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courant de tout. Sur son conseil, Concina raconte à Foscareno ce qui s’est passé, et sur le double témoignage de Concina et de Pasqualigo, Foscareno reconnaît qu’il a été joué par Villari. Les jésuites se tournèrent alors du côté de Rome. On prétendit défendre Benzi, en montrant que la doctrine de la dissertation était aussi celle des dominicains. Enfin, ils déférèrent à la S. C. de l’Index les lettres de Concina.

Le meilleur moyen d’en finir, disait-il, serait d’imposer silence aux deux partis. Mais voici qu’un décret solennel de la Sainte-Inquisition, en date du 16avrilI744, condamnait la dissertation de Benzi, tanquam continentem propositiones respective falsas, maie sortantes, scandalosas, et piarum auriiim offensivas ; eademque prohibitione damnât et vetat quascumque scripturas, seu libros editos, cjusdem libri de fensionem continentes. Sur cette condamnation, cf. Concina, Apparatus ad theol. christ., t. ii, p. 351 ; Reusch, Der Index, t. il, p. 818, 820 ; Dollinger, Beitrâge, etc., t. iii, p. Il (reproduit un mémoire de Cordara, S. J., qui explique la condamnation de Benzi par la partialité des membres de la commission) ; Faure, Commentanum, p. 210. Benoit XIV avait exigé que Benzi se rétractât, ce qu’il fit. Cf. la formule de la rétractation dans Sandelli, op. cit., p. 66, note. D’après les Nouvelles ecclésiastiques, 1744, p. 167, l’Inquisition aurait refusé la première rétractation de Benzi et ne l’aurait acceptée que sur un ordre formel du pape. Benzi s’était vu retirer tous ses pouvoirs à Venise ; il alla à Padoue où le cardinal Rezzonico (plus tard Clément XIII) les lui rendit. Il alla ensuite à Bclluno, puis revint à Venise, où, à la requête du nonce, ses pouvoirs lui furent aussi rendus. Cf. Nouvelles ecclésiastiques, 1752, p. 188. Un peu plus tard, le 22 mai 1715, Benzi eut encore un autre livre à l’Index, Praxis tribunalis conscientise seu tracta tus théologiens mora-Us de sacramento pœnitentise, Bologne, 1742. Cf. Reuscb, Der Index, t. il, p. 818.

A Venise, on fit tous les efforts nécessaires pour empêcher la publication des lettres de Concina, mais ce fut sans succès.

2. Les jésuites pourtant ne se tinrent pas pour battus. Le P. J.-B. Faure, à Rome même, publie un libelle intitulé : AU’autore délie due epislole contro la Dissertazinne dei casi riservali in Venezia Avviso salulevole, acciô conosca se slesso, in-4°, Naples, 1744. Ce libelle avait paru peu avant la condamnation de Benzi ; on lui donna aussitôt les plus grandes louanges. Cf. Novelle délia Republica délie leltere, an. 1744, p. 357. Après ce premier monitum, en parut un second, mais postérieurement à la condamnation, ainsi que le remarque l’auteur lui-même, p. v. Bien que le livre ne portât indication ni de lieu, ni d’auteur, le P. Faure fut vite reconnu pour en être l’autour. Pour ne pas aller contre le décret du 16 avril 1744, il avait eu soin de protester qu’il n’entendait pas entreprendre une défense de Benzi, niais il voulait seulement montrer que les livres de Concina n’avaient aucune valeur. Les Monita arrivèrent à la connaissance du maître du sacré-palais qui en fit saisir 500 exemplaires chez le libraire Settari. Jeté en prison, il avoua que les deux Monita avaient été imprimés chez Mainardi et qu’ils avaient pour auteurs les PP. Faure et Caslellini. Cf. de Backer et Sommervogel, Bibliothèque de la C"> de Jésus, t. I, col. 1798. Chez Faure, l’on saisit l’autographe des Monita, mais il prétendit les avoir copiés lui-même sur un autre manuscrit. Quoi qu’il eu soit, il fut condamné aux « exercices spirituels » , à des jeûnes et à des disciplines. Cf. Nouvelles ecclésiastiques, -1744, p. 107. Settari vit ses biens Confisqués et Mainardi dut payer une forte amende, conformément aux lois.’: Mais l’épisode le plus remarquable de cette polémique fut la a tractation ou palinodie parue sous le couvert de l’anonyme, avec ce titre : Rilrallazionc solenne

