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CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU)


pour faire voir avec quelle insinuante piété il recommande sa chère dévotion, laquelle est pour lui la dévotion à Jésus « débordant d’amour et de miséricorde » , et cherche un stimulant dans l’image sensible du cœur. « Appliquez-vous à honorer le cœur très tendre quissimi ) de Jésus ; ayez la dévotion de le saluer souvent : baisez-le, entrez-y d’esprit. Par lui failes vos demandes et offrez vos exercices, il est le trésor de toutes les grâces, la porte par où nous allons à Dieu et Dieu vient à nous. Ayez donc une image du Cœur divin (dominici Cordis), ou des cinq plaies, ou de Jésus sanglant et tout blessé ; mettez-la en quelque lieu où vous passez souvent, pour qu’elle vous rappelle votre pratique et votre exercice d’amour envers Uieu… A cette vue…, élevez votre cœur vers Dieu, et d’esprit seulement, sans bruit de paroles, ou aussi de bouche, si cela vous aide, criez vers lui, désirant que votre cœur soit purifié et que votre volonté s’unisse au Cœur du Christ et à son divin bon plaisir. Vous pourriez aussi, si la dévotion vous y pousse, baiser cette image, j’entends du Cœur de Jésus, comme si c’était le vrai et divin Cœur de Jésus que vous presseriez de vos lèvres, avec le désir d’y imprimer votre cœur, d’y plonger votre esprit et de vous y absorber ; avec le sentiment d’attirer de son Cœur gracieux dans le vôtre, son esprit, ses grâces et ses vertus, tout ce qu’il contient, dans son immensité, de salutaire pour vous ; car le Cœur de Jésus déborde de tout cela. Il est donc utile et très pieux d’honorer dévotement le Cœur du Seigneur Jésus. Ayez-y recours en toute nécessité, puisez-y consolation et secours de toute sorte. Que tous les cœurs vous abandonnent et vous trompent, soyez sans crainte, ce Cœur très fidèle ne vous décevra ni ne vous délaissera. » Exercilium ad piissimum jidelissimumque cor Jesn, dans Pharetra divini amoris, in12, Paris, 1576, sans pagination. Suit une prière au Cœur de Jésus. L’exercilium ad quinque ruinera Clirisli contient une 5e prière ad cor. Lansperge indique encore deux autres manières d’honouer les cinq plaies, dont la cinquième est toujours la plaie du cœur, vulnus cordis Jesu.

A ces conseils il faut joindre, ne fût-ce que comme échantillon, quelques extraits des pieuses aspirations qu’il nous propose : « Jésus tout aimable, quand m’ôterez-vous mon cœur si vil et me donnerez-vous votre Cœur ? Quand mon cœur sera-t-il embaumé de l’odeur de vos vertus, tout enflammé de l’amour des choses célestes ! Ah ! très doux Jésus, entérine/, mon cœur dans votre Cœur ; demeurez-y tout seui, sojez-en le seul maître ; de la noblesse de votre Cu’ur que mon cœur soit ennobli et embelli… Imprimez, de grâce, en mon cœur toutes les blessures de votre Cœur blessé, pour que j’y lise sans cesse l’amour immense de votre Cœur pour moi et ses vives douleurs, » etc. Recueilli dans Thésaurus l’alrum, Paris, 18’23, t. iii, p. 150.

Je ne pense pas qu’il y ait, maintenant encore, rien de plus pieux en l’honneur du Sacré-Cœur, rien déplus pénétrant que ces prières et ces aspirations de Lansperge. Ce sont vraiment des flèches d’amour.

6° xvi’ci Awr siècles. Développement du culte prive. l’Aude ascétique du Sacre-Cœur ; prières et pratiques ; livres et images. Saint François de Sales et la Visitation ; saints et ascètes de la Compagnie de Jésus. Les mystiques, et les cimes pieuses ; Marguerite-Marie préparée. — Avec Lansperge et Louis de Blois, la dévotion était entrée dans l’ascétisme. Elle s’y développa rapidement, il n’j a dans les Exercices do saint Ignace aucune mention explicite du Sacré-Cœur ; mais on peut dire qu’ils y orientent les âmes par la façon humaine de leur présenter Jésus, qui appelle leur dévouement et leur amour ; par l’étude attentive et amoureuse de Jésus dans sa vie et dans sa mort ; par le ressort qui nui tout en jeu, l’amour passionné pour Jésus répondant à l’amour de Jésus pour nous. A chaque instant,

