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CRÉATION


par tous ses poinls, sans (’-Ire pourtant (’tendue et quantitative connue elle. S. Thomas, Cont. gent., 1. II, c. XXXV, ad -> m. Quels sont exactement ces rapports mystérieux ? <>n pourra peut-être attendre qu’ils soient dieu éclaircis pour en tirer une objection péremptoire contre l’immutabilité divine.

Ainsi, si la création temporelle implique quelque changement de relation, une modification de ce genre n’entraîne aucune mutation dans l’être même de Dieu : cette réponse semble suffisante pour garantir l’immutabilité divine. Que si l’on voit quelque répugnance à ce que des relations de ce genre s’ajoutent à Dieu avec le temps, il sera bon de considérer que cette difficulté n’est qu’une des faces du problème de la coexistence du fini et de l’infini. C’est ici leur coexistence sous le rapport de la durée : éternité et temps. On ne saurait l’expliquer plus à fond qu’on n’explique leur coexistence sous le rapport de l’être même. La raison demande donc qu’on affirme la distinction des termes, qu’on ne peut onfondre — question de fait ; el qu’on use d’une réserve prudente quand il s’agit d’expliquer leurs rapports — question du comment.

i’Possibilité d’un changement. — Il semble à raisonner ainsi qu’on prouve trop. Si dans la cause première tout est éternellement identique, pourquoi l’effet ne se produit-il pas ab eeterno ? la raison suffisante posée, l’effet doit suivre. C’était encore une des objections d’Aristote, du néoplatonisme et de l’averroïsme. Or — 1. si elle était fondée, il faudrait conclure, remarquons-le, que la cause première ne saurait être une cause libre ; en d’autres termes, il lui serait refusé, de par sa souveraine perfection, d’avoir cette perfection des êtres inférieurs, la plus élevée pourtant en dignité, l’indépendance et la maîtrise de ses actes. Qui le croira ?

— 2. Puisque Dieu est sans changement interne la raison suffisante de tous les possibles, tous les possibles sans exception devraient aussi venir à l’existence ab se ter no. Il faudrait de même renouveler, à propos de l’espace et de la quantité, l’objection que l’on formule à propos du temps : toutes ces notions sont connexes. Puisque l’Infini, sans modification aucune, est la raison suffisante d’une création de masse indéfiniment plus considérable, pourquoi le monde ne procède-t-il pas indéfiniment plus gros ? La même réponse vaut pour toutes les questions semblables : parce qu’il a voulu telle mesure de temps ou de masse plutôt que telle autre. S. Thomas, De potentia, q. iii, a. 17. — 3. Et voici la dernière réponse dans la nature même de la volonté : pouvoir n’est pas agir dans les causes libres ; la volonté n’agit pas forcément dans la mesure adéquate de ce qu’elle peut, mais de ce qu’elle veut, non secundum modum suiesse, sed secundummodum suipropositi. Cont.genl., 1. 111, c. xxxv, n. 3. Au degré infini, on peut nier de la volonté tout ce qui est détermination et modification subjective, determinalio subjecti, mais il ne faut pas lui refuser la faculté de déterminer et de limiter l’objet qu’elle choisit, determinalio objecti, puisque c’est l’essence même du vouloir.

Dans toutes ces difficultés très réelles, il y a lieu de se délier des illusions de l’imagination et du sentiment : Dieu n’étant pas ce que nous sommes ne doit pas être jugé ou défini à noire mesure. Par ailleurs le désir de rendre raison de toules choses ne doit pas aller jusqu’à nous faire oublier la nature de l’acte libre, que l’on nie en fait, dès qu’on prétend donner sa formule mathématique.

Sur ce prcblème, voir Lessius, De perfectionibus moribusque divinis, in-fol., Lyon, 1651, 1. III, p. 14 sq. ; Fénelon, Traite de l’existence de Dieu, H" part., c.v, a. 3, Œuvres, in-4°, Paris, 1838, l. i, p. 1116 sq. ; Sunrez, Dis]). metaph., ûsp. XXX, sect. viii, ix, Paris, t. xxvi, p. 113-137.

v. LIBERTÉ DE Vacti CRÉATEUR. — C’est un dogme de foi articulé par le concile du Vatican dans les

termes les plus explicites, que I acte créateur est pleinement libre, liberrimo consilio. Denzingei dion, n. 1632, 1652. Voir plus loin. Cf. ibid., n. 316 428, 430. 503, 600, 1509, 1522. 17 :, :  !.

