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CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU)


vre elle-même en nous disant comme à la B. Marguerite-Marie : « Voilà ce Cœur, » et en regardant le cœur qui nous est ainsi montré, nous apprenons à connaître la personne dans son fond.

L’idée de l’amour méconnu et outragé.

La dévol

ion au Sacré-Cœur est donc avant tout la dévotion à l’amour et aux amabilités de Jésus, la dévotion à Jésus tout aimant et tout aimable. On peut dire que tout est là et que tout suit de là. Mais il est un trait que l’histoire de la dévotion met spécialement en relief, et ce trait contribue à lui donner son caractère spécialement touchant. Jésus ne se contente pas de montrer son cœur blessé d’amour, avec sa tendresse exquise, avec sa générosité qui va « jusqu’à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour » . Il nous montre cet amour méconnu, outragé, même par ceux-là de qui il pouvait attendre plus de retour, et qui par vocation devraient l’aimer davantage.

Après avoir dit : « Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes ; » il ajouta : « Et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce sacrement d’amour. Mais ce qui m’est encore le plus sensible est que ce sontdescœursqui me sont consacrés qui en usentainsi. » Mémoire, dans Vie et Œuvres, t. il, p. 355 (2e édit., p. 414). Commentant ces paroles, le P. de Gallilïet écrit : « Il faut encore observer ici un point essentiel à la nature de notre dévotion, c’est que cet amour dont son divin Cœur est embrasé, doit être considéré comme un amour méprisé et offensé par l’ingratitude des hommes… Le Cœur de Jésus-Christ doit donc être ici considéré sous deux rapports : d’une part, comme embrasé d’amour pour les hommes ; et de l’autre, comme offensé cruellement par 1’i.ngratitude de ces mêmes hommes. Ces deux motifs, unis ensemble, doivent produire en nous deux sentiments également essentiels à la dévotion envers ce Sacré-Cœur : savoir, un amour qui répond au sien, et une douleur qui nous porte à réparer les injures qu’il souffre de la dureté des hommes. » L. I, c. iv, p. 47. Le premier cri de la dévotion au Sacré-Cœur est : L’amour n’est pas aimé ! C’est aussi ce qu’expliquent tout au long les postulateurs de 1765 : « Il faut remarquer, disent-ils, que le Sacré-Cœur doit être regardé ici sous deux aspects : D’abord comme débordant d’amour pour les hommes… Il faut le regarder aussi commecruellement blessé par l’ingratitude des hommes, accablé d’outrages, et par là digne non seulement de notre amour, mais aussi de notre compassion. » Memoriale, n. 34, 38 ; Nilles, t. i, p. 117, 120.

Sans doute, Jésus ne soutire plus ; mais l’outrage, de la part des hommes, n’en est pas moins réel : ils lont, de leur côté, tout ce qu’il faut pour le faire souffrir. Il faut dire que tous ces outrages ont retenti un jour dans son Cirur. Il en a souffert, quand il pouvait encore souffrir. Dans sa passion, il n’a pas ressenti seulement les ouea des Juifs et des Romains ; il n’a pas souffert seulement des ingratitudes de ses concitoyens et de l’abandon de ses amis. L’avenir et le passé ont eu leur contre-coup dans la passion ; ils s’y sont concentrés. Si donc Jésus ne souffre pas dans le présent, il a souffert présent, et les fidèles n’ont pas tort de se représenter Jésus souffrant, puisqu’il a souffert des outrages d’à présent, sans compter qu’il est toujours permis de si’transporter dans le passé pour compatir à Jésus, l’avenir d’alors étant le présent d’aujourd’hui. Possible que parfois la façon de parler en celle matière ne soit pas rigoureusement exacte. Est-il bien sur que l’exactitude d’expression pourrait se corriger sans enlever d’autant à la vérité profonde des choses et à l’impression qu’elles doivent produire ? Toujours est-il que la p. Marguerite-Marie ; i » u le Sacré-Cœur couronné d’épims et surmonté de lu croix ; et elle s’en explique

très bien en voyant là le signe d’une grande réalité : « Il était environne d’une couronne d’épines, qui signifiait les piqûres que nos péchés lui faisaient, et une croix au-dessus signifiait que… dès lors que ce Sacré Cœur fut formé, la croix y fut plantée. » Lettres inédites, lettre iv, p. 141. L’Eglise connaît bien ces manières psychologiques de supprimer le temps et l’espace ; sa liturgie est pleine de ces reflets de l’éternité divine jetés sur notre monde changeant et passager.

