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CRÉDIBILITÉ

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Il récuse de même l’opinion de Durand, n. 37, celle de Suarez, ii, 41, et enfin celle de Lugo qui substitue i la révélation active de Dieu une révélation médiate que contribuent à former les documents qui nous transmettent le l’ail passé de la révélation active de l’Ancien et du Nouveau Testament et les arguments rationnels à l’appui de son autorité, lbid., n. 45, S Ditobus ab ea dissentio ; cf. n. 46, 70 et n. 52. Pour de Lugo, les motifs de crédibilité sont un élément intrinsèque de l’assentiment surnaturel à la révélation formant la deuxième prémisse du syllogisme de la foi. Ripalda craint qu’il n’y ait là du rationalisme. Disp. III, sect. iii, n. 52. Pour lui, les motifs de crédibilité n’ont qu’une vertu persuasive, ils rendent le fait de la révélation croyable et non évident. Disp. III, sect. iv, n. 54. Il estime ainsi mieux expliquer que de Lugo l’obscurité de l’assentiment à la révélation et par suite de l’assentiment de la foi.

2° Comparaison de celle théorie, avec celle de Lugo et des thomistes. — En réalité, il n’y a péril que si l’on admet avec de Lugo et Pierre Hurtado que la connaissance du fait de la révélation, en tant que manifesté par les motifs rationnels, est le principe formel de l’assentiment de la foi. Il faut en ce cas, à tout prix, sauvegarder l’obscurité de l’acte de foi divine définitif, en supposant l’obscurité dans son antécédent la connaissance du fait de la révélation. Si, au contraire, on admet avec l’école tliomiste et Suarez que les motifs de crédibilité n’ont pas d’action directe sur la manifestation même de la révélation divine à nos intelligences, et qu’ils ne servent en définitive qu’à rendre moralement légitime Vimperium fdei qui, lui, met notre intelligence sous l’illumination toujours actuelle de la Vérité première, on peut admettre l’évidence, même scientifique, du fait de la révélation sans compromettre l’obscurité et le surnaturel de la foi. Or Ripalda n’admet pas plus que les thomistes la foi discursive. Disp. III, sect. VI, n. 73, 75. Il semble qu’il eût pu concéder l’évidence naturelle du fait de la révélation, qui ne rend pas le mystère évident, mais seulement croyable. S’il ne l’a pas fait, c’est qu’il ne conçoit pas la révélation active de la même manière que les thomistes. Pour ceux-ci, elle est une manifestation directe, immédiate, de la Vérité première actualisant l’acte révélateur d’autrefois, par l’infusion du lumen fidei, en sorte que, par l’effet de la pia molio voluntatis, l’objet matériel de la foi se trouve, en face de l’intelligence, sous l’influence de Dieu, Vérité première agissant actuellement et l’imposant par sa propre efficacité, comme une lumière impose la vue de ce qu’elle éclaire. Pour Ripalda, la révélation active est donnée dans une connaissance surnaturelle, dont le caractère surnaturel provient non ex motivo objecto, d’un ébranlement suscité par l’objet, mais ex modo tendendi in objectum, n. 71. En d’autres termes, nous adhérons surnaturellement à la révélation, mais la révélation n’est pas actualisée pour nous, au moment de l’acte de foi par un témoignage spécial, actuel, de la Vérité première, nous la certifiant à nouveau par une illumination mystérieuse et surnaturelle, comme chez les thomistes ; elle l’est par les arguments de raison qui établissent l’existence de la révélation, et mettent ainsi nos esprits en contact avec elle. Or, sans admettre la foi discursive, Ripalda estime qu’à la révélation ainsi reconnue par la raison s’origine l’assentiment de la foi surnaturelle, uni assentitur propter aliud, n. 75. Cf. disp. VI, sect. v, n. 42. Il était donc obligé de n’accorder aux motifs de crédibilité qu’une influence persuasive.

