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CYRILLE D’ALEXANDRIE (SAINT)

qu’en dit Cyrille dans ses réponses à André de Samosate et à Théodoret de Cyr, P. G., t. lxxv, col. 401, 332, 405 : ἕνωσις καθ’ ὑπόστασιν, κατὰ φύσιν, c’est la même chose que ἕνωσις ἀληθής, le contraire de ἕνωσις σχητική. Cf. J. Mahé, Les anathématismes de saint Cyrille d’Alexandrie, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, juillet 1906, p. 509-512, 538. Le résultat de cette union (ἕνωσις) est une unité parfaite, physique (ἕνωσις φυσική) du Verbe avec son humanité. P. G., t. lxxvii, col. 784. Le Verbe incarné est εἶς, εἶς μετὰ τῆς ἰδίας σαρκός, εἶς ἐξ ἀμφοῖν, εἶς ἐξ ἀμφοτέρων οὐσιῶν, εἶς ἐκ δύο διαφόρων πραγμάτων, εἶς ἐκ δυοῖν τελείοιν, εἰς καὶ πρὸ τῆς καὶ μετὰ τὴν σάρκωσιν. Il n’y a qu’une seule hypostase, une seule nature du Verbe incarnée, μία ὑπόστασις τοῦ Θεοῦ Λόγου σεσαρκωμένη, μία φύσις Υἱοῦ σεσαρκωμένου τε καὶ ἐνηθρωπηκότος. À propos de cette dernière formule, il importe de remarquer que le texte de Migne, P. G., t. lxxv, col. 1292, ajoute une négation absolument injustifiable : οὐδέ μία πρὸς ἡμῶν ὡμολόγητο φύσις σεσαρκωμένου τε καὶ ἐνηνθρωπηκότος. Loofs, dans Texte und Untersuchungen, t. iii, Leontius von Byzanz, p. 46 ; Leitfaden zum Studium der Dogmengeschichte, p. 294, s’est laissé induire en erreur par cette fausse lecture. Il faut rétablir avec Pusey, p. 366 : περιττοεπὴς ὁ λέγων φυρμὸν γενέσθαι καὶ σύγκρασιν, εἰ δὴ μία πρὸς ἡμῶν ὡμολόγητο φύσις Υἱοῦ σεσαρκωμένου τε καὶ ἐνηνθρωπηκότος.

La formule μία φύσις τοῦ Θεοῦ σεσαρκωμένη a été fréquemment employée par Cyrille. Voici les passages principaux : Adv. Nestor., i, P. G., t. lxxvi, col. 60, 93 ; Ad reginas I, 9, ibid., col. 1212 ; Epist., xvii, P. G., t. LXXVII, col. 116 ; Adv. Orient., P. G., t. lxxvi, col. 340, 349 ; Epist., xl, ad Acacium Melitin., P. G., t. lxxvii, col. 192, 193 ; xliv-xlvi, col. 225, 232, 240 sq. ; Quod unus Christus, P. G., t. lxxv col. 1289, 1292. Il croyait l’emprunter à saint Athanase, P. G., t. lxxvi, col. 1212, 349 ; en réalité il répétait une phrase apollinariste. Cf. Voisin, L’apollinarisme, p. 155, 182 sq. ; Dräseke, dans Texte und Untersuchungen, t. vii, fasc. 3 et 4, Apollinarios von Laodicea, p. 341 ; mais il y mettait un sens très orthodoxe, comme on s’en convaincra, si l’on veut bien lire l’explication qu’il en donne dans sa 1re lettre à Succensus de Diocésarée. Epist., xlvi, P. G., t. lxxvii, col. 240 sq. Pour lui, μία φύσις τοῦ Θεοῦ Λόγου σεσαρκωμένη équivaut à εἶς ὁ Λόγος σαρκωθείς, εἰς ὁ Λόγος μετὰ τῆς ἰδίας σαρκός ; le mot σεσαρκωμένη indique l’humanité que le Verbe s’est unie. Cf. Loofs, Texte, loc. cit., p. 41-42 ; J. Mahé, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, 1906, p. 540-541.