Ces explications étaient nécessaires pour faire entendre comment la dévotion au Sacré-Cœur peut se représenter Jésus outragé. Mais ce rapport du présent avec la passion de Jésus n’est pas la seule, ni probablement la principale raison du rapport étroit que nous voyons entre la dévotion au Sacré-Cœur et le souvenir des souffrances de Jésus.

10° L’idée de la passion et celle de l’eucharistie dans la dévotion. — En fait, la pensée de la passion est très souvent mêlée et très intimement au culte du Sacré-Cœur. La messe Miserebitur en est comme toute pénétrée ; l’Office de la fête, presque autant ; les litanies du Sacré-Cœur nous le rappellent comme propitiation pour nos pécliés, comme rassasié d’opprobres, comme broyé à cause de nos crimes, comme fait obéissai.t jusqu’à la mort, comme percé d’une lance ; et d’autre part, les litanies de la passion et l’heure sainte, passée en union avec Jésus au jardin des Olives, étaient pour la B. Marguerite-Marie deux des principaux exercices de la dévotion au Sacré-Cœur. Bref, la dévotion au Sacré-Cœur va comme d’instinct à Jésus souffrant et mourant. On y pourrait voir une délicatesse d’amour : n’est-ce pas quand l’ami souffre et est délaissé, outragé, que l’ami se tient plus près pour lui tenir compagnie, lui dire son amour, lui rendre hommage et compatir à ses peines ? Il y a cela, sans doute dans l’instinct qui pousse vers le jardin des Olives ou le Calvaire les dévots du Sacré-Cœur. Mais il y a autre chose aussi. La dévotion au Sacré-Cœur cherche les traces de l’amour. Et où cet amour brille-t-il autant que dans la passion ? Souffrir et mourir pour ceux que l’on aime, c’est, au témoignage de Jésus, l’effort suprême de l’amour. La dévotion au Sacré-Cœur va donc à la passion, parce que là plus que partout elle trouve ce Sacré-Cœur qui « s’épuise et se consomme pour témoigner son amour » .

C’est pour des raisons du même genre que la dévotion au Sacré-Cœur est en rapport étroit avec l’eucharistie. Les postulateurs de 1765 sont très explicites à ce sujet. Voir le Memoriale, n. 38 ; Nilles, t. i, p. 120, et la RéjilKjite aux exceptions du promoteur de la foi, n. 23, 24, Nilles, p. 147. Marguerite-Marie fut l’amante de l’autel, comme elle fut l’amante de la croix. Tout son désir est de communier, tout son secours, dit-elle, « le cœur de mon aimable Jésus au très saint-sacrement. » Lettres inédites, lettre IX, p. 191. Jésus lui demanda la communion réparatrice, comme il lui demanda l’heure sainte ; et il voulait qu’elle communiât toutes les fois qu’elle le pourrait, quoi qu’il pût lui en arriver. La dévotion a toujours marché dans la même voie. A mesure qu’elle grandit dans une âme, elle pousse à communier plus et mieux. La liturgie du Sacré-Cœur porte le même témoignage : la messe et l’office font les parts à peu près égales entre la pensée de la passion et la pensée de l’eucharistie. Le P. Croiset mettait l’eucharistie, comme il mettait la passion, dans sa définition même : « L’objet particulier de cette dévotion, disait-il, des la première phrase de son traite, est l’amour immense du Fils de Dieu qui l’a porlé à se livrer pour nous à la mort, et à se donner tout à nous dans le très saint-sacrement de l’autel. » C’est également ce que dit la sixième leçon du bréviaire au jour de la fête : Quam caritatem Chrieti patientis etpro generis humani redemptione morientU, attpie in sux mortis viimniemorationcm uisiituentis sacramentum corporis et sanguinis sui, ut fidèles sub