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CONSTANTINOPLE (ÉGLISE DE)

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rant, quoique fort épris d’instruction, et qui s’employa à développer le mouvement intellectuel parmi ses fidèles, puis de celui de Cyrille VI (1813-1818), très versé dans les sciences théologiques et profanes et qui travailla de toutes ses forces à perfectionner les écoles existantes et à en créer d’autres. Démissionnaire en 1818, Cyrille VI, qui était encore d’un âge peu avancé, serait probablement remonté sur le trône œcuménique, si les Turcs ne l’avaient étranglé en 1821, ainsi que son successeur. L’élection d’Eugène II fut particulièrement tragique. C’est les larmes aux yeux qu’il accepta une charge qui conduisait au martyre, et c’est devant le cadavre de Grégoire V, suspendu à la porte du palais patriarcal, qu’il lui fallut passer et repasser pour obtenir la confirmation vizirielle. S’il ne succomba pas lui-même sous les coups que lui asséna la populace turque, il se vit frapper à coups de poing, arracher la barbe poil par poil et dut souffrir mille supplices, plus durs encore que la mort. Il mourut de tristesse et d’épuisement l’année suivante, laissant l’Église dans la plus triste situation que l’on pût imaginer. Malgré toute l’affabilité de son caractère et la douceur qu’il apporta dans ses rapports avec le gouvernement impérial, Anthime III (1822-1824) ne réussit pas à le désarmer et il se vit, au bout de deux ans, déposer par les Turcs pour « inactivité et indignité de conduite » , sort qui échutégalementàson successeur, Chrysanthe (1824-1826). Agathange (1826-1830), lui, fut déposé par les Grecs, bien qu’il eût enduré des mauvais traitements et la prison même pour l’intérêt de la cause nationale ; sa sévérité excessive et son amour des richesses ne furent pas étrangers à ce revirement de l’opinion. Son successeur, Constanlios I er (1830-1834), le célèbrearchevêque du Sinaï, se distingua par des qualités de premier rang ; le métropolite de Moscou, Philarète, l’avait surnommé « l’astre lumineux de la hiérarchie orientale » . Son activité se déploya sous toutes les formes ; il restaura l’église et la résidence patriarcales, ainsi que le fameux sanctuaire de Baloukli ou de la source vivifiante, améliora la situation financière de son Église, remboursa à la confrérie du Saint-Sépulcre les sommes qu’elle avait avancées, tenta un premier accord avec l’Eglise serbe naissante, inaugura l’école commerciale de Halki et d’innombrables écoles primaires, s’occupa de la correction des livres liturgiques et s’acquit un nom, toujours cité avec respect, soit dans le domaine des sciences religieuses, soit dans celui de l’histoire et de l’archéologie. Compromis par son attachement à la Russie, il dut donner sa démission, reprit son ancienne charge d’archevêque du Sinaï et, libre désormais de toute sollicitude, consacra ses derniers jours à ses chères études. Ce fut un homme éminent, surtout pour la triste époque qui le vit naître et grandir. En revanche, son homonyme et successeur, Constantios II (1834-1835), n’eut de remarquable que son ignorance et son immoralité ; il faut qu’il soit allé loin dans cette voie, pour que les historiographes officiels l’aient jugé indigne d’occuper une aussi haute charge. Grégoire VI, qui fut deux fois patriarche, d’abord de 1835 à 1840, ensuite de 1867 à 187J, s’acquit la juste réputation de réformateur et d’administrateur, en même temps que celle d’un homme énergique, d’une moralité au-dessus de tout soupçon et d’une ténacité peu commune. Ennemi déclaré du christianisme occidental, il ne cessa de i tonner dans ses encycliques et dans ses lettres contre les menées propagandistes des missionnaires catholiques et protestants ; son hostilité contre les anglicans, dont il condamna solennellement les traductions bibliques en langue néo-grecque, lui attira l’inimitié de l’ambassadeur anglais, qui réussit à le faire déposer en 1810. Après vingt-sept années de retraite, Grégoire VI revint au pouvoir (1867-1871) ; son énergie bien connue lui valut cet honneur, car il s’agissait de repousser les

revendications religieuses des Bulgares. Élevé à un poste périlleux dans des circonstances très difficiles, Grégoire VI ne fut pas indigne de la confiance que sa nalion lui avait témoignée. S’.il échoua dans la tache de trouver la quadrature du cercle, c’est-à-dire de réconcilier les Grecs avec les Bulgares, il succomba du moins avec honneur, après avoir défendu dignement les privilèges de son Église. Voir le récit de cette querelle au mot Bulgarie, t. ii, col. 1208-1210.

