Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.djvu/276

Cette page n’a pas encore été corrigée

529

COMMUNION EUCHARISTIQUE (FRÉQUENTE)

Ù30

Albert le Grand († 1280) examinant la question : An quotidie sit communicandum ? répond, d’après le texte de saint Augustin cité dans le décret de Gratien, que s’abstenir et s’approcber de l’eucharistie sont tous deux louables, à raison de diverses vertus, l’humilité, l’aveu de sa propre misère et la charité désireuse de s’unir à Dieu. Il ajoute que la prudence qui doit diriger toutes les vertus doit ici se garder de l’un et l’autre excès et médium semper laudabilius est extremis. In IV Sent., dist. XIII, a. 27, Paris, 1894, t. xxix, p. 378 sq. Dans l’application de ces principes, Albert le Grand donne cependant au mot communion fréquente un sens bien restreint qui suppose à cette époque la rareté des communions : qtiod mihi videtur quod præparantes se ad communionem per abstinentiam a coitu vel coeuntes non debent prohiberi a frequenti communione, prsecipue de mense in mensem secundum solemnitates majores, quia injuste arcentur qui digni sunt et impie cum eis agitur quando sublrahitur cibus salutaris qui datus auget eis gratiam quam acceperunt, a. 28, ad ultimum, p. 383.

Saint Thomas († 1274) loue la communion quotidienne, mais seulement pour ceux chez lesquels elle augmente la ferveur de la charité sans diminuer le respect. Dans son Commentaire sur les Sentences, 1. IV, dist. XII, q. iii, a. 1, il prouve que la communion doit être souvent reçue comme la nourriture corporelle, pour réparer les déperditions que causent constamment à notre dévotion et à notre ferveur les attraits sensibles et les occupations extérieures. L’on doit même communier chaque jour si l’on sait par expérience que cette réception quotidienne augmente la ferveur de la charité et ne diminue point le respect. Dans l’hypothèse contraire, l’on doit parfois s’abstenir pour s’exciter à approcher ensuite avec plus de respect et de dévotion. Chacun doit donc être laissé à son propre jugement suivant l’enseignement d’Augustin. Epist., Liv, c. I. Dans la Somme théologique, saint Thomas donne le même enseignement. Il est utile de communier chaque jour, autant que l’on se trouve suffisamment préparé. Ill a, q. lxxx, a. 10. Entre l’amour et la confiance qui portent à s’approcher le plus possible et la crainte respectueuse qui incline parfois à s’abstenir, le docteur angélique préfère la première disposition, ad 3um. On ne peut prétendre qu’une telle doctrine conduit logiquement à communier pluries in die ; puisque l’eucharistie est notre pain quotidien, elle ne doit être reçue qu’une fois par jour ; d’ailleurs, cette réception unique représente mieux l’unique source de tous nos mérites, la passion unique du Sauveur, ad 4um. Dans la réponse ad 5um, saint Thomas résume, suivant les documents alors admis comme authentiques, la législation de l’Eglise sur la communion depuis le I er siècle jusqu’à son époque.

L’enseignement de saint Thomas fut presque unanimement suivi par les théologiens contemporains et subséquents.

Saint Bonaventure recommande la communion quotidienne à tous ceux dont l’âme est pure et la charité ardente. Ceux qui sont froids et négligents ne doivent communier que rarement. Pour ceux dont les dispositions sont intermédiaires, ils doivent alternativement s’abstenir parfois pour augmenter leur respect et s’approcher dignement pour enflammer leur amour, et tune secundum illam partent secundum quam viderit se m proficere, ad illam magis declinet, quod homo solum experientiadiscit. Et le docteur séraphique ajoute que la préparation requise se rencontre d’une manière continue en très peu de personnes. Inl VSent., dist. XII punct. ii, a. 2, q. il, Quaracchi, 1889, t. iv, p. 290. Un peu plus loin, il montre que différer la communion pour approcher ensuite avec plus de désir et plus de >tim ctl promotio quant rclractalio a haun. Dist. XVII, punct. II, dub. IV, p. 449. buDssd Régula rwvt tiorum, bien que ses conseils de préparation à la communion s’appliquent seulement à la communion hebdomadaire, il ne veut point la conseiller d’une manière exclusive. Car sa conclusion n’est autre que celle de Gennade qu’il attribue à Augustin, De ecclesiasticis dogmatibus, c. XXIII. Cependant l’on peut être autorisé à conclure que la communion hebdomadaire était de fait à son époque la pratique habituelle des novices de son ordre. Opixsc, xx, Régula novitiorum, c. iv, Quaracchi, 1898, t. viii, p. 480 sq.

