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CONCORDAT DE 1801

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voyait là un moyen de revenir sur les concessions faites. Bonaparte eût donc bien voulu se faire reconnaître dans le concordat le droit général de réglementer. Le refus absolu de Consalvi ne l’arrêta pas cependant, et dès octobre il dictait à Portalis, qui le rédigeait immédiatement, le projet d’une réglementation générale du culte catholique et des cultes protestants. Ce devait être alors un acte de l’exécutit et, en ce qui concernait les catboliques, « un arrêté en exécution de la convention du 26 messidor an IX. » Mais bientôt Bonaparte faisait retoucher son projet par Portalis et arrêtait de faire des règlements sur les cultes une seule loi avec le concordat. Son but était de leur donner plus d’autorité et surtout d’obtenir plus facilement du Tribunat et du Corps législatif l’approbation du concordat. Dans ces assemblées, en effet, s'était formée, contre le premier consul et surtout contre ses projets religieux, une opposition assez puissante pour qu’il n’osât faire voter le concordat dans l’hiver 1801. Les règlements devaient prouver que l'État ne renonçait à aucun de ses droits, quel que soit le texte du concordat, et la juxtaposition des dispositions relatives aux catholiques et aux protestants, que le gouvernement restait fidèle au principe de l'égalité des cultes. Le concordat passerait ainsi à la faveur de règlements qui le défigureraient et qui, insérés dans une loi, deviendraient des articles organiques. Portalis termina son travail de revision vers la fin de mars. Les articles relatifs au culte catholique, inspirés par le désir de reprendre sur le pape le terrain cédé, de placer l'Église sous la dépendance de l'État et de faire d’elle plus tard un instrument de règne, font tous revivre, autant qu’il se pouvait alors, la doctrine du gallicanisme royal et parlementaire de l’indépendance du gouvernement dans le temporel, de son droit souverain de décision dans les questions mixtes et relativement au spirituel, culte, discipline ou dogme, de son droit d’intervention soit pour surveiller, soit pour décider, « le chef de l'État devenant une manière de pape rival du vrai pape. »

Les 77 articles organiques sont groupés en 3 titres. Le titre I er traite en 8 articles du régime de l'Église catholique dans ses rapports généraux avec les droits et la police de l'État. Ces 8 articles sont nés de l’idée de la subordination de l'Église à l'État. Le pape, disent les art. 1 et 2, ne pourra communiquer avec les catholiques français, soit par « bulle, bref, décret… même ne concernant que des particuliers >, , soit par « nonce, légat, etc. » , sans l’autorisation du gouvernement français. « Les décrets des synodes étrangers, même ceux des conciles généraux, dit l’art. 3, ne pourront être publiés en France qu’après examen et autorisation. » C'était donc l'État redevenu, comme autrefois, juge des croyances et de leur opportunité, sans avoir cette excuse des rois et parlements que les lois d’Eglise devenaient lois d’ICtat. C'était aller contre la liberté à laquelle ont droit l'Église et le pape, chef de l'Église, et que reconnaissait sans restriction l’art. 1 du concordat. Ces mesures avaient été réclamées par les constitutionnels dans les Observations du 28 août 1801, et elles furent présentées aux assemblées par les rapporteurs soit comme « une précaution pour défendre l’indépendance du gouvernement et les libertés de l'Église gallicane contre les entreprises de la cour de Rome » (Siméon au Tribunat), soit comme une mesure d’ordre de la part de l'État :

I Eglise, dit en effet Portalis, est juge des erreurs contraires à sa morale ou à ses dogmes ; mais l'État a intérêt (1 examiner la forme des décisions dogmatiques, d’en suspendre la publication, quand quelques raisons d'État l’exigent, de commander le silence sur des points dont la discussion pourront agiter trop violemment les esprits. » Cf. les art. 15,-il), 28 et 33 du Syllabut. L’art. 4 m autre abus de pouvoir avec sa défense à « tout concile national, à I mblée délibérante d’avoir

lieu tans la permission expresse du gouvernement »