nous y sommes tout près du Sacré-Cœur et comme sous sa chaude influence ; la prière Anima Christi (qui n’est pas de saint Ignace, elle est, parait-il, de Jean XXII, mais qui est si souvent recommandée dans les Exercices ) ne contient pas le mot cœur, mais elle est pleine de la chose ; la demande, si souvent, si instamment répétée, « de connaître Jésus intimement, afin de l’aimer davantage, et de le suivre toujours mieux, » est une demande de dévotion au Sacré-Cœur ; la conformité de vie et l’union de cœur avec Jésus, qui sont l’âme des Exercices, préparent le retraitant à entrer en commerce intime avec le Sacré-Cœur, dès que ce Sacré-Cœur lui sera découvert. Nous avons de saint François de Borgia une admirable invocation à la plaie du côté ; le Cœur de Jésus n’y est pas nommé, mais il n’y manque que le mot. Voir Letierce, Étude sur le Sacré-Cœur, t. I, p. 47. Le B. Canisius est plus explicite.il écrit dans son Mémorial : « Vous m’avez entr’ouvert votre cœur adorable, et vous m’avez permis d’y plonger mon regard ; vous m’avez invité à puiser en vous les eaux du salut, ordonné de boire à vos fontaines sacrées. Comme je désirais avec ardeur être inondé des Ilots d’amour, d’espérance et de loi que j’en voyais jaillir ! … Enfin, approchant mes lèvres brûlantes de votre cœur très doux, j’osai me désaltérer à cette source divine. « D’après Letierce, loc. cit., p. 50. Il priait souvent le Sacré-Cœur et il nous reste de lui de belles prières à « ce cœur très doux et très aimant de Jésus-Christ, son très fidèle ami » ; il engageait ses frères à lui donner leur cœur, comme il nous a le premier donné le sien ; à rendre grâces avec lui et par lui, à s’y réfugier dans les difficultés. Loc. cil., p. 51. Saint Louis de Conzague, d’après ce qu’en dit sainte Madeleine de Pazzi, « décochaitsans cesse des (lèches d’amour au Cœur du Verbe. » Voir Croiset, loc. cit., IIe partie, c. iv, g 6, p. lil. Nousavons de saint Alphonse Rodriguez des notes personnelles, où il explique « comment l’âme habite dans le Cœur de Jésus par la lerveur de sa contemplalion, et comment Jésus, cédant à l’amour qu’il lui porte, l’introduit dans son cœur » . La page est pleine du Sacré-Cœur. Voir Letierce, loc. cit., p. 52. Les ascètes de la Compagnie adressent fréquemment l’âme au Sacré-Cœur pour y lire ses vertus et son amour, pour y puiser la connaissance et l’amour de Dieu, pour s’y cacher et y converser intimement avec Jésus. Voir dans Letierce, loc. cit., p. 54-64, les textes d’Alvarez de Paz, du V. Louis du Pont, de Saint-Jure, de Nouet. En les groupant, on aurait tout un traité de la dévotion au Sacré-Cœur, théorie et pratique.

Ce traité fut écrit, en Hongrie, par le P. Malhias llajnal (fl644), et en Pologne par le P. Gaspar Druzbicki († 1062). Le P. llajnal publiait, en 1629, à Vienne, Le livre des amants du Sacré-Cœur de Jésus, avec gravures accompagnées d’explications et de prières. L’ouvrage était écrit en hongrois ; on y voyait partout l’image du Cœur environné de flammes ; il contenait une suite de « méditations sur le Sacré-Cœur de Jésus » avec prières dignes de sainte Gertrude ou de la B. Marguerite-Marie. Voir Letierce, loc. cit., p. 70.

L’opusculedu P. Druzbiclu est intitule’: Metacordium, car Jesu. Les exercices y tiennent plus de place que la théorie ; mais l’idée de la dévotion est nettement indiquée dès la préface : « Les exercices que je place entre vos mains et sous vos yeux s’adressent particulièrement au cœur matériel de Jésus, mais en tant que le cœur de chair est vivifié par sa lies sainte âme, reçoit les impulsions du cœur spirituel auquel il est uni, et subsiste personnellement dans le Verbe divin, » etc. Voir Letierce, loc. cit., p. (iti. Pour avoir la théorie complète, il ne restait qu’à dégager le symbolisme du cœur de chair ; ce symbolisme, d’ailleurs, est l’âme de tout b petil traité et de tous les exercices qu’il nous donne.

I n même temps qu’ils aimaient â parler du Sacre-