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CLÉMENT XI

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tholiques qu’ils ne reconnussent pas le nouveau royaume. Opéra, t. i, p. 3 ; t. iv, p. 44. L’empereur, en réponse, fit envahir les Romagnes par ses troupes ; chassées d’abord par le prieur de Vendôme en 1704, elles reparurent dans l’État pontifical après les désastres des armées françaises et la levée du siège de Turin qui laissait les Impériaux maîtres de l’Italie du Nord. En 1708, l’archiduc Charles avait plus de 20000 hommes sur les territoires de Ferrare et de Bologne, et ces troupes, en majeure partie protestantes, se livraient aux pires excès ; en même temps l’archiduc, qui dominait sur le royaume de Naples et le Milanais, défendait à ses sujets d’envoyer de l’argent à Rome sous aucun prétexte, faisait séquestrer les revenus des ecclésiastiques qui résidaient hors du pays, et interdisait d’exécuter les bulles et brefs expédiés par le pape. Reboulet, Histoire, t. I, p. 136, 226 sq. Clément XI, indigné de ces violences, protesta solennellement et menaça les envahisseurs de l’excommunication, Bullarium, p. 180, 214, 217 ; il linit par lever contre les Impériaux une vingtaine de mille hommes. Mais cette petite armée, à laquelle Louis XIV ne put envoyer de renforts, ne fit qu’un simulacre de résistance. Le 15 janvier 1709, dans un traité signé à Rome, le pape subissait toutes les conditions de l’empereur et de l’archiduc. Il licenciait son armée et promettait de réunir une congrégation de cardinaux pour délibérer sur la reconnaissance de Charles comme roi d’Espagne ; à ce prix l’archiduc retira ses ordonnances et fit évacuer à ses troupes l’Etat pontifical. Baudrillart, Philippe V, t. i, p. 302 sq. ; Pometti, Sludii, p. 397 sq. La congrégation cardinalice ayant laissé la décision au pape, il donna, le 15 octobre 1709, une déclaration qui reconnaissait Charles III comme « roi catholique des Espagnes, sans porter préjudice à aucun autre, et de telle sorte que les droits des deux prétendants à la succession d’Espagne restent également saufs et intacts » . Opéra, t. I, p. 42 ; t. iv, p. 70 sq., 319 sq. L’empereur Joseph I er et l’archiduc se contentèrent de cette déclaration. Ce fut au tour de Philippe V de s’irriter. Malgré les conseils de Louis XIV, qui lui représentait la nécessité où s’était trouvé le pape, et l’imprudence qu’il y aurait à rompre avec lui dans les circonstances où l’on se trouvait, le roi d’Espagne chassa de Madrid le nonce Zondodari (3 avril 1709), et interdit aux évêques espagnols toute correspondance avec Rome ; sur les remontrances du pape et des prélats, il eut le bon sens de rapporter peu après cette seconde ordonnance. Baudrillart, Philippe V, t. I, p. 316 sq. ; Reboulet, Histoire, t. i, p. 248 sq. Cf. Bullarium, p. 450 ; Opéra, t. iv, p. 686 sq. L’empereur Joseph I er étant mort prématurément en 1711, après avoir eu avec la cour de Rome les plus mauvais rapports, Clément XI refusa généreusement de s’opposera l’élection de son frère l’archiduc Charles, et le reconnut comme « roi des Bomains et futur empereur » . Bullarium, p. G00. Il lui concéda même le droit dit « de premières prières » ou la nomination au premier bénéfice qui vaquerait après son avènement dans chacun des chapitres d’Allemagne, lbid., p. 603. L’empereur reconnaissant rétablit les bons rapports avec le Saint-Siège.

L’attention du pape se dirigea bientôt tout entière vers les négociations engagées à Utrecht, Les plénipotentiaires traitaient du sort de la Sicile et de la Sardaigne, pays vassaux du saint-siège, sans le moindre égard pour les droits du pape ; surtout il était question de supprimer l’art. 4 de la paix de Byswick qui avait stipulé le maintien de la foi catholique dans les pays restitués à des princes prolestants, et de revenir aux décisions des traités de Westphalie qui laissaient le prince imposer son culte à ses sujets. A Bastadt, le nonce Passionei et faillie de Polignac firent adopter des dispositions qui maintenaient expressément celles de Ryswick. Il était Stipulé en particulier « que tout ce qui concerne la religion catholique, apostolique et romaine, sera maintenu