Ainsi se trouvait subordonné au bon vouloir d’un gouvernement l’exercice, parfois nécessaire pour la direction d’une Église, d’un droit indiscutable. L’art. 6 rétablit contre les ministres du culte, en cas d’abus, l’appel devant le Conseil d'État, comme s’il appartenait de prononcer sur les actes du ministère sacerdotal à un tribunal purement administratif, peut-être hostile. D’ailleurs, des quatre catégories de délits indiquées, deux ne devaient pas relever d’un tribunal extraordinaire, étant de droit commun, c’est-à-dire « tout procédé qui, dans l’exercice du culte, pourrait compromettre l’honneur des citoyens » ; et « la contravention aux lois et règlements de la République » , quand le prêtre peut en conscience leur obéir ; une autre « l’usurpation ou l’excès de pouvoir » eût supposé à tout le moins le jugement de l’autorité religieuse, seule compétente ; une quatrième enfin, « l’attentat aux libertés, franchises et coutumes de l'Église gallicane, » n’avait de précis que l’intention.

Le titre il traite des ministres. On y trouve, avec la même volonté de se subordonner l'Église, des empiétements bien marqués de l'État sur le domaine spirituel. Une section I, art. 9-12, donne les dispositions générales. Comme ministres, seuls sont mentionnés les archevêques, les évêques et les curés ; il n’est rien dit du pape. Et « tous établissements ecclésiastiques, en dehors des chapitres et des séminaires » , étant « supprimés » , « tout privilège portant exemption ou attribution de la juridiction épiscopale » étant « aboli » , le relèvement des ordres religieux, sur lesquels le concordat s'était tu, est rendu impossible. « Le pape, dit à ce propos Portalis, avait autrefois, dans les ordres religieux, une milice qui lui prêtait obéissance, qui avait écrasé les vrais pasteurs et qui était toujours disposée à propager les doctrines ultramontaines. Nos lois ont licencié cette milice. » Somme toute, cette section i re reproduit l’art. 20 du titre I er de la Constitution civile, sauf qu’elle reconnaît avec l’art. Il du concordat les chapitres et séminaires. Quant aux rapports des évêques et des curés, ils sont singulièrement définis. Les pouvoirs des évêques sont assimilés à ceux des curés et ils se bornent à « une autorité de direction » ! Ce n’est pas une erreur de rédaction : Portalis justifie le terme par l’autorité de Fleury, Institution du droit ecclésiastique, part. I, c. XII. — La section ii, art. 13-15, traite du rôle des archevêques et métropolitains, ce qui est bien un empiétement, et elle semble faire d’eux les gardiens suprêmes de la foi et de la discipline, ce qui est bien la doctrine des gallicans et des constitutionnels. — La section m en 10 articles (16-26) traite : 1° des évêques. Pour être évêque, il faut être Français, ce qui se comprend, avoir 30 ans, ce qui serait une disposition à la Joseph II, si elle n'était conforme au droit canon, et avoir été soumis à une enquête dans sa doctrine et dans ses meurs, où juge en dernier ressort le conseiller d'État chargé des cultes, ce qui paraît singulier. Avant 1789, cette enquête était confiée au pape ; elle eût dû ainsi lui revenir en vertu de l’art, i du concordat, sinon en vertu du bon sens. Mais au fond de tout cela se retrouve la doctrine gallicane du pape « collateur forcé » . Pour exercer ses fonctions, l'évêque doit avoir sa bulle d’institution validée en quelque sorte « par l’attache du gouvernement » , et avoir prêté le serment prévu au concordat. La section traite : 2° des vicaires-généraux, dont est fixé le nombre ; 3° des séminaires. L’art. Il du concordat disait : « Les évêques pourront avoir un séminaire. » Ce droit est ici entouré de restrictions et d’obligations (art. 23-26), qui rappellent encore Joseph II. L’obligation la plus abusive est certainement celle imposée aux professeurs de souscrire et d’enseigner la Déclaration de 1682, condamnée par les papes, abandonnée par Louis XIV lui-même. « L’enseignement des séminaires, dit Portalis, comme celui de tous les établissements d’instruction publique, est sous l’inspection du magistrat politique… et les