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CRÉATION


Sun opinion est adoplée cependant par quelques-uns de ses disciples, par VEpitome, par le sententiaire de Saint-Florian, par Dgnibene, Gietl, Die Sentenzen Rolands, p. 54 sq.5 mais Roland se sépare nettement de lui, ramène les textes scripturaires invoqués à une exégèse plus saine et lui prouve qu’il est conduit à nier [’infinité de Dieu, puisqu’en lin de compte tout ce que Dieu fait étant Uni. l’oeuvre est la mesure de l’ouvrier, à moins qu’il ne puisse toujours faire plus et mieux qu’il ne fait. Gietl, ibid., p. 52 sq. Cf. Hugues de Saint-Victor, De sacram., 1. I, part. II, c. XXII, /’. L., t. CLXXVI, col. 214 ; disciple de Hugues, Summa, tr. I, c. xiii, xiv, ibid., col. 64 sq. Roland affirme que créer ou ne pas créer sont pour Dieu deux Liens égaux et en appelle avec saint Augustin, cité par la Glose ordinaire, In Rom., îx, 14, P. L., t. exiv, col. 301, au mystère insondable des décrets divins. Pierre Lombard, sans le nommer, attaque manifestement Abélard, quidam de sensu suo gloriantes, Sent., 1. I, dist. XLIII, XLIV, P. L., t. cxcii, col. 635, et la question ainsi posée par ce philosophe — Dieu peut-il plus, ou mieux, ou autre chose que ce qu’il fait — est désormais toujours résolue par l’aflirmative. Cf. Bandin, Sent., . I, dist. XLII, XLIII, P. L., t. cxcii, col. 1021 ; S. Thomas, ibid., dist. XLIII, q. Il ; Cont. génies, 1. II, c. xxm-xxx, etc. ; Scot, ibid., 1. I, dist. VIII, q. v ; S. Bonaventure, ibid., dist. XLIII, XLIV, Quaracchi, t. 1, p. 772. Nous présenterons plus loin les arguments principaux de ces docteurs.

D’accord sur le fond, ils se séparent cependant sur la question de savoir quelle perfection physique dans l’acte libre de Dieu constitue la formalité de liberté. S. Thomas, Hum. IheoL, I : l, q. xix, a. 10, note, Paris, 1871, t. 1, p. 154 sq. ; Salmanticenses, Cursus theolog., Paris, 1876, t. 11, tr. IV, disp. VII, p. 101 sq. Problème accessoire d’un intérêt fort restreint.

Sur la question principale, d’après Pluzanski, Essai sur la philosophie de D. Scot, in-8°, Paris, 1887, p. 197. on verrait Scot aller plus loin que les autres, montrer Dieu libre jusque dans la constitution des essences, et reprocher à saint Thomas de rechercher avec excès les raisons de convenance dans le plan de la providence : on en viendrait à croire que ce sont des motifs déterminants. Critique inexacte en somme ; en juger ainsi c’est perdre de vue les principes si souvent posés par le docteur angélique : la recherche de telles explications n’a d’autre but que d’aiguiser l’esprit et d’alimenter la piété, ad fidelium quidem exercilium et solatium. Conl.gent., .I, C : IX. Nul plus que lui d’ailleurs ne l’a aifirmé : la volonté de Dieu a toujours de sages raisons, jamais des causes

La thèse d’Abélard est reprise par J. Wiclef, cf. Thomas Waldensis, Doctrinale fidei, in-fol., Venise, 1757, t. 1, c. x sq., p. 71 ; par Luther, approuvant Wiclef. Tout arrive par nécessité, Assert, art., xxxvi ; par RI. Bucer, De concordia doctrinse, c. De lib. arbitrai ; enfin par J. Calvin, d’après Bellarmin, De gratia et Ubero arbitrio, 1. III, c. xv ; cf. De conlroversiis, in-fol., Ingolstadt, 154)3, t. 111, col. 694, qui paraît s’être mépris sur sa pensée. Cf. Calvin, hislilutionum christ, fidei, 1. IV, in-fol., Leyde, 1654, I. I, c. xvi, g 3, p. 60 ; Institution chrétienne. in-4°, Paris, 1888, p. 90 sq.

Jansénius nie également la liberté divine, promus periit, lioc ipso quoil semel immobili voluntate voluit. De gratia Christi, 1. VI, c. xi. Cf. Dechamp, De hseresi janseniana, in-fol., Paris, 1728, 1. III, disp. II. c. xv sq., p, 67 sq.