Saint Cyrille revient de temps en temps sur la κένωσις, dont saint Paul avait parlé, Phil., ii, 5-8 ; il y trouve une preuve irrécusable de la réalité de l’incarnation. Si le Verbe au lieu de faire homme a pris un homme comme veut Nestorius, pour l'élever à la dignité de Fils de Dieu, où donc est la κένωσις ? ποῦ δὲ ἡ κένωσις Quod unus Christus, P. G., t. lxxv, col. 1308 ; Pusey, p. 378 sq. En quoi consiste-t-elle au juste ? En ce que le Verbe s’est approprié tout ce qui appartient à son humanité : naissance, croissance, ignorance, faim et soif, fatigue, souffrances de toutes sortes, mort, résurrection. Adv. Theodoret., P. G., t. lxx. col. 440. Il est vrai de dire du Verbe incarné qu’il a pris naissance dans le sein de Marie, qu’il a grandi en âge et en sagesse, qu’il a eu faim et soif, qu’il est mort dans sa chair, qu’il est ressuscité, tout comme il est vrai de dire du même Verbe incarné qu’il est le créateur de toutes choses, qu’il fait des miracles. P. G., t. lxxvi. col. 360, 380 ; t. lxxvii, col. 788. Cyrille reconnaît la réalité de la croissance corporelle des fatigues, des souffrances, etc. ; mais il ne veut admettre qu’une augmentation apparente de science et de sagesse : le Verbe incarné n’a jamais pu rien ignorer ; il a fait semblant d’ignorer en raison de son humanité, ou bien il a proportionné à son âge la manifestation de sa science. Cf. Bruce, The humiliation of Christ, p. 50 sq. Les textes caractéristiques se trouvent recueillis en appendice dans Bruce, p. 366-372. Ce sont : Adv. anthropomorph., c. xiv, P. G., t. lxxvi, col. 1100 ; Adv. Orient., ibid., col. 340 ; Quod unus Christus, P. G., t. LXXV, col. 1332 ; Adv. Nestor., P. G., t. lxxvi, col. 153 ; Ad Reg. II, 16, ibid., col. 1353 ; Thesaurus, P. G., t. lxxv, col. 421, 368-380 ; Adv. Theodoret., P. G., t. lxxvi, col. 416. On peut y ajouter les suivants P. G., t. LXVIII, col. 428 ; t. lxxii, col. 252 ; t. lxxiii, col. 165, 301, 337 sq. ; t. lxxv, col. 1072, 1073, 1388 ; t. lxxvii, col. 776, 780. Saint Cyrille a-t-il à un moment donné modifié sa doctrine christologique ? On sait qu’il a eu à s’en défendre de son vivant. André de Samosate croyait voir des contradictions entre les anathématismes et les ouvrages précédents du patriarche d’Alexandrie. P. G., t. lxxvi, col. 325, 332. Après la paix de 433, plusieurs de ses amis l’accusèrent d’avoir sacrifié l’orthodoxie par des concessions illégitimes. Epist., XL, P. G., t. lxxvii, col. 184 sq. Dans l’un et l’autre cas, il ne lui fut pas difficile de se justifier. Plus tard, Justinien, dans son traité Contra monophysitas, affirme avec raison que Cyrille a toujours enseigné la même doctrine, avant et après la condamnation de Nestorius. P. G., t. lxxxii, col. 1136. Et en effet, si l’on compare entre eux les écrits des diverses périodes de sa vie, on constatera que son enseignement n’a subi aucune variation dogmatique. On peut lire, par exemple, dans ce but, le l. VI du De Trinitate, L’Homélie pascale viii, l’Homélie pascale xvii, ou la Lettre aux moines, la Lettre xvii avec les anathématismes, la Lettre xxxix et le symbole d’union, les Lettres xlv et xlvi à Succensus. Toujours, avant comme après l’ouverture de la controverse nestorienne, Cyrille a professé que le Christ est Dieu parfait et homme parfait ; toujours il a insisté sur l’union véritable, intime, substantielle du Verbe et de son humanité ; toujours, pour bien marquer que, dans le Christ, la nature humaine est subordonnée à la nature divine et ne subsiste que dans le Verbe, il a employé aux cas directs les termes qui désignent le Verbe, et aux cas obliques, quand il n’en a pas fait des adjectifs, ceux qui désignent la nature humaine, par exemple, ὁ Λόγος μετὰ τῆς ἰδίας σαρκός, ὁ Λόγος ἐν σαρκί, ὁ Λόγος σαρκωθείς, etc.

Pourtant il faut reconnaître qu’au moins à première vue, il y a un point sur lequel Cyrille semble avoir changé ; la dernière phrase du symbole d’union paraît contredire le 4e anathématisme ; ici on refuse de « diviser » les paroles appliquées par l'Écriture à Notre-Seigneur ; là, on distingue diverses sortes de paroles. Mais il faut y regarder de plus près et écouter les explications fournies par notre auteur lui-même. P. G., t. lxxvii, col. 193, 196. Ce qu’interdit l’anathématisme, c’est de diviser les paroles, de façon à appliquer les unes au Verbe, les autres à l’homme considéré comme distinct du Verbe (ἰδικῶς νοουμένῳ) ; mais il ne nie pas les différences entre la divinité et l’humanité, ni que, parmi les textes sacrés, certains conviennent au Christ en raison de sa divinité, et certains en raison de son humanité. Quant au symbole, il professe que, parmi les paroles de l'Écriture, quelques-unes conviennent à la divinité, d’autres à l’humanité, et d’autres enfin indiquent à la fois les deux natures. Il n’y a donc aucune contradiction entre l’anathématisme et le symbole. Et par suite, il n’y a pas eu, même sur cette question, de changement doctrinal chez Cyrille.

Mais il y a eu qui quelques changements dans le vocabulaire. Certaines expressions, employées d’abord, ont été ensuite abandonnées : par exemple, σῶμα πεφόρηκε, P. G., t. LXVIII, col. 293 ; τὸ ἴδιον φόρημμα περικείμενος φημὶ δὲ τὸ ἀνθρώπωον σῶμα, P. G., t. lxxiii, col. 484 ;