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CRÉDIBILITÉ


Unix lorsqu’il s’.pii de croire pour la première fois, deviennent au contraire la loi unique du croyant dont la Vérité première éclaire habituellement l’intelligence. La lumière de la foi, en effet, si elle laisse à la pensée toute liberté de se reporter aux motifs de croire, exerce comme en arriére et en dessous de cette recherche une influence illuminatrice, d’ordre supérieur il divin, prête à corroborer ses résultats positifs. Fides habel inquisitioncm qnamdani eoruni per quse inducitur ad credendum pula quod sunt dicta a Deo et miraculis confirmata. Sum. theol., IIa-IIæ, q. ii, a. 1, ad l um. « La lumière de la foi fait voir ce que l’on croit. De même que par les autres habitudes, l’homme voit ce qui lui convient en vertu de cette habitude, ainsi par l’habitude de la foi l’esprit de l’homme est incliné à donner son assentiment à ce qui convient à la vraie foi et à elle seule. » lbid., q. i, a. 4, ad 3um ; cf. a. 5, ad l" m ; q. ii, a. 3, ad 2°" 1.

Il est clair que ces influences subjectives n’ont pas de valeur scientifique. Ce serait une erreur que de leur donner la portée d’un critère précis destiné à apprécier la crédibilité. Ces instincts surnaturels n’atteignent la crédibilité que dans son harmonie avec une foi secrète et déjà agissante, ut condilio fidei non ut objectum. Jean de Saint-Thomas, De fide, disp. II, n. 15, 16, 21. Ce sont des arguments individuels. Les apologistes catholiques qui systématisent abstraitement les preuves de la révélation devront n’accepter les motifs de crédibilité qui leur sont suggérés sous cette inlluence qu’après une sérieuse critique objective de leur valeur. La pratique contraire est une cause fréquente de caducité pour les arguments apologétiques, les incroyants n’y retrouvant pas ce que la foi des croyants leur avait fait voir, soit que le sens surnaturel leur fasse défaut, soit que l’apologiste se soit illusionné. Mais celui qui n’utilise les suppléances morales et surnaturelles de la crédibilité que dans le but de résoudre le problème de sa destinée individuelle peut légitimement s’en servir. Il est incapable ou il n’a pas le temps ou l’occasion d’étudier les preuves. Le problème humain par excellence ne laisse pas cependant de l’inquiéter. La prédication évangélique ient le trouver : la personne du prédicateur, sa sincérité, la sainteté de ses mœurs, son désintéressement, sa conviction, tout cela l’impressionne. Il n’en demanderait pas davantage, s’il s’agissait d’une autre affaire, pour engager sa créance. D’ailleurs l’Évangile parle à la droiture de son cœur ; seul il répond à la question qui l’angoisse ; seul il parle avec autorité et, pour ainsi dire, comme un spécialiste en cette matière ; ses solutions forment une morale qui le ravit ; il trouve dans ces réponses un je ne sais quoi qui répond aux instincts secrets dont une force Mystérieuse ébranle et agile sa conscience. C’en est fait : l’Évangile lui apparaît évidemment digne de foi. Il est prêt à croire.

Saint Thomas nous a laissé un texte remarquable sur l’évidence de crédibilité que peuvent engendrer les suppléances surnaturelles. Il la compare à l’évidence des premiers principes que nous ne raisonnons pas et dont cependant la certitude est absolue : ( Comme nous donnons notre assentiment aux principes par la lumière naturelle de l’entendement, ainsi le vertueux, par l’habitude de la vertu, juge avec rectitude de tout ce qui convieni à la vertu. Et c’est de celle manière que, par la lumière de la foi divinement concédée, l’homme donne son assentiment aux choses de la foi et la refuse à ce qui leur est contraire. Et donc, il n’y a pas de péril, ni de danger de damnation, pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, éclairés par la foi qui vient de Lui. »

F. Tolet, In Sum. theol., II" II*, q. i, a. 4, concl. 4 ; Bafiez,

ibid., q. i, a. 1, ad : ï, col. 50 ; Suarez, />< /" divina, disp. iv,

sect. v, n. 7-10 ; Ripalda, De ente sup., De flde div., disp. VI,

sect. iii, n. 28 ; De Lugo, De flde, disp. V, sec’, iii, n. 41-iT : viva, DamnattB thèses, prop. 21 d’Innocent XI Suppl.

