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COMMUNION EUCHARISTIQUE (DOCTRINE GÉNÉRALE) 482

leur donnant un peu d’eau ou de vin. S. Alphonse, 1. VI, n. 288, 5°. On a discuté également le cas de ceux qui ne peuvent prendre de nourriture que par un orilice stomacal artificiel, cf. Génicot, loc. cit., et l’on admet généralement qu’ils pourraient être communies ainsi utilement et licitement en cas de nécessité (pour le viatique). Le mode normal de manducation par la bouche est en réalité accidentel ; l’essentiel est que les aliments parviennent dans l’estomac.

3° Il est naturel de considérer la manducation de l’eucharistie comme se continuant dans l’estomac jusqu’à ce que les espèces aient perdu leur consécration. Les médecins de notre époque pensent que, chez les personnes bien portantes, la durée de ce délai n’est pas inférieure à une demi-heure et qu’elle peut être de deux à trois heures chez ceux qui sont atteints de quelque affection gastrique ; mais il est vraisemblable qu’un temps moindre suffit si les espèces viennent à se mélanger avec d’autres aliments. Voir A. Vacant, dans L’université catholique, décembre 1893 ; P. Gasparri, Tractatus canonicus de sanctissima euc/iaristia, n. 1 194, Paris, 1897, t. ii, p. 407-108. De là une triple conclusion : 1. Il arrive souvent que les saintes espèces n’ont pas encore disparu lorsqu’on prend de la nourriture iprés avoir communié ; néanmoins il y aurait irrévérence envers le sacrement si l’on n’attendait pas un certain temps, par exemple, un quart d’heure, à moins de raison sérieuse. 2. A plus forte raison, après avoir communié, on doit s’abstenir de cracher tant que l’hostie n’a pas été complètement avalée. 3. Les personnes qui pratiquent le lavage de l’estomac doivent attendre de deux à trois heures après la communion, de peur que des parties non décomposées de l’hostie ne soient entraînées avec le lavage altéré.

II. Nécessité.

1° La communion n’est pas nécessaire de nécessité de moyen pour le salut. — Ce point de doctrine est établi par les définitions du concile de Trente, par l’enseignement des Pères et par le raisonnement théologique.

1. Dans sa session XIV, can. 2, le concile de Trente définit que le sacrement de pénitence est une seconde planche de salut après le baptême. On est donc également sauvé si l’on meurt avec la grâce baptismale ou si, après avoir péché gravement, on a reçu l’absolution

imentelle. Il n’est nullement question ici de l’eucharistie ; elle n’est donc pas un moyen nécessaire de alut. Aussi, le même concile, traitant de la communion des enfants, déclare, sess. XXI, can. 4, qu’elle n’est nullement nécessaire avant l’âge de discrétion, et il en donne, c. IV, cette raison qu’avant cet âge ils ne peuvent perdre la grâce baptismale qui a fait d’eux des enfants de Dieu et des membres vivants du corps du Christ. En d’autres termes, l’eucharistie est nécessaire aux adultes pour conserver la grâce, mais sans l’eucharistie on peut recevoir la grâce et par suite être sauvé.

2. Autrefois, l’on communiait les enfants aussitôt après leur baptême (voir col. 495), mais, ajoute le concile de Trente, sess. XXI, c. iv, cette pratique, fondée sur des raisons plausibles au temps ou elle était en vigueur, n’avait nullement été dictée aux suints évoques des premiers siècles par la croyance que l’eucharistie soit nécessaire pour le salut. De fait, les témoignages abondent

preuve de la suffisance du baptême. Ainsi, saint Augustin, De peccalorum meritis et remissione, 1. 1, c. xxvill, n. 46, /’. L., t. xi.iv, col. 179, affirme catégori i nt que, si un néophyte meurt aussitôt après son me, il n’a plus rien à payer à la justice de Dieu, ni de relard.i subir avant d’entrer dans le royaume des Cieux. Voir t. H, col. 201. Mais alors comment se fait-il qui’le même saint Augustin, Contra.lulian., 1. I, c. iv, n. 13, /’. L., t. xi. vi, col. GiS, où il s’appuie sur l’ensei iient du pape Innocent I" ; Contra duas epist. pe an., 1. II, c. iv, P. L., t. xi.iv, col. 516, etc., et d’autres

D ! CT. DE T1ILOL. CATIIOL.

