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CRÉATION


des uns, favoi des autres. De lionniot, Le

problème dit mal, in- 12, Paris, l. w s<s, I. VII, c. iv, p. 334 sq. Mais on objectera toujours, si l’on admet la science moyenne, que liicu pouvait, parmi les mondes possildes, n’appeler à l’être que celui où de fait tous feraient leur saint.

La solution dernière est donnée, semble-t-il, par saint Jean Damascène. « Si, quand ils allaient être appelés à l’existence de par la bonté de Dieu, le fait que de leur propre choix ils deviendraient pervers les avait empêchés d’être, c’est le mal qui l’emportait sur la bonté divine, xô xaxbv èvr/.a av tyjv to-j ©eoù àyjcôô-Tï |ra. s De fide ortli., 1. IV, c. xxi, P. G., t. XCiv, col. 1197 ; cf. Gtml.manich., n. 70, 72, ibid., col. I568sq., 1572. Et ceci est une conséquence fort juste de la nature de l’Être nécessaire : comme il répugne qu’il fasse rien dont il ne soit le principe et la fin, il répugne aussi que la malice de la créature l’empêche de poser un acte qui est toute bonté et toute gloire en tant qu’il procède de lui. Les comparaisons que l’on établit souvent entre le présent de la liberté fait par Dieu au damné et le don d’une arme dangereuse fait par un père à son fils peuvent frapper vivement l’imagination : elles pèchent toutes en établissant une parité inacceptable. Nous avons entre nous des devoirs de charité fondés précisément sur une égalité de nature ; Dieu qui domine toute nature par son infinité, s’il a le devoir de ne nuire à personne, a le devoir envers soi de ne pas s’abstenir de l’acte très bon et très glorieux de la création, parce qu’une volonté créée va se poser à rencontre de ses desseins : c’est au mal en ce cas qu’appartiendrait le dernier mot.

Saint Jean Damascène est moins bien inspiré, et va, semble-t-il, jusqu’à l’exagération, quand, appuyé sur cette vue néoplatonicienne et dionysienne que tout être est bon par cela même qu’il est participation de l’Être premier, il établit que Dieu est bon même en créant Lucifer, Cont. manich., n. 34, t. xciv, col. 1450, parce qu’il vaut mieux encore être en enfer que n’être pas du tout. Ibid., n. 36, col. 1544.

5° La création matérielle est subordonnée à l’homme.

— C’est une idée exprimée dès les premiers versets de la Genèse, i, 28, crescite… et dominamini… universis, et mise en cantique dans le Ps. viii, 7, 8, omnia subjecisti iub pedibus ejus. Cette théorie a excité les critiques de Celse, Origène, Cont. Cels., 1. IV, c. xxmxxx, lxxiv-lxxviii, xcix, P. G., t. xi, col. 1060 sq., 1144 sq., 1180, l’hilarité de Voltaire, Micromégas, c. vii, Œuvres, in-8°, Paris, 1823, t. xliii, p. 177. Elle défraie fréquemment la presse moderne.

Les arguments — nouveaux peut-être dans le Discours véritable —sont surtout l’immensité des astres, la perfection des instincts animaux, la dégradation de certains humains : le moyen après tout cela de croire à une telle importance de l’homme !

Leibniz de son côté désapprouve cette idée. Opéra, édit. Dutens, t. i, Adnot. in libr. de origine mali, n. 8, p. 443. Descartes la regardait comme peu vraisemblable, « encore que bonne et pieuse, » car trop de choses existent ou ont existé dont l’homme n’a aucune connaissance. « Cette doctrine anthropocentrique, dit M. Janet, paraît liée à la doctrine géocentrique… et doit disparaître avec elle. » Causes filiales, 1. II, c. v, p. 579.

On aura chance de comprendre mieux les racines historiques et philosophiques de cet enseignement, en se rendant compte qu’il contredit l’idolâtrie dans son principe. L’homme n’a pas à adorer les astres et les éléments, puisque les uns et les autres sont créés pour lui. C’est pour ce motif que ces idées sont inculquées dans te Pentateuque. Deut., iv, 29 ; Clément d’Alexandrie, Cohort. ad gent., c. iv, P. G., t. viii, col. 163. « Le soleil et la lune sont créés pour moi ; comment

donc adorerais-je mes serviteurs’.' Tatien, Orat. i </’"., n. i, P. G., t. vi, col. 813 ; S. Irénée, Cont. (I

I. Y, c. xxix. n. I. P. G., t. vil, col. 1201. Cf. // apost. pradicationi » , c. i sq., dans Texte und l’nlersuch. , 1907. t. xxxi, fasc. 1, p. 7 gq.

