Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.2.djvu/508

Cette page n’a pas encore été corrigée
2283
228
CRÉDIBILITÉ
i

Fides innititur Deo dicenti seu revelanti sic ut nihil credat nisi ab eo revelatum, édit. léonine, n. 9 ; fides ea parte assensus a solo Deo dependet ut agente, objecto, fine et régula, ibid., n. 10 ; fidci actus conjungitur. .. creditis per hoc médium quia ]>cus dixit seu revelavit, ibid. ; divina revelatio, qua cetera creduntur, est crédita seipsa, ibid., n. Il ; non est possibile aliçwn in fide resoliitioncm quscrere, quare credis Deo revelanti, ibid., ce qui revient à ceci que nous fidèles, ulimur Deo ut revelalore articulorum fidei, ita quoi ! actus fidei inhsereat Deo ut revelanti articulos fidei. Ibid. Rien qui ressemble à la foi discursive dans cette doctrine. Le révélé, revelatum a Deo, dont parle saint Thomas, n’est pas pour Cajetan, la vérité autrefois révélée par Dieu, mais cette même vérité considérée sous le témoignage actuel et intime de Dieu, selon le mot de saint Jean : Qui crédit in Filium Dei, liabel testimonium Dei in se. I.loa., v, 10.

Par là, se trouvent totalement exclus du motif formel de l’assentiment de la foi divine, la foi humaine (Scol), la foi à l’Église organe du Saint-Esprit (Durand). L’Église est ministra objecti fidei, n. 19, ce qui n’est en soi qu’un rôle accidentel, car ni les anges, ni ceux auxquels Dieu s’est révélé directement n’en ont eu besoin, n. 12. A son tour, la crédibilité naturelle, rationnelle, n’est indispensable que comme condition extrinsèque de l’objet de foi. C’est ce que Cajetan explique magistralement dans une exposition d’ensemble qui sert de base à tous les commentaires thomistes postérieurs sur le célèbre passage de la IIa-IIæ, q. I, a. 4, ad 2 1 "", que nous allons brièvement passer en revue. La notion de crédibilité rationnelle y est précisée d’une manière qui ne laisse rien à désirer.

La crédibilité selon Cajetan.

Ce commentaire

contient trois parties : la première où est définie là crédibilité naturelle ; la seconde où est décrit son rôle spéculativo-pratique ; la troisième où il est question des suppléances.

1. Voir la crédibilité d’une chose, n’est pas, dit Cajetan, la voir dans sa vérité scientifique : si constat aliquid esse credibile, non constat propterea illud esse tferum, sed testimonia esse talia ut illud sit credibile. Qu’est-ce à dire ? Cajetan emprunte un exemple aux témoignages rendus en justice. Tous les témoins s’accordent et l’accusé lui-même convient de son crime : non habetur cerla evidentia quod ita sit, poSsunt enim omnes menliri : habetur tanien evidentia quod ita esse est credibile judicabileque absque alterius partis formidine, n. 2 ; in voluntate non in intelleclu, n. 3, $ 1. Mais que devient cette distinction dans le cas où l’on a la certitude absolue que le témoignage du témoin est vérace, certi tudinem ex veritate constante testis veri clare, §2 ? C’est le cas du témoignage divin reconnu de science certaine comme donné. La solution de Cajetan demeure identique : on a la certitude que les choses attestées, ut allestata, sunt vera, non qu’elles sont vraies absolument parlant. Stant enim hœc duo simul quod intelleclus sit cerlus ex evidentia signorum vcl Dei testantis quod Trinilas atlestala est vera Trinitas personarum, et simul credatur ; et tamen non videat Trinitatem secundian se esse, ac per hoc verum esse. Ibid. Cajetan se réfère ici à son commentaire sur la foi des anges, q. v, a. 1, qui savaient de science excluant toute foi, et que Dieu ne pouvait mentir, et que Dieu leur révélait ce mystère, par exemple, la Trinité. La réponse est invariable. Non SCIT Deum esse trinum et unum, quoniam /toc neque per propriam ralioneni divinie natures nec per effeclum scit. Sed scit Deum qui non potest mentiri, sibi hoc attestari. Quod est scire attestala a Deo esse credibilia… esse vera ut allestata ; quod est scire ea quse sunt fidei, secundum conimunem ralionem allestatorum a Deo, esse vera. Cajetan conclut : et hoc est quod indubie ex doclrina auctoris

