’ouvrit le 15 mai 1758, le cardinal Cavalchini aurait été élu sans l’exclusive de la France, notifiée par le cardinal de Luynes. A son défaut, trente et un électeurs sur quarante-quatre portèrent leurs suffrages sur Rezzonico qui, prévoyant les épreuves réservées à son pontificat par l’hostilité grandissante des cours européennes, n’accepta qu’en fondant en larmes. Il fut couronné le 16 juillet, et obtint de Venise, sa patrie, comme don de joyeux avènement, le retrait d’une ordonnance de 1754 qui défendait aux sujets de la République de demander à Rome d’autres grâces que celles délivrées par la Pénitencerie.

Un des premiers actes du nouveau pape fut de rappeler aux évêques du monde entier le devoir qui leur incombait de résider dans leurs diocèses et de s’y montrer hommes de prière et de doctrine, pères des pauvres et anges de paix (septembre 1758). Bullarium, t. iii, p. 30 sq. Continuant à Rome les œuvres qui lui avaient valu la vénération de son peuple de Padoue, il réforma et favorisa plusieurs corporations d’artisans, ibid., p. 187, 214, 969 ; rendit de nombreuses ordonnances concernant la bonne administration de l’État pontifical, ibid., p. 538 sq. ; adoucit le régime des prisons de Rome, ibid., p. 669 sq. ; encouragea les monts de piété, ibid., p. 1173 ; recommanda l’enseignement de la doctrine chrétienne au peuple. Ibid., p. 275, 522. On lui doit de nouveaux règlements pour la Bibliothèque et les musées du Vatican. Ibid., p. 657. Cf. Reumont, Geschichte, p. 712, 713.

II. Suppression de la Compagnie de Jésus.

Au Portugal.

Dés les premiers jours de son pontificat, Clément se trouva aux prises avec l’affaire qui devait en être jusqu’au bout le tourment : la suppression de la Compagnie de Jésus réclamée par presque toutes les cours catholiques. En 1758, le comte d’Œyras, plus tard marquis de Pombal, avait arraché à Benoit XIV, vieilli et malade, la nomination d’un visiteur des maisons de la Compagnie au Portugal et dans ses colonies ; ce visiteur ne devait, du reste, prendre aucune décision sans en avoir référé au saint-siège ; son rôle était purement celui d’un enquêteur. Cf. Cordara, Mémoires, p. 19. Le cardinal Saldanha, chargé de cette mission, profita de la vacance du saint-siège pour dépasser de beaucoup ses pouvoirs. Le 15 mai 1758, il rendit, après six semaines d’enquête, un décret qui déclarait les jésuites coupables d’un commerce illicite et scandaleux en Portugal et aux colonies ; ce décret était accompagné d’un mandement arraché par le premier ministre à la faiblesse du patriarche de Lisbonne ; tous les membres de la Compagnie étaient suspendus de leurs pouvoirs de confesser et de prêcher dans toute l’étendue du patriarcat. Quelques jours auparavant, Œyras avait chassé de la cour les jésuites confesseurs du roi et des princes. P. de Ravignan, Clément XIII, t. i. p. 70 sq.

Le 3 septembre 1758, un attentat dirigé contre la personne du roi Joseph Ier permit au ministre d’impliquer les jésuites dans le procès fait à ses ennemis, les Tavora ; 221 religieux furent emprisonnés dans les cachots du bord du Tage, et trois d’entre eux condamnés à mort sans qu’on osât les exécuter ; tous les jésuites du Portugal et des colonies, ceux des réductions du Maragnon et d’une partie du Paraguay, jetés sur les côtes des États pontificaux, reçurent du nouveau pape et de leurs frères de Rome la plus généreuse hospitalité. Cordara, Mémoires, p. 28. En 1759, Pombal se résolut à demander à Rome la permission de faire juger en Portugal les clercs séculiers ou réguliers complices de la tentative de régicide. Clément l’accorda le 11 août 1759, mais en même temps adressa au roi Joseph Ier un bref par lequel il demandait grâce pour les jésuites persécutés, s’offrant à punir lui-même des peines les plus sévères ceux d’entre eux qui seraient trouvés coupables. Bullarium, p. 237. Cf. Cordara, Mémoires, p. 22. Loin de lui donner satisfaction, le roi se déclara offensé et prenant prétexte de certaines difficultés avec le nonce Acciajuoli, le fit conduire à la frontière entre des soldats ; le 7 juillet 1760, l’ambassadeur Almada quitta Rome, et toute communication fut interrompue entre le Portugal et le Saint-Siège jusqu’à la mort de Clément XIII ; le pape essaya vainement en 1763 et en 1767 de renouer les relations par des lettres touchantes, adressées au roi Joseph. Ravignan, ibid., p. 90 sq. ; Theiner, Histoire, t. i, p. 62. Le 21 septembre 1761, le P. Malagrida, un des jésuites les plus influents de Lisbonne, fut jugé par l’Inquisition portugaise, dont le frère de Pombal était le chef, déclaré coupable d’hérésie, abandonné au bras séculier, et brûlé dans un solennel autodafé. Sidney Smith, The suppression, dans The Month, février 1902 ; Saint-Priest, Histoire, p. 28 sq.

En France.

La France suivit trop vite l’exemple du Portugal. A la suite des regrettables opérations du P. de Lavalette, et de la banqueroute qui y mit fin, le parlement de Paris avait rendu tous les jésuites français responsables des actes de leur confrère, et commencé l’examen de l’institut de saint Ignace (mai 1761). En juin 1761, Clément XIII, inquiet de la tournure que prenait l’affaire, écrivit à Louis XV pour le prier d’intervenir. De son côté, l’assemblée du clergé de France, réunie en décembre 1761 et composée de 51 évêques, s’occupa du procès intenté à l’ordre ; 45 prélats signèrent le 30 décembre l’Avis des évêques de France ; ils demandaient que l’institut subsistât sans changements dans le royaume ; cinq opinèrent pour la conservation des jésuites en réclamant quelques modifications dans leurs règles et leur soumission à l’ordinaire ; un seul, M. de Fitz-James, évêque de