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CONSERVATION

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Victor, Sumnia Sent., tr. III, c. I, P. L., t. clxxvi, col. 90 ; Hugues lui-même, Erudit. aidasc, 1. VII, c. i, ibid., col. 811 ; Pierre Lombard, Sent., 1. II, dist. XV, c. vii, P. L., t. cxcii, col. 683 ; Muitre Bandini, In IV Sent., 1. II, dist. XV, P. L., ibid., col. 1043. Mais à vrai dire ils se perdent à expliquer comment, loin de se reposer depuis le sixième jour de la Genèse, Dieu crée toujours non nova, sed nota. Les vues profondes d’Augustin sur la contingence de l’être sont plus ou moins négligées. Cf. Pierre Lombard, Sent., 1. II, dist. XII, XV, P. L., t. cxcii, col. 677, 683 ; Bandini, In IV Sent., 1. ii, dist. XII, ibid., col. 1040 (où il faut lire de modis, pour de malis, et inforniiter pour uniformité )-) ; Alexandre de Ilalès, Summa, part. I, q. lvi, m. I. Il est vrai du moins que ce dernier parle ailleurs de la conservation, part. I, q. xxvi, m. ii, avec citation de Slrabon, P. L., t. cxiv, col. 644, et plus spécialement Summa, part. II, q. xxiii, m. iii, De mutabilitate creaturarum.

Les commentateurs du Maître des Sentences traitent ordinairement de la conservation In I Sent., dist. I ou II, ou omettent la question. Cf. S. Bonaventure, Opéra, édit. Quaraccbi, t. il, p. 866, schol. il. Le texte de saint Augustin, In Gen., 1. IV, c. xii, P. L., t. xxxiv, col. 304 ; sa comparaison de la lumière qui ne subsiste pas sans source lumineuse, la plupart des passages de l’Écriture que nous avons cités, notamment Sap., il, 26 ; Joa., v, 17 ; Heb., i, 3 ; quelques textes de saint Grégoire le Grand, Moral., 1. II, c. xii, n. 20, P. L., t. lxxv. col. 565 ; de saint Jean Damascène, et un texte attribué à tort à saint Jérôme, cf. S. Bonaventure, Opéra, édit. Quaracchi, t. I, p. 146, note 4, forment en général les preuves positives principales.

Le catéchisme du concile de Trente résume la théorie de la conservation. De symbvlo, in-8°, 1890, t. i, n. 22, p. 22.

Au XVIe siècle, la question est traitée avec ampleur par Suarez, Disput. met., xxi, et par Lessius, De perfectionnais nuiribusque divinis, 1. X. Llle demeure encombrée d’exemples et d’objections empruntés à la physique aristotélicienne : inlluence des corps célestes incorruptibles, théories de la chaleur et de la lumière, etc. Au reste, tous les scolastiques pour le fond sont d’accord : Idem docent omnes scholastici, écrit Lessius, nemine excepto, etiam Durandus. De perfectionibus, 1. X, c. iii, n. 23.

Preuves de raison.

Voici les principaux arguments

de l’École. La conservalion est en somme une pure conséquence de la création.

On argue de la nature même de l’être créé. Puisqu’il n’a pas l’existence en propre, comme la cause première, mais qu’il l’a reçue ab alio, il ne peut durer que par la continuation de l’acte même qui, au premier instant de son existence, a suppléé à son insuffisance essentielle. S. Ilonaventure, In IV Sent., 1. II, dist. XXXVII, a. 1, q. n ; S. Thomas, Sum. theol., I a, q. civ, a. 1 : oportet quod idem sit causa rei et conservationis ipsius, na>ti conservatio rei non est nisi continuatio esse ipsius. Cont. genl., 1. III, c. i.xv, n. 2, 7. En effet, la même indigence qui caractérise l’être de la créature au premier instant de sa production, d’où il résulte qu’elle ne peut exister que par la vertu d’un autre, subsiste en elle tant qu’elle est ce qu’elle est. Suarez, disp. XXI, sect. i, n. 16 : quia semper est idem et quod per se primo ei convenit, semper ci convenit. Cf. n. 12. Ce qui suppose que l’aptitude à se soutenir par soi-même dans l’être, fût-ce pour un instant, la sufficienta essendi, est une perfection incommunicable. S. Thomas, Sum. theol., I q. xiv, a. 2, ad 2um. Au fait, si on la conçoit comme une perfection simple, puisqu’elle est en Dieu le principe de perfections simples, ou comme infinie, puisqu’elle est l’essence même de l’être infini, comment concevoir qu’elle puisse être

participée à un degré fini, et donc de manière non univoque mais analogue, en demeurant en rigueur de définition vera suf/îcienlia essendi ?

