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CONCINA


notamment Observaliones litterariæ. Mais ce fut surtout à l’apparition du t. IX de la Théologie chrétienne, que les adversaires de Concina se déclarèrent. N’avait-il pas, en effet, montré que Suarez n’était guère partisan du probabilisme ? Aussitôt on se mit en campagne. On prit prétexte de tout pour condamner l’œuvre ; les fautes d’impression mêmes furent jugées délits très graves. Après l’élection d i P. Ignace Visconti, comme général de la Compagnie (4 juillet 1751), il fut décidé que l’on demanderait à Benoit XIV la condamnation de la Théologie chrétienne. On composa un énorme mémoire où l’on avait réuni plus de 300 chefs d’accusation contre Concina et il fut décidé que le général de la Société irait lui-même avec ses assistants présenter ce mémoire au pape. Le général de la Compagnie demandait au pape de nommer une commission de théologiens qui relèveraient toutes les erreurs contenues dans la Théologie chrétienne, et l’on verrait s’il n’y aurait pas lieu de la condamner, ce que tous étaient unanimes à réclamer. Le pape répondit que c’était chose difficile que de comparer chacun des points incriminés dans le mémoire avec les passages de la Théologie chrétienne ; il conseilla donc dans ce but de publier le recueil des propositions prétendues fausses, et il se faisait fort d’imposer silence aux deux partis. Mais le général ne parut guère enchanté de cette solution. Voulant toutefois lui donner satisfaction sur un point, le pape délégua trois théologiens, les PP. Thomas Sergi, des Écoles pies, Mancini, des minimes, et Vezzosi, des clercs réguliers. En présence du général et d’un de ses assistants, il chargea ces délégués de faire un résumé des points les plus importants contenus dans le mémoire. Mais ces théologiens se dérobèrent, disant qu’après tout c’était bien plus l’affaire des jésuites de résumer ce qu’ils avaient composé eux-mêmes ; d’ailleurs, disaient-ils, mieux que personne ils connaissaient la Théologie chrétienne. Le général profita vite de cette excuse pour nommer le P. Charles Noceti. Il eut bientôt achevé le résumé, qui fut présenté au pape dès le mois de juin.

Sandelli, Comment, de vit. et script., p. 148, note, a donné une copie de l’autographe. Ce second mémoire était intitulé : Libellas PP. JJ. adversus Danielem Conciliant. Cf. Yindiciae Societ. Jesu, etc., édit. latine, in-4°, Venise. 1769, p. 143. En tête du livre, les jésuites avaient rapporté, écrites en italique, ces sept raisons qui leur paraissaient plus que suffisantes pour faire condamner l’ouvrage : 1° Concina attribue aux auteurs de la Compagnie des opinions beaucoup trop relâchées et cependant qui n’ont jamais été enseignées par ces écrivains ; 2° il prévient le jugement de l’Église en censurant beaucoup de propositions de moralistes ; 3° il jette le discrédit sur la Compagnie en faisant figurer dans les Index les auteurs jésuites qui ont soutenu des opinions monstrueuses ; 4° il fait précéder chaque dissertation d’un recueil de propositions qu’il déclare condamnables, sans attendre le jugement de l’Eglise ; 5° il s’acharne à faire passer les jésuites comme auteurs de la morale corrompue ; 6° il n’épargne personne, ni les règles de saint Ignace, ni les papes, ni les Congrégations ; 7° enfin il a pris des livres contre les jésuites tout ce qu’ils contenaient contre leur morale.

Le libelle se terminait par cette supplique : Cmn igitur, bealissime Pater, nullus haclenus liber ne ab hsereticis quidem prodierit Socielati nostrm infensior, ac perniciosior : nullus qui pluribus invpotturis, conviciis, censuris, et injuriosis debacchationibus scateai : nullus qui venenum, contra Societatem in aliis dispersuni, plenius in unum colligat ; prsedictus pnrpositus generalis tum suo, imn universæ Societatis in comiliis generalibus congregalx nomine, ilamni hujus reparalionem, atque operis proscriptionem a Sanctitutr vestra tuppliciter ac demississime petit. <Juod si concesserit, immurlalia sua erga ordineni nostrum

