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CONGRUISME


bienfait plus grand que la grâce suffisante, laquelle comporte simplement la réelle faculté ou possibilité d’agir. Suarez a fort justement marqué cette distinction : Addendum ultinio est eum qui converlitur souper recipere majorent grattant prævenientem seu excitantem in ratione moralis benefteii et gratuiti doni divini. Heec doclrina est juxta doclrinam superius traditam de vocatione ef/icaci ex mente Aur/ustini. Nant ille qui convertitur sentper Itabet congruam vocationem quant non liabet ts qui non converlitur. Sed quamvis contingat has vocationes physice et in esse enlis esse œqttales, lanten in ratione bene/icii, moraliser loquendo, longe majus est itnum quam aliud : into inlerdum vocatio, p/tt/sice minus perfecta, erit moraliter majus beneficium, quia esse potest ntagis congrua, omnibus pensalis, et ex majori Dei benevolenlia profecla… Similiter ratio bene/icii moraliter maxime pensatur ex occasione et tempore ac modo quo fil ; magisque ex Itis circumstantiis sestimaliir quam ex absoluta quanlitate, prseserlim quando illse circumstanlise prævisæ suut a benefaclore, et peculiari intenlione observatse ob commodum ejus cui benejkiunt confert : ila vero in præsenti, ut in sttperioribus declaralum est. Quocirca, quia gratia sintpliciter dicta, non solum dicil absolutam rem quai gratis datur, sed eliam ralionem benefteii et moralis benevolenlise maxime includit, ideo simpliciter dici potest omnem illum qui convertitur, majorent gratiam prævenienlem recipere quam eum qui non convertitur. De auxiliis, opusc. I, 1. III, c. xx, n. 10, Paris, 1858, t. xi, p. 280. Cf. De gratta, 1. V, c. XLvin, n. 3, 4, Paris, 1857, t. viii, p. 651.

/II. critique. — 1° Pour démontrer leur théorie, les congruistes invoquent toute une série d’arguments, par lesquels ils prouvent l’impossibilité de retenir l’efficacité de la grâce ab inlrinseco, entendue à la manière des thomistes ou des augusliniens. Car, bien que l’on affirme le contraire, la grâce ainsi entendue ne peut scientifiquement se concilier avec ce que nous savons des conditions de l’exercice du libre arbitre. Puis, leur démonstration positive développe les motifs de raison naturelle ou théologique, les faits révélés, qui établissent l’existence de la science moyenne. Voir ce mot et aussi Moi.ims.me. Enfin ces théologiens l’ont valoir, et ceux de la seconde école avec plus d’autorité, que leur Système est celui qui explique tout à la fois plus profondément, d’une façon plus conforme à la logique, à la psychologie et aux faits ou doctrines révélés : 1. l’infaillible efficacité de la grâce, laquelle infaillibilité n’est pas de causalité, mais de prévision divine immanquable ; 2. la complète et persévérante liberté de l’homme agissant sous l’empire de la grâce surnaturelle, de la manière et au sens où le concile de Trente a défini et maintenu cette faculté d’accorder ou de refuser la coopération aux énergies divinement offertes ; 3. la véritable suffisance de la grâce dite simplement suffisante, laquelle confère une réelle possibilité ou puissance d’agir surnaturellement ; 4. le domaine souverain de Dieu qui s’étend même aux actes libres de la créature raisonnable, mais sans violer le moins du monde l’autonomie du libre arbitre ; 5. le caractère de bienveillance divine toute spéciale qui distingue la grâce efficace de celle purement suffisante.

2° Au congruisme, ses adversaires objectent qu’il supprime : 1. l’efficacité do la grâce ab inlrinseco ; 2. la suffisance véritable et relative de la grâce simple-Dient suffisante ; 3. la possibilité et partant la nécessité de la prière ; 4. le zèle de l’action et des œuvres surnaturelles. — Ces prétentions ne sont pas toutes (gaiement fondées ; et si l’un ou l’autre argument peut, par certains côtés, atteindre l’opinion de Suarez, aucun ne lemble toucher directement le système congruiste, dans la forme plus approfondie, plus conforme à l’analyse

psychologique, que lui ont donnée beaucoup de théologiens modernes.

iv. congruisme et molixisme. — Sur ce point spécial de l’efficacité de la grâce, y a-t-il une différence entre le congruisme et le molinisme ?