Pères avec lui, Innocent I er, Epist., xxx, ad Milevitanum, n. 5, P. L., t. xx, col. 592 ; S. Gélase I er, Epist., vu, ad episc. in Piceno, P. L., t. lix, col. 37, s’appuyant sur les paroles de Jésus-Christ, Joa., vi, 54, affirment que les enfants ne sauraient avoir la vie en eux s’ils ne mangeaient pas la chair du Fils de l’homme ? C’est que ces Pères avaient à réfuter les pélagiens qui distinguaient entre le royaume des cieux auquel l’enfant avait droit même avant d’être baptisé et la vie éternelle où il ne pouvait être admis qu’après avoir reçu l’eucharistie. Le raisonnement opposé à ces hérétiques était le suivant : D’après les paroles de Jésus-Christ, on ne peut avoir la vie qu’en mangeant sa chair, c’est-à-dire en s’unissant à lui, comme les membres sont unis au corps. Or, en vertu du baptême, les enfants deviennent les véritables membres du corps du Christ. Donc ils ont droit à la vie éternelle. Il ne faut pas douter, dit saint Fulgence, P. L., t. lxv, col. 124, que tout fidèle participe au corps et au sang du Seigneur en devenant membre de son corps par le baptême, et que, s’il meurt avant d’avoir mangé ce pain et bu ce calice, il sera, en quittant ce monde, membre du corps du Christ. Cf. S. Augustin, In Joa., tr. XXVI, n. 15 sq., P. L., t. xxxv, col. 1614 ; De peccalorum merilis et remissione, 1. III, c. IV, n. 8, P. L., t. xliv, col. 190 ; Innocent I er, loc. cit. ; S. Fulgence, Epist., xii, ad Ferrandum, n. 24 sq., P. L., t. lxv, col. 390 sq. Il n’était donc pas besoin d’imaginer, comme l’a lait Rosmini, que les enfants qui meurent avant d’avoir communié reçoivent miraculeusement au moment de leur mort le corps et le sang du Christ. Cette proposition a été condamnée par la S. C. de l’Inquisition, le 14 décembre 1887. Denzinger, n. 1767. Du reste, la parole de Notre-Seigneur n’affirme pas cette nécessité de moyen. Notre-Seigneur proclame seulement la nécessité de l’eucharistie, mais il ne le fait pas en termes universels. D’ailleurs, l’accomplissement du précepte suppose des conditions subjectives qui ne sont pas exprimées ici ; il faut avoir la vie, et il faut recevoir dignement l’eucharistie. Calmes, L’Évangile selon S. Jean, Paris, 190’t, p. 257. Cf. A. Loisy, Le quatrième Évangile, Paris, 1903, p. 460-461. Enfin, Notre-Seigneur n’avait-il pas dit que celui qui croit au Fils a la vie éternelle ? Joa., vi, 40, 47. Selon son enseignement, il n’est donc pas nécessaire de communier pour avoir la vie éternelle, s’il suffit de croire en lui pour s’assurer la vie. P. Batifl’ol, Études d’histoire et de théologie positive, 2e série, Paris, 1903, p. 98.

3. Enfin, la raison théologique dit que, pour cire sauvé, il suffit d’être en état de grâce. Or, l’eucharistie, en sa qualité d’aliment de la vie surnaturelle, ne donne point cette vie, mais au contraire elle la suppose chez le communiant. Donc, on peut être sauvé sans avoir reçu l’eucharistie. Mais du moins ce sacrement n’est-il pas nécessaire pour persévérer dans la grâce ? Non, si l’on veut dire par là que l’eucharistie confère la grâce de la persévérance finale, car cette grâce est un secours divin spécial auquel aucun sacrement ne donne droit. Non encore, absolument parlant, s’il est question des grâces nécessaires pour persévérer, car on peut les obtenir par d’autres moyens, par exemple par la prière. Autrement, celui qui serait dans l’impossibilité de communier serait irrémédiablement perdu, ce que personne ne peut soutenir. Cf. de Lugo, disp. III, sect. i.

2° La communion est en quelque sorte nécessaire aux adultes pour persévérer dans la grâce. — Toutefois, si avec saint Bonaventure, In IV Sent., dist. XVIII, p. i, a. 2, q. iv, on appelle nécessaire au salut non seulement les moyens indispensables pour obtenir la grâce première, mais aussi les moyens requis pour conserver cette « race, l’eucharistie rentre dans cette dernière catégorie et elle y tient la première place. En effet, Jésus-Christ le déclare, Joa., VI, 54 : Si vous ne man III. - 16