dans l’état où les choses étaient avant la guerre, tant à l’égard des magistrats, qui ne pourront être que catholiques romains, comme par le passé, qu’à l’égard des évêques, chapitres, monastères, et généralement de tout le clergé » . Art. 27 de Bastadt et de Baden. Cf. Pometti, Studii, p. 448. Au même traité, les électeurs catholiques de Cologne et de Bavière, dépossédés par Joseph I er comme partisans de la France, retrouvaient leurs dignités (art. 15). De nombreuses précautions furent stipulées à Utrecht pour que le catholicisme lut respecté dans les places de la Barrière, dont les Hollandais avaient la garde (art. 23), et à Gibraltar et Minorque cédés à l’Angleterre (art. 11). Cf. l’allocution consistoriale du pape à la suite de ces traités, Opéra, t. i, p. 110 sq. ; les textes dans le Corps universel diplomatique de Dumont, t. VIII, p. 370, 395, 419.

Les événements qui se passaient à l’est de l’empire n’avaient pas laissé le pape indifférent. Charles XII de Suède, ayant vaincu en plusieurs rencontres l’électeur de Saxe roi de Pologne Frédéric-Auguste, fit élire à sa place le 12 juillet 1704 par la diète polonaise Stanislas Leczinski, palatin de Posnanie ; Clément XI prit vigoureusement le parti de Frédéric-Auguste sur qui il comptait pour ramener la Saxe à l’Église ; il refusa de répondre aux lettres par lesquelles Stanislas lui avait fait part de son avènement, défendit aux évêques polonais d’assister à son couronnement, et enferma au château Saint-Ange l’évêque de Posnanie, partisan de Stanislas, que Frédéric-Auguste avait fait prisonnier et envoyé à Borne ; il fit parvenir enfin à Frédéric-Auguste de fortes sommes qui lui permirent de se relever de ses défaites. Beboulet, Histoire, t. i, p. 131 sq. Lorsque, par le traité d’Alt-Banstadt, l’électeur de Saxe eut renoncé à la couronne de Pologne, Clément XI protesta contre le traité, Opéra, t. iv, p. 1688, et encouragea par son nonce les partisans du roi déchu à lui rester fidèles. Une ambassade russe envoyée par le tsar Pierre à Borne en 1707 fut bien reçue, lbid., p. 439. Clément XI obtint pour son protégé l’appui de la Bussie qui triompha des Suédois à Pultawa le 8 juillet 1709 ; Frédéric-Auguste rentra aussitôt dans son royaume de Pologne, et le pape profita de son bonheur pour obtenir de lui maintes concessions ; bien des abus que le séjour des troupes suédoises avait occasionnés en Pologne furent supprimés ; l’intervention du roi auprès du tsar Pierre obtint plus de paix et de liberté aux catholiques de Bussie ; enfin, le jeune princeélecteur de Saxe fut élevé dans le catholicisme, et ne tarda pas à abjurer l’hérésie. Beboulet, Histoire, t. i, p. 257 sq. Cf. Opéra, t. iv, p. 84, 138, 223, 234, 454, 654, 724, 1526, 2170.

A peine la paix rendue à l’Europe par les traités d’Utrecht et de Bastadt, le siège mis par les Turcs devant Corfou, et leur invasion en Hongrie inspirèrent au pape de nouvelles inquiétudes. Il secourut généreusement le comte de Schulembourg assiégé dans Corfou, et le prince Eugène de Savoie auquel il envoya en 1716 une épée et un chapeau bénits. La prise de Temeswar en 1716, et celle de Belgrade en 1717, par les Impériaux, sauvèrent une fois de plus la chrétienté. Beboulet, Histoire, t. il, p. 123 sq., 146 sq.

A la faveur de la guerre de succession d’Espagne, de tristes événements avaient séparé la Sicile du saintsiège. En 1712, l’évêque de Lipari excommunia des collecteurs d’impôts qui avaient frappé de certaines taxes des biens d’Eglise exempts ; ceux-ci firent appel de l’évêque au tribunal de la Monarchie de Sicile. Ce tribunal, dont les membres étaient à la nomination du roi de Naples, prétendait exercer au nom du roi en Sicile les pouvoirs de légat a latere, qu’une bulle d’Urbain 11 avait, disaient les juristes siciliens, conférés à Bogcr comte de Sicile et à tous ses successeurs dans le gouvernement du pas. Les papes avaient toujours protesté contre cette bulle. Sentis, Die Monarclua, p. 25-55.