1° D’aucuns le prétendent, surtout des thomistes, comme Graveson, Epist. t/teologieo-ltistorico-polemicæ, classis I, epist. I, n. 1, Bassano, 1785, p. 5 sq. ; Billuart, De gratia, diss. V, a. 2, § 3, n. 4, Mæstricht, 1709, t. vi, p. 331 ; Gazzaniga, De gratia, part. I, diss. V, c. ii, n.UO. A écouter Billuart, le point de séparation serait celui-ci : In hoc tantum ab illo discrepare, quod ipsi scilicet congruistse dicunt Deum ex speciali benevolentia atque intentione boni operis in nobisefficicudi nos conslituere in iis circumstantiis in quibus per scienttam mediam prsevidit nos concursui indifferenli oblalo ex innata liberlate consettsuros, quam specia-Icm benevolenliam non reqttirunt nec agnoscunt puri ntolinistse, sed dicunt Deum sequali et gencrali voluntate gratiam omnibus offerts, quant quilibet pro innata libertale reddil efficacem vel inefficacem. Loc. cit., n. 8, ibid., p. 337.

2° A cette prétention, le P. C. Pescb répond que la différence ainsi rapportée est purement imaginaire, car Molina, comme Suarez, admet que la grâce efficace marque une bienveillance toute particulière de Dieu, Concordia, q. xxiii, a. 4 et 5, disp. IV, passim, et surtout p. 570. Suarez a peut-être davantage élucidé et développé ce pointa sa façon, mais, d’une manière générale, l’on peut déclarer que jamais il n’a pensé se séparer de Molina. Dans ses traités sur la grâce, non seulement il n’attaque jamais Molina, mais il en prend souvent expressément la défense, comme par exemple : De vera intclligentia auxilii ef/icæis, c. xi, Paris, 1858, t. x, p. 357-364 ; il fait toujours profession de suivre le sentiment commun des théologiens de la Compagnie. Op. cit., c. ii, ibid., p. 310 ; Opusc. I de auxiliis divins : gratiæ, 1. III, c. xiii, Paris, 1858. t. xi, p. 220. Aussi Gazzaniga finit-il par conclure que congruisme et molinisme ne diffèrent que par les mots, op. cit., n. 127, note, et Bipalda déclare lui aussi que c’est là tout ce que l’on peut accorderaux prétentions susdites. De ente supernaturali, disp. CXIII, sect. VI, Paris, 1871, t. IV, p. 214. Cf. C. Pesch, Prselectiones dogmaticæ. De gratia, part. I, sect. iv, a. 2, n. 289, Frihourg-en-Brisgau, 1897, t. v, p. 163. — De fait, à envisager la question, comme le demande son exposé lui-même, au point de vue psychologique, il n’y a point de différence du congruisme au molinisne. De part et d’autre, l’efficacité de la grâce a pour cause adéquate l’adhésion du libre arbitre soutenu par la grâce coopérante ; et il est assez piquant de constater que Billuart partage cette manière de voir ; il va même jusqu’à en faire grief aux congruistes : Verum eum ncque congruitas, ncque priescientia ttllani vint inlrinsecam conférant gratiæ, et fateantur ipsi congruistæ niltil reale aut physicum habere quod non habeat gratia incottgrua / ! suffïciens, palam est in eorum syslemale liane efficaciam infallibilem gratiæ liaberi et repetendam esse ex consensu voluntatis ut in systemate Molinse. De gratia, diss. Y, a. 2, i- 2, n. 8, Mæstricht, 1769, t. v, p. 337. A la vérité, que, du colé de Dieu, les prévisions et, prédéfinitions se fassent dans tel ou tel ordre, peu importe à la solution du problème spécial qui est ici posé. La situation réelle et psychologique de l’homme sous l’empire de la grâce demeure toujours la même : c’est son libre consentement qui la rend efficace, el c’est la prévision divine de ce fait inévitablement futur qui constitue l’infaillibilité reconnue à celle grâce efficace.

3° Que si l’on envisage la question du côté de Dieu principalement, l’on peut soutenir avec plus de raison, du moins sur un point, l’existence d’une opposition entre les deux systèmes.