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CONSCIENCE


lequel la conscience prononce qu’un acte est obligatoire, et révèle à la volonté humaine le décret d’une volonté supérieure lui enjoignant de poser ou d’omettre tel acte déterminé. Toute volonté supérieure est impérative, et son commandement a par lui-même une force qui incline les âmes droites. D’où une double motion exercée sur la volonté par la voie de la conscience morale : une motion d’attrait, d’amour, partant de la bonté de l’ordre, et rayonnant jusqu’à la volonté qu’elle incline ; une motion d’obéissance et de soumission partant de la volonté supérieure et venant lier et obliger le libre arbitre par les manifestations de conscience.

3° Cette double motion, attirante et impérative, n’est pas d’ordinaire déterminante. La conscience juge que quelque chose est bien, elle prononce que ce quelque chose est commandé, elle sollicite ainsi la liberté ; mais celle-ci demeure capable de décisions opposées, parce que le bien suprême seul la nécessite.

4° Après coup, la conscience qui constate les actes posés, et leur accord ou leur désaccord avec la loi morale, provoque dans l’âme la joie ou la tristesse, la fierté du bien accompli ou le remords de la faute commise.

De quelque côté qu’on l’envisage, la conscience morale est donc source de sentiments, ou d’émotions et son rôle affectif ne peut être contesté.

VII. Origines de la conscience morale.

Les origines de la conscience morale sont historiques ou psychologiques.

1° Ses origines historiques remontent à la création de l’homme et aux premiers jours de l’humanité. Lisons seulement les premières pages de la Genèse et nous en serons bien vite convaincus. — 1. Dieu est en rapports constants avec nos premiers parents dans le paradis terrestre. Il leur parle, il leur donne déjà une espèce de code, de direction de vie, dont nous connaissons l’existence et au moins un précepte, celui dont la violation fut la faute originelle. Ce commandement supposait la manifestation faite à l’homme, des droits et de l’autorité de Dieu. — 2. D’autre part, Adam montrait bien toute la connaissance qu’il avait de la loi divine du mariage humain, quand, voyant pour la première fois son épouse, Eve, il s’écriait : « Celle-ci est l’os de mes os et la chair de ma chair, » et quand il ajoutait : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à son épouse ; et ils seront deux dans une seule chair. » Gen., ii, 23, 24. Il savait donc les devoirs du mari envers sa femme, devoirs découlant de ceux que chacun doit pratiquer envers soi. L’époux, en effet, doit s’attacher à son épouse, parce qu’elle ne fait qu’un avec lui par son origine et par sa destinée, et l’amour de l’homme pour la femme est un prolongement de l’amour qu’il se doit à lui-même. — 3. Adam savait aussi les devoirs du fils envers son père et sa mère, puisqu’il dit qu’ils devront céder le pas aux devoirs envers l’épouse. Il y a dans ces quelques paroles une indication sommaire, mais précieuse, de l’état d’esprit de notre premier père qui sait, et qu’il a des devoirs, et dans quel ordre ces devoirs s’imposent à lui. — 4. Ailleurs, le crescite et multiplicamini n’est-il pas, lui aussi, une indication morale, comme cet autre passage où Dieu amène tous les animaux à Adam afin qu’il les nomme, Gen., ii, 19, et celui Gen., I, 28-30, où Dieu donne à l’homme la propriété de la terre et de ses moissons, des arbres et de leurs fruits, des animaux et de leurs petits ? Tout cela ne conlirmait-il pas l’homme dans le sentiment de son droit de propriété’cl dans le respect des droits d’autrui ?

Il y eut donc manifestement dès l’origine une théorie et une pratique morales, et une promulgation de devoirs qui furent ensuite observés à cause de l’autorité de Dieu qui les avait imposés, et conformément à la théorie qui les imposait.

2° Les origines psychologiques de la conscience morale sont dans tout ce qui pétrit et forme une âme libre.

1. Et d’abord, la nature même de l’homme lui met en mains le sens moral. Naturellement l’homme acquiert, par sa propre raison, la connaissance du monde, de Dieu et de lui-même. Cette connaissance lui révèle les rapports qu’ils soutiennent entre eux, la dépendance de la créature par rapport au créateur, et les conditions d’harmonie et de marche progressive de l’humanité et de l’individu. De cette connaissance jaillit spontanément la vue de ce qui convient, la notion d’un Dieu maître et législateur et de la loi morale. La conscience morale est donc une pièce constitutive de notre machine spirituelle, et tout homme possède, à un degré plus ou moins développé, une conscience morale, comme une conscience psychologique. Elle lui est inhérente et essentielle et appartient à sa définition.

2. Elle est et elle fut éclairée à l’origine par la révélalion. En effet, Dieu, par une libre disposition de sa bonté, voulut nous appeler à une vie surnaturelle, laquelle, parce que surnaturelle, dépasse les limites de notre nature. Cette vie renferme des éléments ontologiques nouveaux, que la raison ne peut découvrir, ni soupçonner ; elle établit entre nous, Dieu et le monde, des relations inédites, desquelles découlent des convenances, des harmonies supérieures et nécessaires. Informé par la révélation de tous ces faits, l’homme prend conscience de son état d’âme nouveau, des aflinités qu’il crée entre lui, Dieu et le monde, des nécessités morales qui en découlent, et ainsi la conscience morale se trouve éclairée sur ses obligations anciennes et naturelles et élevée à de nouveaux devoirs par la révélation. Nous avons vu du reste que Dieu a donné de tous ces devoirs une notion assez précise à notre premier père.

3. L’expérience de la vie vient chaque jour corroborer les leçons de la raison et de la foi. A vivre la loi morale, on monte en valeur humaine, on s’améliore ; à la violer, on s’abaisse, on se diminue. La conscience constate ces accroissements ou ces altérations de valeur morale, et se trouve ainsi confirmée dans ses voies. Certes l’expérience à elle seule ne peut créer le sens moral, ni diriger suffisamment la conscience ; trop souvent les sanctions naturelles du bien et du mal nous échappent ou nous apparaissent contradictoires, la parole de la Sagesse, Xi, 17, per quse peccat quis, per hœc et lorqnetur, vraie si on prend le cours entier de l’histoire dans sa double existence temporelle et éternelle, ne se réalise pas toujours immédiatement sous nos yeux. Mais si l’on aurait tort d’en faire le premier facteur du sens moral, elle en est certainement un adjuvant et un ron/irmatur.

4. Le fait de l’hérédité ne saurait non plus être oublié dans une pareille question. Si les caractères physiques, les dispositions physiologiques, la structure anatomique, les tares pathologiques, même les aptitudes de la sensibilité, de l’imagination, les passions, descendent très fréquemment des parents aux enfants, la transmission héréditaire des habitudes intellectuelles ou des vertus morales ou des vices est beaucoup plus rare. Elle n’en est pas moins indiscutable. Quand plusieurs générations surtout se sont Sdèlement et d’une façon continue données au culte de l’héroïsme, de l’honneur chrétien ou de la vertu, les fils ont en l’âme un penchant réel à se guider d’après les principes de leurs pères ; ces principes aussitôt proposés sont admis par une espèce d’instinct de race, il y a entre eux et la structure morale de ces descendants de héros, une harmonie qui les fait accepter d’emblée, Saint Thomas parle quelque part, Sum. theol., IIa-IIæ , q, CLXXI, a. 5, d’un instinct qui fait adhérer spontanément aux communications divines l’esprit des prophètes, même lorsque ceux-ci n’ont pas de preuves du caractère divin dételles communications. Mais elles ont une telle cohérence avec les choses qu’ils savent, qu’ils sentent et croient