tenendum est, n. 2. Il insiste sur ce point que l’on ne saurail assimiler cette connaissance de la crédibilité’à la connaissance de l’existence, an est, quia est, d’une chose dont on ignore l’essence, quid, proplet quià car la connaissance angélique se termine à l de la révélation, Deum revelantem ; et non ultra, cedebat, nisi ad ejus correlalivum scilicet, enun t ia / revelala. Ex hoc non videl/ol Deum esse trinum sed credebat, quia Deus ita dicebat sibi. Cajetan ne sort pas de cette distinction. C’est son réduit central ; par elle, il entend résoudre et résout mordicus toutes les difficultés qui naissent de l’évidence scientifique du témoignage divin. Les Banez, les Jean de Saint-Thomas, les Salmanticenses n’oseront pas maintenir sur toute la ligne l’absolu de cette position. C’est elle que nous avons cependant adoptée dans notre exposé dogmatique de la notion, voir col. 2203. car c’est certainement la doctrine impliquée dans les textes de saint Thomas. Cf. Salmanticenses, De fide, disp. III, n. 7, p. 189.

2. Ainsi définie, l’évidence de la crédibilité est-elle nécessaire à la foi ? Capréolus répondait : oui, à condition qu’on entende le mot videre dans un sens large. Cajetan repousse d’abord cette réponse. — Oui, disaient d’autres, mais cette vue de la crédibilité vient de la foi elle-même, comme saint Thomas le déclare, ad 3um. Lumen fidei facit videre ea quse creduntur, etc. Dans l’ad 3°"’, répond Cajelan, il s’agit d’un autre point de vue : pour le moment nous avons affaire à une vue de raison et non de foi, puisque saint Thomas déclare qu’elle est établie sur l’évidence des signes, c’est-à-dire des miracles. Rendons à son lieu et place la question des suppléances et parlons connaissance naturelle de la crédibilité. Solution : Vcrc ac virtuose credere exigit evidenliam quod illud sit credibile : iXullus audiens aliquid vere ac prudenter crédit illud nisi ail sensum cognoscat a viro fide digno illud asseri. Le but de l’évidence de la crédibilité est donc un but de prudence et de bonté morale. Et c’est pourquoi, dans l’évidence de la crédibilité, il peut régner une certaine relativité. Stal enim unum et idem dictum, ab une videri in ratione credibilis, et ab alio non : ex eo enim quod en tia isla non convertit credibili ex parte rei seniper, sed quand oque ex parte noslri, ideo variatur in diversis et exigit aliquam conditionem objecti relative ad nos. Ces paroles qui mettent la variabilité dans l’évidence même de la crédibilité sont à noter. On n"ose plus se servir de cette formule. Du reste, il est manifeste qu’en dépit de cette relativité, pour Cajetan, la certitude est assurée, cerla nolilia ; c’est du côté de ses motifs que, pour des raisons subjectives, l’évidence de la crédibilité varie. Il n’est pas de chrétien qui n’ait l’évidence de la crédibilité ainsi entendue, audientes a fide dignil mund’i scilicet conversionem ad Christum pauperem per pauperes piscalores, itliotas, inler tôt persecutiones, tormenta et mortes, et postmodum a tôt doctisstmis viris, cum vilx propriæ casligatione mundique Itujtts contemptu, approbala innunerisque miracutis firmata, n. 6.

L’évidence de la crédibilité, exigée pour la moralité de l’acte de foi, ne suffit pas d’ailleurs à faire croire. Témoin l’incrédulité des Juifs au tombeau de Lazare. Car la foi dépend d’un autre facteur, la bonne volonté. Cajelan, qui est probabilioriste, n’a pas fait de différence entre la gravité des motifs de crédibilité et celle des motifs prudentiels d’un acte de vertu ordinaire. Les probabilistes doivent au contraire insister sur ce point, surtout s’ils soutiennent la théorie de la foi discursive qui donne aux motifs de crédibilité’une influence spéciale sur la certitude de la foi. afin de se mettre en règle avec la proposition 21e condamnée par Innocent XI.

3. Les suppléances de la crédibilité.

Dans l’ad de l’article de saint Thomas que commente Cajetan, se rencontre ce texte : lumen fidei facit videre ea qux