De nos jours, la liberté de la création est également niée, non seulement par les systèmes panthéistes et 1110nistes, qui le doivent faire logiquement, mais par plusieurs représentants de l’école spiritualiste. Cousin, Cours de philosophie, in-8°, Paris, 1828, v » leçon, p. 26, 27 ; Vacherot, Le nouveau spiritualisme, Paris, 1881,

p. 355. Tel est encore le cas de l’école bermésienne, cf. Kleutgen, La philosophie scolasliqtie, trad. Sierp, 1869, t. 11. ili-s. V, c. iv, p. 455-519 ; Denzinger, Enchiridion, n. 1509 ; tel le cas de Rosmini, ibid., n. I

cf. n. 522. A rencontre de ces thèses, M. Secrétan définit Dieu par la liberté : comme il est ce qu’il veut, il fait ce qu’il veut.

Preuves de raison.

1. Liberté d’exercice : le

inonde n’existe que si Dieu veut. Quelques preuves peuvent l’établir. — a) Le fait que tous les êtres possibles ne sont pas réalisés, puisque nous concevons comme possibles bien d’autres individus des espèces existantes, ou bien des modifications des types spécifiques existants, prouve qu’une nécessité aveugle n’a pas produit toutes choses : comment dans cette hypothèse expliquer ce choix ?— b) L’existence de la liberté dans l’homme amène naturellement à conclure que pareille qualité existe en Dieu : c’est une perfection ; comment n’existerait-elle pas dans celui qui est toute perfection ? Il est vrai qu’elle est en nous mêlée d’impuissance, de changement, mais il apparaît à la réllexion que ces défauts ne lui sont pas essentiels : indécision, versatilité, propension au mal viennent en effet de ce que la volonté est faible et finie ; la faculté de choisir procède au contraire de sa nature d’appétit rationnel ; elle peut donc subsister sans les défauts précédents dans l’être infini. C’est ce que la raison suivante peut mettre encore en lumière en montrant : c) Le fondement de la liberté. Dans la doctrine de saint Thomas, c’est la spiritualité de l’âme, son intel-Iectualité. Les corps matériels sont déterminés dans leurs actions par les affinités chimiques et par les lois physiques. Il en va autrement des substances spirituelles : les réactions vitales par lesquelles elles pondent aux excitations matérielles ou morales ne sont pas fatales ; c’est que, par de la le bien qui leur est actuellement proposé, elles peuvent concevoir un bien égal ou supérieur qui contrebalance pour elles l’attrait du précédent ; bien plus, toute substance spirituelle peut concevoir l’idée d’infini et par amour exclusif de ce bien parfait se refuser à tous les biens finis. Le fondement prochain de la liberté, c’est donc cette suffisance de l’âme spirituelle assez noble de sa nature pour ne se laisser charmer, si elle le veut, que par le seul infini. A ce même titre Dieu est libre : a. Son intellectualité souveraine, sa simplicité absolue fondent chez lui une connaissance et un amour plus parfaits du souverain bien et une estime plus juste de tout le reste : '>. l’infini qu’il trouve en soi, qu’il aime nécessairement d’un amour proportionné. S. Thomas, De potentia, q. iii, a. 15 ; Cont. gent., 1. I, c. lxxx, le rend capable de mépriser tout ce qui est fini : tout en un sens lui est égal, même l’univers entier, parce que toule chose finie est également méprisable à l’égard de l’infini, qu’il aime et qu’il possède ; il est donc libre pour tout en dehors de soi. S. Thomas. Sum. IheoL, I » , q. xix, a. 3. Une analyse de l’acte de volonté complétera celle preuve. Toute volition procède de l’amour d’un bien apparent ou réel dont on recherche la possession ; ce bien, c’est ou le terme dernier de l’effort, telle liii, ou la voie qui y conduit, tel moyen. Encore n’aime-t-on et ne veut-on pas le moyen pour lui-même, mais en vue de la fin et pour le service qu’il rend. Il faut donc, si le monde procède de Dieu nécessairement, qu’il soit pour lui une fin ou un moyen nécessaire. Mais la seule lin nécessaire de Dieu, c’est celle qui seule est proportionnée à sa puissance de connaître et d’aimer, c’est l’infini ; il s’aime donc et comme il trouve tout en lui, le monde ne lui est, ni comme moyen, ni comme tin. aucunement nécessaire : « il voit tous les êtres finis. comme des images réfléchies de sa bonté, non comme ses principes constituants, ejus principia ; partant il tend vers eux comme vers des objets convenables à sa