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CREDIBILITE


avec l’existence objective et de fait du miracle. Ce sont deux position 6 physiques contraires et qui s’excluent nécessairement.

Telle est la doctrine de saint Thomas sur la force probante du miracle en matière de doctrine : « Personne, dit-il, ne fait de véritables miracles contre la loi, car Dieu n’est pas le témoin de la fausseté. Quelqu’un, donc, qui prêcherait une fausse doctrine, ne pourrait faire de miracle. » lit Il Thés., c. il, lect. il. C’est sur elle qu’il fonde sa « démonstration de la divinité > du Christ. : < Il ne peut arriver, dit-il, qu’un homme qui annoncerait une fausse doctrine fasse de véritables miracles, qui ne peuvent être que l’effet de la puissance divine : car, ainsi, Dieu serait le témoin de la fausseté, ce qui est impossible. Puis, donc, que le Christ se disait Fils de Dieu et l’égal de Dieu, cette doctrine est prouvée par les miracles qu’il faisait ; et, dés lors, les miracles qu’il faisait prouvaient sa divinité, t tjuodlib., 11, a. 6, ad 4um ; Sum, theol., III", q. xliii, a. 4. Et c’est sans doute à cause de l’immédiat de cette conclusion que le saint docteur met sur le même rang la force probante du miracle à l’égard de la puissance divine et de la divine vérité : « Le miracle, dit-il, est une indication divine de la puissance et de la vérité divines. » Qusest. disp., De potentia, q. VI, a. 5. C’est une signature, c’est le sceau même de Dieu. Sum. theol., IIP, q. xliii, a. 1.

On pourrait objecter le texte : Yidentium enini unum et idem miraculum et audientium eamdem pr&dicationem quidam credunt et quidam non credunt, Sum. t/ieol., IIa-IIæ, q. vi, a. 1 ; mais, le contexte et les termes de ce passage témoignent manifestement que ce n’est pas une insuffisance de la preuve de la crédibilité qui est ici relevée, mais seulement l’incapacité de cette preuve, alors même qu’elle est suffisante, de produire l’assentiment de la foi sur naturelle elle-même.

Albert le Grand, In IV Sent., 1. III, dist. XXIV, a. 2, ad 4°" ; Suarez, De fide divina, disp. IV, sect. iii, iv ; Salmanticenses, De fide, disp. II, dub. ni, n. 59-81 ; Scheeben, Z.a dogm., t. i, c. vi, § 42, n. 748 sq., 755 ; Vacant, Études sur la const. Dei Filius, a. 99-103, t. ii, p. 40 sq.

2° Possibilité de la démonstration de la crédibilité du côté de l’aatedefoi. — Nous avons vu que l’aboutissant de la démonstration par le miracle nécessitait l’adhésion de l’esprit. Comment cette nécessité toute naturelle se concilie-t-elle avec la liberté naturelle et la transcendance surnaturelle de l’acte de foi ?

La réponse à cette question est donnée dans le passage de saint Thomas que nous avons cité. Le témoin du miracle, dit-il, serait convaincu que l’assertion du prophète est la parole même de Dieu qui ne ment point : hoc dici a Deo qui non mentitur. Il y aurait donc foi naturelle nécessitée et obligatoire, mais cette foi naturelle aurait pour objet non pas la vérité intrinsèque de l’assertion, mais l’évidence du fait de l’attestation divine et par suite l’évidence de la crédibilité, convinceretur hoc dici a Deo. Tant que la vérité qui ressortit au témoignage ne sera que la vérité qui ressortit au témoignage on ne pourra tirer rien de plus de sa force démonstrative ; son dernier mot est : crédibilité nécessairement déduite et évidente.

Il y a donc forcement de l’obscurité dans la proposition de la vérité révélée, quelle que soit l’évidence de sa crédibilité. La nécessité métaphysique de la véridicité du témoignage divin n’y peut rien changer : renforcer les motifs d’adhésion à la parole de Dieu, ce n’est que renforcer les droits de l’obscur à être accepté par notre esprit : ce n’est pas Péelaircir. Saint Thomas l’a dit : Convinceretur intelleclw videntis ut coqnosceret manifeste hoc dici a Deo qui non menti tur, tiret illud futurum quod preedicitur iu se evidens non esset.