mérita novi hujus beneficii accessione munifteentissime cumulabit. Le pape remit le libelle aux trois théologiens qu’il avait déjà délégués pour le premier mémoire. Ils devaient se rendre compte si réellement les griefs articulés contre Concina se trouvaient justifiés par les passages incriminés de la Théologie chrétienne. Le pape leur avait fait jurer en même temps qu’ils ne communiqueraient avec personne sur cette matière. Mais ils ne tinrent aucun compte de cette défense ; en effet, souvent Sergi et Vezzosi se rendaient au couvent de la Trinité-des-Monts où habitait Mancini, et là on s’entendait avec les Pères de la Compagnie sut ce qu’il convenait de faire. Enfin, ces théologiens remirent au pape un mémoire qui concluait à la condamnation pure et simple de la Théologie chrétienne. Mais Benoît XIV, s’étant informé de ce qui s’était passé, le 29 août, remit au P. Antonin Brémond, général des dominicains, le mémoire en question qui fut aussitôt transmis à Concina pour y faire une réponse. Sur-le-champ, Concina fit copier le mémoire par le P. V. M. Dinelli et un autre religieux désigné par le général. Il composa ensuite deux réponses, écrites l’une en latin, l’autre en italien. Le 21 septembre, le P. Brémond les présenta au pape. Après avoir pris connaissance des réponses de Concina, Benoît XIV déclara de proscriptione Theologisc christianse ne verbum quidem audire se relie, sed unice de eo esse soliieilum, an rêvera illo in opère sententiæ moribus perniciosse reperirentur, falso per injuriant et calumniam adscriplse scriptoribus Societatis. Le pape défendit à Concina de publier sa réponse latine, la trouvant un peu trop acerbe. Malgré tout le soin qu’il mit à rechercher cet écrit, Sandelli, op. cit., p. 160, déclare n’avoir pas réussi à se le procurer ; il n’en donne qu’un canevas très bref. La réponse italienne, traduite en latin par Sandelli, op. cit., p. 161, a pour titre dans la traduction : Libellus supplex Fr. Danielis Concinse oblatus Benedicto XIV, die xxr septembris a. MDCCLI adversus libellum supplicem a P. Yicecomite generali jesuitarum porrectum eidem ponti/ici noinine totius Societatis, congregatse in congregatione generali, in qua idem P. Vicecomes generalis inauguralus est. Cf. Vindicise Societatis Jesu, etc., in-i°, Venise, 1769, p. 151. Concina y reprenait point par point les accusations portées contre lui, dans le libelle des jésuites. Il sollicitait un examen plus attentif de la question et déclarait se soumettre d’avance à toutes les peines qu’il serait reconnu avoir encourues.

Cependant les jésuites ne lâchèrent pas pied et commencèrent une campagne acharnée parmi les grands et les cardinaux afin de former l’opinion contre Concina et son ouvrage. De son coté, Concina, dans un écrit très bref, déclarait qu’il était prêt à défendre ses opinions devant le souverain pontife et tout le sacré-collège, et que si on le trouvait faible dans ses preuves, il se soumettrait d’avance aux peines les plus sévères. Cf. Sandelli, op. cit., p. 168, note a. Le pape demanda alors aux trois théologiens précédemment nommés de relever toutes les fautes, les citations inexactes, etc., de la T/iéologie chrétienne. Ils se mirent à l’œuvre et composèrent un rapport accablant pour Concina. Mais Benoit XIV connaissait l’esprit qui les avait animés ; aussi, devant une très nombreuse assemblée, ayant pris connaissance de ce libelle haineux, il dit : Non voglianto clie quel galantuonto del Concina sia aggravato. Dès lois, il se disposa à parler lui-même. Il fit appeler le protonotaire Giampè et lui dicta en italien une Déclaration à peu près copiée sur la réponse de Concina mu libelle des jésuites. Il remit ensuite cette Déclaration au I’. Brémond pour que Concina la publiât dans le prochain volume de la Théologie chrétienne. Sur sa demande, cette Déclaration devait être traduite en latin. La traduction fut intitulée : Declaratio et sinccia pro-