On argue encore, et c’est au fond une autre forme du raisonnement précédent, de l’essentielle dépendance qui existe entre l’effet et la cause. Aucune modification, aucun devenir ne se poursuit que durant l’application de la cause : impossibile est quod fieri alicujus rei maneat cessante motione moventis. On en conclut a pari qu’aucune existence ne peut se soutenir sans l’action continue de la cause première. S. Thomas, Cont. gent., 1. III, c. lxv, a. 4 ; Suarez, disp. XXI, sect. I, n. II. Cette preuve est soumise par Cajetan, / » Sum. theol., I a, q. civ, a. 1, et par Suarez, disp. XXI, sect. I, n. 7, à une critique minutieuse. Cf. Th. de Bégnon, Métaphysique des causes, 1. VIII, c. iv, Paris, 1886, p. 584-594. Les scolastiques voient d’ailleurs cette répugnance à ce que l’être fini puisse durer par sa propre vertu, qu’il serait ainsi, à la fois et sous le même rapport de l’existence, cause et effet de lui-même. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. civ, a. 2, ad 2um.

Suarez, loc. cit., n. 14, tire encore un argument de la toute-puissance divine. Tous affirment le souverain domaine de Dieu ; or Dieu ne le possède pas, si son action n’est pas essentielle à la durée des choses ; car il n’est pas maître absolu de ce qu’il ne peut annihiler, et il ne peut annihiler, s’il ne, conserve pas au sens même de la thèse. Qu’on laisse, en effet, les métaphores : annihiler d’un mot, réduire au néant, etc. On ne peut annihiler par une action positive, détruire de l’être comme on disperse au vent des fragments d’argile ; le résultat d’une action positive doit se chiffrer par un ellet positif, non par zéro. Si donc Dieu ne peut annihiler en agissant, il ne lui reste qu’un moyen d’y parvenir, c’est en cessant d’agir, c’est-à-dire par soustraclion d’une action indispensable à la durée des êtres : cette action c’est la conservation.

Note de la thèse.

Le concile du Vatican, const.

De fide, sess. III, c. i, Denzinger, n. 1633, dit : Universel vero qu.se condidit, Deus providentia sua tuetur atque gubernat, attingens a fine usque ad finem former, et disponens omniasuaviler. Ce texte ne concerne pas la conservation, mais le dogme, plus général de la providence. Cf. Collect. Lacens., Acla concil. Vat., Fribourg-en-Brisgau, 1890, t. vii, p. 105, 1018. Hérétique sans doute toute doctrine qui nierait la providence ; théologiquement erronée, celle qui lui refuserait un influx positif au moins indirect sur la conservalion des êtres. S’il s’agit, comme dans ces pages, d’une action intime directe et immédiate, il semble que cette doctrine, doivent être qualifiée de très commune et de certaine.

! I. Nature. —Un léger désaccord partage les scolastiques sur ce point. Pour le plus grand nombre la conservation n’est pas en Dieu un acte nouveau, c’est la continuation de l’acte créateur, non est per novam aclionem, sed per continuationem actionis quai dut esse. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. civ. a. I, ad i">" ; Lessius, loc. cit., n. 30. Voici la seule différence : le concept de création implique que l’être n’existait pas l’instant précédent, esse post non esse ; celui de conservation qu’il existait déjà, esse pos t jam esse. L’action divine ne diffère donc dans les deux cas que ralione, connotar tione : unique en soi, elle comporte drus noms suivant les rapports divers de son effet avec le temps et avec notre manière de concevoir. Suarez. disp. XXI, sect. ii, n. 2 sq. Et c’est encore l’infirmité de notre intelligence qui nous obligea parler de création continuée, comme si l’action de Dieu se prolongeai ! dans le temps : il n’y a pas de durée en Dieu, puisqu’il n’j a pas de changement, Scot, /// IV Sent., 1. II, dist. 11, q. i, ii, i, 17-25.

Quelques-uns font « les restrictions, et semblent requérir, entre la création et la conservation, une diffé-