D’où, conclut le saint docteur, la raison d’être de la

foi ne serait pas supprimée. En effet, certain par une preuve extérieure que telle formule de la foi est vraie, j’ai encore à adhérer à cet objet dans tout ce qu’il est intérieurement. Qu’est-il intérieurement’Je ne le sais pas, mais Dieu le sait. Il me faut donc me tonner, avec respect et obéissance intellectuelle, vers ce Dieu qui sait ce que j’ignore, et adhérer à ce que j’ignore parce que Dieu le sait. Les démons n’ont pas ce second mouvement qui part de la spontanéité libre, d’une volonté sous l’empire de l’amour surnaturalisé de la fin dernière et de la règle supérieure de ses pensées. Ils en restent à La foi naturelle et contrainte d’un objet incomplet. Le fidèle, au contraire, fût-il pécheur, a cette adhésion intégrale et libre qui l’incline à croire de foi divine, sous l’influence de l’amour du Bien. Sum. theol., IIa-IIæ, q. v, a. 2, réponse aux objections.

La démonstration rationnelle de la crédibilité n’est donc pas contradictoire à la liberté et au surnaturel de l’acte de foi, pourvu que l’on entende la crédibilité dans son sens théologique d’aptitude d’une assertion à être crue de foi divine. Même démontrée croyable, l’assertion révélée demeure obscure, et cette obscurité requiert nécessairement, pour être levée, une communication de la science de Dieu qui ne nous est pas donnée ici-bas. Mais la volonté droite et surnaturellernent aidée peut et doit incliner l’intelligence à adhérer à la révélation toute entourée d’obscurité que le Dieu véridique nous fait de sa science. Cette adhésion au mystère divin dans tout ce qu’il est en lui-même, à cause de la révélation divine, est la foi, sperandarum substanlia rerum, argumentum non apparentium.

S. Bonavenlure, In 7V Sent., 1. IV, dist. XXIV, a. 2. q. III, obj. 4, in corp., ad 4 - - ; Cajetan. In.Sum. theol., IV IV, q. v, a. 2 ; Banez, In Sum. theol., IV IV, q v. a. 1, 2- concl., col. 421 ; Suarez, De fide divina, disp. III, sect. viii, n. 3 ; Jean de Saint-Thomas, Cursus theol., De fide, q. i. disp. II, a. 2, n. 4 sq. ; a. 3, n. 10, p. 48 ; Boyvin, Theol. Scuti, De fide, q. ii, quæres 5 ; Salmanticenses, Cursus, De fide, disp. I, dub. V, S 6. n. 196. 197 ; disp. III, dub. i, n. 1-32 ; Siri, Vniversa thomistica theol., syntagma xi. q. ii, De fidei pugna cum evidentia, col. 505 ; Ferré, De virtutibus, tr. de fide. q. iv, § 3, p. 05 ; § 9 ; Gonet, Clypeus, De fide, disp. I, a. 7 ; Hurler, Theol. competidium, t. i, n. 477, p. 503 ; Schiffini, De virtutibus infusis, disp. II, sect. iv, th. xii, p. 124 ; Bainvel, La foi et l’acte de foi, spécialement

c. VII.

VI. Les suppléances subjectives de la preuve de la crédibilité. — C’est un principe incontestable que les arguments ordonnés à un but pratique impressionnent différemment notre intelligence selon les différentes dispositions où elles nous trouvent. L’intelligence, en effet, toutes les fois qu’il s’agit d’un but pratique, n’a pas à réaliser son égalisation propre à l’être des choses, mais elle doit bien plutôt apprécier et déterminer le rapport de convenance d’un objet à l’appétition du sujet. Or, avec les dispositions changeantes de l’être humain, ce rapport varie sans cesse. Talis itnusquisque est talis finis videtur ci, dit l’École, écho d’Aristote et de l’expérience universelle. Ce qui est le bien du vertueux, n’est pas le bien du criminel ; à un homme foncièrement honnête parleront toutes les délicatesses de l’honneur ; on n’en pourrait dire autant d’un aventurier. Aussi les dispositions des sujets ont leur retentissement dans les objets, elles les « teignent de leurs qualiti comme dit Montaigne, elles émigrent pour ainsi dire, en masse, dans les objets qui nous flattent, s’y installent, et deviennent autant d’amorces jetées à nosappétitions. S’il s’agit de vérité, quelle avance n’a pas sur tonte autre une proposition qui nous agrée ? Ainsi se renforce la puissance nue de la vérité de toutes les convenances de l’ordre du bien, qu’elle offre à nos besoins et à nos convoitises. Car l’esprit n’est pas isolé dans l’organisme humain ; c’est une de ses puissances, et, s’il a son objet propre qui est le rai, toutes les fois que Ci 1 vrai recouvre un bien, l’homme toul entier est