Si l’on ne considère pas le seul monde physique, mais l’ensemble des êtres, on peut dire que tout ce qui vaut à l’homme quelque utilité est fait pour lui. Ouelle que soit, en effet, la fin propre de ceux qui lui rendent service, anges ou hommes, puisque ce service est prévu et voulu de Dieu, chaque individu qui en profite peut dire que cela a été créé pour lui et doit rendre grâce de ces dispositions providentielles. C’est en ce sens que saint Paul a pu écrire, en parlant même des prédicateurs de l’Evangile : « Tout est à vous, Paul. Apollon, Céphas, le monde…, mais vous au Christ et le Christ à Dieu. » I Cor., xv, 21 sq. ; Cf. S. Thomas, in h. I., Paris, t. xx, p. 640. En ce sens, les scolastiques ont pu enseigner que tout ce qui exislait existait pour l’homme : la trinité et les anges au-dessus de lui, les hommes à ses côtés, le monde matériel au-dessous de lui, superiora ad perficiendum, sequalia ad convivendum, inferiora ad serviendum. Pierre Lombard. Sent., l. II. dist. I, n. 8, 9, P. L., t. cxcn. col. 654. On peut donc dire, sous ces réserves, que même des créatures ayant une fin individuelle et indépendante, quse habent participationem divinæ bonitatis absohttam, des « fins en soi » sont faites pour d’autres. Cf. S. Thomas. I » IV Sent., 1. II, dist. I, q. ii, a. 3, et les commentateurs des Sentences sur ce passage. L’homme n’est pas la fin dernière de toute créature, mais il tire profit de toutes.

Si l’on se borne à étudier la création matérielle, il demeure plus vrai encore que l’homme en est le centre et l’àme, s’il est l’intelligence qui prend connaissance de ses merveilles et en renvoie la gloire à Dieu. Par là, s’il sert au monde et lui fait atteindre sa fin, le monde lui sert, en lui donnant occasion de connaître Dieu et de l’aimer. Sans s’occuper de savoir si Dieu pouvait de jure se borner à la création matérielle, tous les Pères et les théologiens considèrent l’homme de facto comme le couronnement providentiel du monde sensible : tout est ordonné à lui, puisque sans lui tout manque son but ; la nature serait sans voix pour louer Dieu. S’il existe dans d’autres planètes d’autres animaux raisonnables, il en faudra dire autant à leur sujet.

A la suite de la Bible, Thilon enseigna cette royauté de l’homme. De op’if. mundi, 51. édit. Wendland. p. 42. n. 146. L’homme est créé le dernier, disent les Pères, précisément parce qu’il convenait, avant d’introduire le roi de cet univers, que tout fût préparé. Cf. S. Jean Chrysostome, In Gen., homil. viii, n. 2. 3. P. G., t. lui, col. 71. 72 : homil. x. n. 3, col. 85 ; Procope de Gaza, In Gen., P. G., t. lxxvii, col. 116 : Zacharie de Mitylène, De mundi opif’., P. (, ., t. lxxxv. col. 1124 ; Raban Maur, lu Ge <.. 1. I. c. vii, P. L., t. cvii, col. 160 ; Walafrid Strabon. In Gen., i, 26. P. L., t. cxiii, col. 80 ; Hugues de Saint-Victor. De sacrani., 1. I. part. II, c. I, P. L., t. clxxvi. col. 205.

Aux philosophes cet exposé prouvera peut-être que la théorie présente n’est nullement liée au système de Ptolémée, qu’elle gardera une valeur, non seulement religieuse, mais philosophique, en toute hypothèse scientifique.

Aux pamphlétaires matérialistes et rationalistes on fera remarquer aisément : que si les choses s’estiment au poids et à la masse, il n’est pas n >cessaire de recourir aux évaluations effrayantes île la science moderne pour humilier l’homme en lui montrant plus gros que lui ; qu’il y a dans l’impéritie d’un homme plus d’esprit et plus de dignité que dans l’instinct merveilleux des bêtes ; que les déchéances morales des individus arguent la liberté et doue l’excellence de l’espèce. Enfin, si l’on considère avec la philosophie spiritualiste la raison