in Scoti comment in Sent., 1. III, dÎBt XXV, q. n lateralis, n. 136-138 ; de Marinis, In Sum. theol., Il ll’.q i. ; <. 2. c. VIII, S Notanda eutU duo, p. 17 ; Patuzzi, Theol. tnor, tr. IV, De virt. theol., c. i, S 6, n. 15, p. 0 ; Ferré, De flde, q iv. % G, n. 41 ; Jean de Saint-Thomas, Cursus theol., de fide, q. i, disp. II, a. 3, n. Il sq., p. 49 ; Salmanticenses, Cursus theol., De fide, disp. I, dulj. v, S 6, n. 196 Bq. ; Lefranc de Pompignan, Controverse pacifique, dans Cursus theol. de Aligne, t. VI, col. 1079 ; Sylvius, In Sum. theol., IIII’, q. i, a. 4, qua ; r. Il ; Vacant, Études sur la const. Dei Filius, a. 114, t. ii, p. 136 ; Scheeben, La dogmatique, trad. franc., t. i, c. VI, § 2, n. 733, 802 ; M. Blondel, L’action, paît. V, c l, g 2 ; Chr. Pesch, Prselect. theol., De fide, sect. iii, prop. 10, n. 300, p. 116 ; Hurler, Compendium, t. I, n. 471, p. 406.

VIL Les motifs de crédibilité. — 1° Les motifs de crédibilité doivent être distingués des raisons de croire. — Les raisons de croire sont de deux sortes, selon qu’on entend par ce vocable le motif formel de l’assentiment même de la foi, qui est la Vérité première révélante, ou bien les motifs qui déterminent la volonté à élire et impérer l’acte de foi. Le principal de ces motifs de la volonté est d’ordre appétitif : c’est la vue de la bonté nécessitante de l’adhésion à un Dieu qui révèle des vérités salutaires, c’est le principe de la syndérèse dictant en conséquence l’obéissance à cette révélation, mais ce principe éclairé par la lumière divine pour pouvoir ainsi motiver, d’une manière connaturelle, l’élection surnaturelle de la foi dans laquelle se consomme le pius affectas. L’autre motif de croire est l’évidence de la crédibilité, laquelle peut être l’effet des motifs de crédibilité agissant sous l’influence de ces mêmes majeures de la syndérèse considérées comme principes de pure raison, mais peut provenir aussi de renforcements d’ordre moral ou de suppléances surnaturelles, selon l’axiome expliqué plus haut : lumen fidei facil videre ea quse creduntur ; son rôle est de donner une matière déterminée au premier motif. L’évidence de la crédibilité de la vérité de foi. jointe au consentement surnaturel à la dictée de raison surnaturalisée qui prescrit la foi. constitue la raison intégrale de l’acte de foi en tant que volontaire. Le motif de crédibilité n’est que l’un des moyens, le plus ordinaire, il est vrai, par lesquels s’obtient la vue de la crédibilité qui est l’un des éléments du jugement nécessitant de crédentilé.

2° Le motif de crédibilité, voir col. 2206, peut être considéré comme preuve ou comme motif. En tant que preuve, il n’est qu’une partie du motif de crédibilité. Sa valeur est purement spéculative. Son objet immédiat est l’établissement du fait du témoignage divin, dan-un prophète, dans Jésus-Christ, les apôtres ou l’Église. Comme motif, il constitue la mineure du syllogisme qui aboutit au jugement formulant l’évidence de la crédibilité, à savoir : tout ce que révèle le Dieu souverainement véridique est, autant que la raison humaine peut se prononcer, évidemment croyable de foi divine ; or, Dieu par tel prophète a révélé telle chose (preuve ; un miracle ou tout autre signe) ; donc telle chose est évidemment croyable de foi divine. Ce dernier jugement, jugement de crédibilité, étant pratique, est capable de motiver un consentement correspondant, l’acte de la foi naturelle, voir col. 2205-3206, n.60] et /-du tableau, et dès lors la preuve spéculative du l’ail de l’attestation divine, en tant qu’elle serl d’instrument à la majeure du syllogisme pour atteindre cette conclusion, est elle-même un motif, subordonné, mais indispensable, tle crédibilité’.

Ce que l’on appelle communément motif de crédibilité, les miracles, etc., ne représente donc qu’une partie de ce qui constitue le mot il de crédibilité dans sa raison de motif. Le motif de crédibilité, comme tel, doit sa vertu agissante à la majeure pratique île la syndérèse.