On peut distinguer une liberté d’exert ice, pouvoir de faire ou de ne faire pas, et une liberté- de spécifical pouvoir de faire une chose plutôt qu’une autre, ou de telle manière de préférence à telle autre : le terme de l’action est, du fait de la première, contingent dans son existence, puisqu’il pouvait n’être pas, du fait de la seconde, contingent dans sa manière d’être, puisqu’il pouvait être différent.

Xi l’Écriture, ni les Pères ne distinguent sous ces termes d’école les qualités de l’acte créateur ; ils revendiquent seulement sa liberté absolue. Nous invoquerons donc les preuves positives pour l’une et l’autre espèce de liberté à la fois ; nous prouverons à part l’une et l’autre par la raison.

Il est à peine besoin de noter que l’Église n’entend pas assimiler en tous points le libre arbitre de l’homme et celui de Dieu. 1° Elle affirme que tout ce qu’il y a de perfection dans la liberté humaine existe en Dieu et par conséquent : a) l’acte créateur n’a pas été imposé à Dieu par un agent extérieur, libertas a coactione ; b) il ne procède même pas d’un mouvement indélibéré de sa nature, libertas a nécessitait’. — 2 Elle nie cependant tout ce qui est imperfection dans le nôtre : hésitations avant le choix, versatilité après la décision prise, détermination de la faculté par une modification accidentelle correspondante à chaque volition.

L’Ecriture.

L’élection et le choix supposent la

faculté de se déterminer librement ; or l’Écriture montre Dieu délibérant ; ainsi, Gen., i, 26, Dieu se consulte sur la création de l’homme. Anthropomorphisme évident, mais très expressif de la liberté qu’on suppose à Dieu. — De même, dans l’usage ordinaire, le commandement suppose l’autorité, l’autorité implique pouvoir sur autrui et avant tout maîtrise de soi et pouvoir sur son acte. Par un symbolisme analogue au précédent, la Genèse montre Dieu ordonnant au chaos : liât lux…, fiai /irmarncutiim…, germinel herba…, producant aquse… — Enfin, la liberté divine, partout supposée dans le pouvoir souverain et rélléchi que l’Écriture reconnaît à Dieu sur toute son œuvre, Ësth., xiii, 9 ; Is., xl, xli ; II Mach., viii, 18, est expressément affirmée. Ps. cxiii, 3 (héb., t : xv. 3) ; Ps. cxxxiv, li (héb., cxxxv, 6) : notre Dieu est dans le ciel ; tout ce qu’il veut il le fait ; cf. Sap., xii, 18, et surtout dans le pouvoir discrétionnaire de vie et de mort : lu leur retires le souffle, ils expirent ; lu envoies ton soufile. ils sont créés. Ps. ciii, 21) (héb., civ). Si vous aviez haï une chose, vous ne l’auriez pas faite ; et quel être pourrait subsister, si vous ne le vouliez. Sap., xi, 21. 25.

Les Pères.

En fait, la liberté île l’acte créateur

présente une difficulté considérable, mais c’est une difficulté d’école : l’acuité de la réflexion philosophique ne fait que la rendre plus sentie, tandis que le bon sens vulgaire conclut à la liberté, comme naturellement, de la richesse souveraine et de l’indépendance absolue de l’être divin. La foi chrétienne n’en jugea pas autrement. La contradiction commence avec la spéculation gnostique et néoplatonicienne.

Dieu n’a pas besoin d’intermédiaires, proteste saint Irénée ; il a toujours présents le Fils et l’Esprit par qui librement et spontanément libère et sponte il a fait toutes choses, Cont. User., 1. IV, c. xx. n. 2. /’. (.’., t. vu. col. 1032 ; omnia fecit libère et quemadmodum voluit, 1. III, c. viii, n. 3, col. 868 ; selon son gré et librement, sua sententia et libère, parce qu’il est seul créateur, 1. II, c. I, n. I, col. 170 ; créant les hommes il les fait libres à son image, I. IV, c. xxxvill, n. 4, col. 1109.

Saint Ilippolyte est aussi explicite : il fait ce qu’il