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CRÉDIBILITÉ

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lumière de l’Église d’Angleterre a († 1752). Ouvrages principaux : Rolls sermons, 1720 ; Analogy of Religion, natural and revealed, lo ihe constitution and course of Salure, 1 730. liutler fait du la conscience la plus haute des facultés humaines. Ses exigences sonî les litres les plus solides que la révélation chrétienne puisse faire valoir en faveur de son acceptation. Tel est le thème îles Sermons. Dans V Analogy, il se contente de montrer que la révélation chrétienne ne renferme rien d’irrationnel et de contre nature. A remarquer le dernier chapitre consacré aux miracles. Il lui paraît établir la probabilité du fait de la révélation. Il complète la démonstration par l’argument du « pari » à la manière de Pascal. Ainsi, les motifs de crédibilité extrinsèques sont admis par liutler comme donnant une probabilité. L’évidence morale de la crédibilité est produite par le supplément apporté par la convenance de la révélation, les exigences de la conscience, l’argument du pari. C’est une doctrine complète, bien qu’insuffisante au point de vue spéculatif ; la prépondérance est donnée à l’élément inoral. Cf. L. Carrau, Philosophie religieuse en Angleterre, Paris, 1888, c. II.

Un revirement se produit durant la seconde moitié du xvine siècle. On délaisse les arguments philosophiques pour l’argument tiré du miracle et de l’accomplissement des prophéties. C’est ce qu’on appelle ï’Evidenlial School. Le représentant type de cette école est l’archidiacre W. Paley († 1803). Son principal ouvrage est : A view of the Evidence of Chris tianity, 1794. C’est à cette école qu’appartiennent plusieurs des apologétiques anglaises des Démonstrations évangéliques de Aligne : Lestey, t. iv, p. 855 ; Scherlok, t. vii, p. 439, etc.

Un mouvement accentué de réaction se produit dès le début du XIXe siècle contre la conception de Paley. L’initiateur en est le poêle théologien S. Taylor Coleridge (-j- 1834). Ouvrage principal à ce point de vue, Aids lo Rejlection, etc., 1825. Il a subi l’influence de la philosophie de Kant. Il distingue dans l’homme l’entendement de la raison. L’entendement ne sort pas de la catégorie expérience sensible. Seule la raison caractérise l’homme. Il distingue la raison spéculative et la raison pratique. Cette dernière est la plus haute et c’est par elle que nous joignons la révélation chrétienne. La foi est décrite comme la reconnaissance par un homme de la présence au-dedans de lui de la raison universelle, représentant la pensée et la volonté de Dieu et dans la soumission de sa propre volonté à la raison universelle en tant que représentant la volonté divine. L’homme est en étatde déchéance parce qu’il s’est attaché à sa volonté propre. Il cherche à se relever. Seule la religion, et en particulier le christianisme, lui en fournit le moyen. Il repousse la démonstration type Paley. Il écrit à la fin des Aids to Re/leclion : « Preuves du christianisme ! ce mot m’afflige. Faites sentir à un homme qu’il a besoin du christianisme ; élevez-le, si vous pouvez, jusqu’à percevoir ce besoin ; et vous pourrez vous en lier à cette intime évidence, vous souvenant seulement de la déclaration expresse du Christ lui-même : Personne ne vient à moi, si mon Père ne le conduit. » La clef de son système est cette idée que Dieu est immanent à l’homme. Le contenu de Dieu est objet d’évidence immédiate. Il est nécessairement et absolument ; non susceptible de démonstration scientifique. Dans ce système, la crédibilité apparaît comme le résultat d’une coïncidence immédiate entre le contenu surnaturel du christianisme et les besoins de la raison pratique ; le détour par le témoignage divin et sa preuve sont éliminés. C’est donc plutôt à une crédulité, c’est-à-dire à un état subjectif, qu’à une crédibilité déterminée, qu’aboutit l’apologétique de Coleridge.