3° Double influence) spéculative et morale, des motifs de crédibilité. — Cette influence sera double, selon les deux jugements de crédibilité auxquels, chez Ripalda comme chez. Lugo, les arguments extrinsèques donnent lieu, sect. vi, n. 70 ; quippe revelatio bifariam con sliluitur credibilis per argumenta extrinseca, primo physice, quatenvs noise exlrinsecm manifestant vi lem existenliae révéla tionis…, secundo moraliter, quatenus proponunt honestatem morale, , , , /, , uà sentaneam, assensus revelalionis. Le second jugement ne se prononce que sur la bonté’morale de 1 assentiment à donner, le premier intéresse la vérité île l’objet ; le second est évident, le premier obscur ; le second est antérieur à la libre volonté de croire, le premier postérieur ; le second rend la révélation moralement croyable, le premier physiquement.

4° Place de la crédibilité dans l’organism<’psychologique de l’acte de foi. — Les éléments psychologiques de l’acte de foi semblent devoir s’ordonner ainsi : 1. jugement prudentiel évident de crédibilité : 2. pia molio ; 3. jugement surnaturel de crédibilité, émis sous la double inlluence de la persuasion spéculative des motifs de crédibilité et de la pia molio qui défend toute appréhension contraire ; ce jugement est, par suite, obscur et très certain ; il ne se distingue pas substantiellement de l’assentiment surnaturel à l’existence de la révélation qui va suivre, n. 70 ; 4. assentiment surnaturel à l’existence île la révélation : il est surnaturel non ex objecto, sed ex modo tendendi in objectum ; 5. l’assentiment de la foi proprement dit. Ainsi, selon Ripalda, la crédibilité s’attache d’abord, non à l’objet de foi en lui-même, mais au fait de l’existence de la révélation. Cette position est curieuse, mais elle est dans la logique du système qui exige que l’autorité du témoignage ne soit pas évidente. Du reste, la distinction de la double efficacité physique et morale des arguments extrinsèques ne semble pas être toujours suivie de très près par Ripalda, car il fait disparaître la première un peu plus loin. Parlant de l’influence de ces arguments sur la connaissance de l’existence de la révélation : Hwe cognitio movetur propter illa, non quia judicatur adesse connexio xecessaria cum existentia revelalionis, sed quia sub Us signis relucet veritas revelalionis, luce sufficienti ut prudenlissimus quisque possit præslare et imperare assensum imperio voluntatis etiam supernaturali. Loc. cit., n. 73.

5° Doctrine erronée de Ripalda sur le manque d’évidence de crédibilité chez les ignorants. — La crédibilité, tant physique que morale, bien que visant directement le fait de la révélation, finit par concerner l’objet révélé lui-même. C’est ce que suppose la thèse de la dist. VI, sect. v, touchant l’évidence de la crédibilité des mystères. Leur crédibilité physique étant l’œuvre d’une persuasion surnaturelle, mais obscure, du fait de la révélation ne saurait être évidente. La crédibilité morale, au contraire, est évidente. Ripalda suit ici la doctrine commune des théologiens, n. 43 sq. Il s’en écarte à la section vi, où il s’agit des motifs de crédibilité des ignorants. II n’accepte pas qu’il y ait chez eux une évidence même pratique de la crédibilité, n. 59, et il s’exprime ainsi : Sunt aliqiti assensus fidei eo imperfecti et in/irmi qui non supponunt evidentiam credibililatis. Le motif invoqué est la faiblesse des raisons qui les persuadent, n. 60. Il va jusqu’à dire, n. 60, que l’assentiment de la foi divine peut être émis avec une simple probabilité de l’aptitude d’une assertion à servir d’objet à la foi divine, lui appliquant ainsi le principe du prohabilisme qui, selon lui, règle l’honnêteté des mœurs. Cette doctrine de Ripalda est sinon visée, du moins atteinte par la première partie de la 21’proposition notée par Innocent XI, comme le constate Viva, Damnatæ thèses, part. II, prop. 21 a, § 1, 3, p. 51. Si l’on objecte à Ripalda la crainte qui va envahir l’acte de foi des ignorants, il oppose une triple réponse : 1. Après Vimperium, et avant l’acte de foi, grâce au jugement surnaturel e.r modo tendendi in objectum par lequel nous