Au xive siècle, Durand de Saint-Pourçain († 1334) reproduit intégralement l’enseignement de saint Thomas qu’il ramène à ces trois assertions : la communion est en soi louable et utile, en ce qu’elle répare dans l’ordre spirituel nos déperditions constantes, comme la nourriture corporelle répare quotidiennement les pertes de notre corps ; l’abstention temporaire de la communion peut être louable quand elle est jugée nécessaire pour exciter le désir du sacrement et enllammer la charité ; entre s’approcher dignement et s’abstenir par un sentiment louable, le premier est toujours préférable au second. In IV Sent., dist. XIII, q. v, Venise, 1586, p. 324. Thomas de Strasbourg († 1357) observe que pour qui est sans péché mortel et n’est retenu par aucun empêchement, il n’y a aucun péché à communier chaque jour ordinale et secundum ecclesiasticam consuetudinem, bien que peut-être il n’y ait point de profit spirituel. Liberté doit donc être laissée à chacun, suivant l’autorité de saint Augustin, Epist., liv, c. II. A ceux chez lesquels le feu du Saint-Esprit procédant de la fréquentation de ce sacrement ne s’attiédit point mais s’enllamme davantage, il est utile de communier chaque jour. Quand le contraire se produit, il est plus utile de s’abstenir jusqu’à ce que la faim soit plus vive, ce qui profitera davantage à la santé spirituelle. In IV Sent., dist. XII, a. 4, ad 3’"".

Tauler († 1361) recommande fortement dans ses Institutiones la pratique de la communion fréquente, aux âmes qui ont la conscience pure et nette de tout péché, qui portent leur volonté, leur affection et leurs désirs vers Dieu et renoncent à tout ce qui lui déplait. On ne doit point s’abshnir à cause du manque de dévotion ou de désir, dès lors que la conscience n’est tourmentée du remords d’aucun péché. L’on est alors dans un plus grand besoin de ce secours céleste. Les défaillances provenant surtout de la faiblesse ne doivent point éloigner de l’eucharistie. L’âme faible y sera embrasée du désir des choses du ciel et excitée à la pratique des choses saintes par Dieu qui habite en elle. Institutions, c. xxxviii, trad. franc., Paris, 1855, p. 341 sq. Tauler enseigne la même doctrine dans plusieurs sermons sur la fête du saint-sacrement.

Saint Antonin de Florence († 1459) applique à la communion simplement fréquente tout ce que dit saint Thomas de la communion quotidienne. Mais le sens qu’il attache à cette expression reste assez indéterminé, puisqu’il paraît approuver le nom de communion fréquente pour la communion mensuelle : Albcrlus in libro de missa dicit quod préparantes se ad communionem per abstinentiam a coitu et viduse seu in castitate manentes non debent prohibai a frequenti communione, prœcipue de mense in mensem, quia injuste arcentur qui digni sunt. Summa theologica, part. III, tit. xiv, c. xii, punct. v, Vérone, 1740, col. 702 sq.

Deny ? de Ryckel ou le chartreux (fl471), après avoir reproduit les textes déjà cites de saint Thomas, d’Albert le Grand et de saint Bonaventure, conclut qu’il est en soi beaucoup mieux de s’approcher de ce sacrement par charité et par zèle pour le bien commun que de s’en éloigner par humilité ou par crainte, prtssertim CUtn sacramentum vstud sit sacramentum totius caritalis, liberalitatis ac gratise, medicinaque animée. Il ajoute celle raison spécialement applicable au prêtre, mais