Entre les deux patriarcats de Grégoire VI se place toute une série — onze en tout — d’autres pontificats. Anthime IV (1840-1841, 1818-1852), s’attira l’affection du peuple, ainsi qu’Anthime V (1841-1842), mort en charge. De Germain IV (1842-1845, 1852-1853), le principal titre de gloire est la fondation, en 1844, de l’école théologique de Halki, le grand séminaire officiel du patriarcat et la pépinière des futurs dignitaires ecclésiastiques. Méléce III ne fit que passer sur le trône œcuménique, 18 avril-28 novembre 1845, et continua la ligne de conduite suivie par Germain IV. Quant à Anthime VI, nous le voyons par trois fois en possession de la dignité patriarcale, de 1845 à 1848, de 1853 à 1855, de 1871 à 1873. En dehors de quelques circulaires portant sur des réformes religieuses à introduire dans les écoles ou parmi le clergé, ce prélat ne se distingua guère que par son hostilité envers les Bulgares. C’est à lui qu’est due en partie l’initiative du fameux concile de 1872, qui, en proclamant les Bulgares schismatiques, porta le coup de mort à l’orthodoxie. Voir Bulgarie, t. ir, col. 1210-1212. Par ailleurs, sa rapacité lui avait aliéné ses compatriotes. Cyrille VII (1855-1860), ancien métropolite d’Amasée, fut mêlé à la controverse bulgare, qui commençait à dégénérer en révolution religieuse, et au mouvement de réformes, qui devait modifier de fond en comble l’organisation et l’administration du patriarcat. Comme tous les autocrates qui jouissent voluptueusement de leur pouvoir, Cyrille VII ne se prêta à ces transformations vitales qu’avec la plus mauvaise humeur ; ce qui n’empêcha pas, du reste, les réformes d’aboutir. D’autre part, avant de démissionner, il avait soulevé un violent conflit au sujet de la juridiction à exercer sur le monastère du Sinaï et s’était, de ce chef, brouillé avec l’Église de Jérusalem. Joachim II, lorsqu’il n’était que géronte, avait lutté énergiquement contre l’introduction du régime constitutionnel, que le sultan et les laïques grecs voulaient imposer au patriarche et au saint-synode ; il n’en fut pas moins élu comme patriarche suivant le nouveau règlement et pour l’appliquer, 1860-1863, 1873-1878. Le seul avantage personnel qu’il retira de cette constitution fut d’être reconnu par les Turcs comme inamovible, ce qui le mettait à l’abri de leurs caprices et de leur cupidité ; par contre, il tombait à la merci de deux chambres grecques

— le saint-synode et le conseil mixte — qui lui permettaient moins encore que les Turcs d’apporter dans sa politique un peu de suite et d’homogénéité. Énergique et autoritaire, mais d’une àpreté au gain extraordinaire, Joachim II ne déplaça pas moins de quarante métropolites ou évëques, dans les dix premiers mois de son règne, afin de leur soutirer de l’argent, et comme, malgré de fréquents avertissements, il s’obstinait dans sa manière de voir, on le déposa. Il fut rappelé en 1873 pour arranger l’imbroglio bulgare, œuvre qu’il ne put, en dépit de son habileté, mener à bonne fin. De Sopbrone III (1863-1867), le glorieux centenaire qui gouvernait naguère encore l’Eglise d’Alexandrie, on aura tout dit, lorsqu’on aura vanté sa bienfaisance, son amour de l’instruction et de l’ordre, sa modération dans les ail. : ires et son affabilité proverbiale. Grecs et Russes orthodoxes entonnent à l’envi ses louanges, spécialement les Moscovites, dont il était le très humble obligé. Toute l’activité de Joachim IV. durant son court patriarcat (it-Si-lt^G), s’employa à renouer les bonnes re-