di lutte le ingiurie, bugie, falsificazioni, calumnie, contumelie, imposture, ribalderie stampate in vari libri di Fra Daniello Concina, Domenicarw gavotto contro la venerabile Compagnia di Gesù, da aggiugnersi per modo di Appendice aile due infami leltere leologico-morali contro il R. P. Benzi délia medesima Compagnia, Venise, 1774. C’était la confession de Concina, soi-disant faite par lui-même, de tous les torts infligés à la Compagnie. Cf. Sandelli, op. cit., p. 77 ; Patuzzi, t. ii, p. 413. Quel était l’auteur de ce faux ? Mazzucbelli, Scrittori d’Italia, art. Benzi, dit qu’on l’attribua tout d’abord au P. Cordara, puis au P. Torniello, et enfin au P. François-Ant. Zaccbaria. D’après Reusch, Der Index, t. ii, p. 819, il faudrait, au témoignage de Caballero, l’attribuer à Faure, mais il est plus probablement du P. Lelius Ignace Cocconati, qui vivait à Venise vers ce même temps. Cf. C. Sommervogel, Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes publiés par des religieux de la Compagnie de Jésus, Paris, 1884, col. 855. L’édition qu’il indique est de Naples, 1744 ; d’autres manuscrits portent Venise, 1744 ; il semblerait qu’il y en ait eu deux éditions, à moins que la même édition ne porte deux noms de lieux différents. On se donna une peine incroyable pour répandre cet écrit à Rome, à Venise, à Lucques surtout. Malgré le dégoût ressenti par plusieurs membres de la Compagnie devant semblable manœuvre, on ne fit rien pourtant en vue d’arrêter la propagation de cet écrit. Il fallut un décret solennel de la Sainte-Inquisition, en date du 17 juin 1744, rendu sur la demande expresse de Benoît XIV, pour mettre un terme à ces menées. Cf. Sandelli, op. cit., p. 82, note.

Ceux qui ne connaissaient pas Concina pouvaient espérer qu’il répondrait ; même une petite notice, imprimée à Rome et publiée à Venise, sous ce titre : Ritlratazione, etc., Operelta curiosa che puô servire di supplemento alla morale pratica de’Gesuiti, semblait indiquer que la réponse ne se ferait guère attendre. Mais de Rome, on lit demander à Concina, par l’intermédiaire de Carraciolo, nonce à Venise, de ne rien répondre, le décret du pape suffisant à le venger. Dans une lettre au souverain pontife, Concina déclara que jamais il n’avait eu l’intention de répondre, ce qui lui valut de la part de Benoit XIV une lettre fort louangeuse, en date du 4 juillet 1744. Cf. Sandelli, op. cit., lett. xii, p. 21, note.

i. Forts désormais du silence de Concina, ses adversaires pouvaient se donner libre carrière. En 1745, le P. Dominique Turani, S. J., publia clandestinement, à Venise, un opuscule intitulé : Judicium cujusdam viri tlicologiæ prof, ad amicuni confessorem monialium. On prétendit que l’ouvrage avait été jeté dans le public contre la volonté de son auteur. Cf. Reuscb, Der Index, 4. ii, p. 819. Turani se serait plaint au pape lui-même de la publication de son ouvrage, et le pape, par une lettre du 22 février 1745. aurait accepté l’excuse. Storia letteraria, t. XIII, p. 301. Peu après le Judicium, parurent trois opuscules, sous ce titre : R. P. Danieli Concinse duarum epislularum t/ieologicn-moralium auclori opuscula ha ?c quatuor vere ourca Eusebius Philalethus D. D. D. Patuzzi a publie quelques spécimens de ces opuscules dans Epistola ad amicuni, Ejiistolarum thelogico-moralium, t. II. Le premier opuscule était la relation faite à un évêque des troubles occasionnés par les lettres de Concina ; le deuxième contenait des remarques sur les actes du vénérable serviteur de Dieu, Simon de Ko/as, qui pour guérir les infirmes avait parfois pratiqué îles attouchements de la nature de ceux incriminés dans la dissertation de Benzi ; le troisième enfin, sous forme de question, recherchait ce qu’il pouvait y avoir de répréhensible dans la dissertation de Benzi et n’y trouvait rien à blâmer, si ce n’est quelques impropriétés de langage. Cf. San-