L’influence de Coleridge sur le mouvement d’Oxford

est avouée par Keble et N’ewman. quoique ce dernier au poinl de vue philosophique relève davantage de Butler. Voici comment.1. Marlineau délinit les données communes § Coleridge el à Newman, Ils’-ont d’accord pour chercher le germe de la foi pieuse dans la conscience ; pour reconnaître le caractère essentiellement religi de la moralité ; pour faire de la foi la condition préalable de la connaissance spirituelle et pour établir le principe : Credo ut intelligam. Essays, t. i, p. 253.

La théorie de la foi religieuse de Newman peut élre considérée comme une protestation à la fois contre la philosophie de Locke et contre la théologie de ï’Evidenlial School. Le but des apologistes chrétiens de cette école a été d’isoler les preuves historiques externes de cette révélation et d’entreprendre de les juger par un procédé purement critique. Mais N’ewman perçoit clairement que, en matière religieuse à tout le moins, ce procédé est impossible. Les preuves externes du christianisme ne peuvent être séparées de ce qui les entoure et appréciées à part de la révélation dont ils sont les « credentials » . Et surtout c’est se mettre tout à fait en dehors de la question que d’aborder la considération de ces preuves sans certaines conditions subjectives présupposées, idées préalables et dispositions morales.

La préparation morale à la foi intervient, semble-t-il. chez Newman, en deux manières différentes, selon que l’on voit dans le christianisme un fait historique ou un fait moral. 1° Elle donne aux preuves propres du fait historique l’efficacité qui leur fait défaut pour la conviclion. Spéculativement ces arguments ont leur valeur ; pratiquement ce sont plutôt des occasions de croire au gré de nos dispositions intérieures ; les motifs de crédibilité ne sont pas la condition sine qua non de la foi. Ils en sont plutôt l’instrument. — 2° Le christianisme est avant tout un fait moral. Pour l’aborder, il faut partir du credo moral intérieur, dont le credo extérieur n’est que la réplique. La crédibilité résulte ici de la coïncidence des réquisits de la conscience et du contenu de l’enseignement révélé. Cette coïncidence est d’ailleurs moins perçue par l’intelligence que vécue et expérimentée intérieurement par chacun. D’où un nouveau caractère de la crédibilité newmanienne, sa personnalité et son incommunicabilité, d’un mot son égolisme. Cf. Brémond, La psychologie de la foi, selon Newman, Paris, 1905 ; Dimnet, La penser catholique dans l’Angleterre contemporaine, Paris, 1906. On trouvera une réfutation péremptoire du système dans E. Baudin, La psychologie de la foi chez Newman, ’t articles de la Revue de philosophie, 1906. Cf. pour la réfutation du moralisme en général : L. Couturat. La logique et la philosophie contemporaine, dans la Revue de métaphysique et de morale, mai 1906, p. 328 sq.

L’inlluence de Coleridge fut bien plus profonde sur le groupe déjeunes gens, état-major de la Broad Church, l’archidiacre Hare, l’archevêque Trench, John Sterling, Fr. Denison Maurice surtout, qui s’emparent de l’immanence de Dieu dans l’homme et en font le point de départ de leur foi religieuse. De même Ch. kingsley, disciple de Maurice.

A signaler comme œuvres représentatives du mouvement contemporain, W. Mallock, Is Life worlh livingt 1881. Deux traductions françaises ont paru simultanément en 1887. Contre le positivisme, la vérité de la religion est prouvée par ce fait que sans elle tout motif solide de vivre nous est enlevé et cela parce que les biens indispensables à l’àme humaine s’évanouissent. A..1. liallour, The Foundations of Relieꝟ. 1899. traduit en français la même année, liallour est qualifié de nouveau liutler par les Anglais. Son argument apologétique est celui-ci : La raison n’aboutit qu’à détruire : la loi et le principe d’autorité peuvent seuls nous fournir le corps des vérités qui nous sont indispensables.