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nature. Or la puissance créatrice semble infinie. En effet elle ne peut être limitée en nulle manière, ni par la résistance de l’objet — c’est le néant ; ni par l’impuissance du sujet — atteignant l’être en tant qu’être il pourrait produire tout être ; ni par une défense morale — elle pourrait rendre l’acte illicite non invalide. Il semble de plus qu’elle doive être nécessairement infinie pour faire franchir l’infinie distance du non-être à l’être. Scot et Mastrius nient cette infinité, la distance devant se mesurer, à leur avis, sur la grandeur et la perfection du terme produit. Mastrius, In IV Sent., 1. II, dist. I, q. i, a. 1, 2, Venise, in-fol., 1719, p. 1-12. Albert le Grand, saint Thomas, saint Bonaventure jugent au contraire qu’entre être et non-être, quels que soit la quantité et le degré de l’être, l’opposition étant contradictoire reste infinie. S. Bonaventure, In IV Sent., I. I, dist. XLIII, a. 1, q. i, ad 4um, Quaracchi, t. i, p. 767. En somme, si l’on se partage sur la preuve, on est d’accord sur la conclusion. Durand cependant tient pour indémontrable que Dieu ne puisse communiquer un tel pouvoir, au moins en le restreignant à certains objets. In IV Sent., 1. II, dist. I, p. I, a. 2, q. îv.

b) Une créalure peut-elle devenir cause instrumentale de la création ? Cause principale, si elle se suffit après collation de cette puissance, elle serait cause instrumentale seulement, si même alors elle avait besoin de voir sa vertu complétée par une assistance de Dieu : ainsi d’un outil, si parfait soit-il, qu’il faut encore manier. Nul ne fait difficulté d’admettre qu’une créalure ne puisse ainsi devenir instrument moral de la création, si par exemple — pure hypothèse — sa prière déterminait Dieu à créer des mondes nouveaux. Sur le point de savoir s’il est possible qu’elle soit, en participant physiquement à la production de l’être, instrument physique, Pierre Lombard tenait pour l’affirmative, Sent., 1. IV, dist. V, n. 3, P. L., t. cxcii, col. 852 ; 4es autres docteurs, en général, tiennent pour la négative. Quelle pourrait être en fait la part active d’un instrument, quand il s’agit de travailler sur le néant ? Ils se séparent pour déterminer si cette impossibilité peut se prouver par la raison, et c’est l’opinion de saint Thomas, Scot, Vasquez, ou par la seule révélation, c’est celle d’Ockam, de Grégoire de Valentia, de Suarez. Au surplus, la discussion du pour et du contre n’a d’autre inconvénient que d’être oiseuse.

Sur toute cette question, voir S. Thomas, In IV Sent-, 1. II, dist. I, q. I, a. 3 ; Sum. theol., ". q. xlv, a. 5 : Cont. gent., 1. II, c. XX, XXI ; De potentia, q. iii, a. 4 ; S. Bonaventure, In IV Sent., 1. II, dist. I, p. I, a. 2, q. n ; dist. VII, p. ii, a. 2, q. I ; Scot, In IV Sent., 1. II, dist.I, q. i : Suarez, Disp. met., disp. XX, sect. II.

2° La création œuvre commune des trois personnes.

— La présence en Dieu de trois personnes réellement distinctes, l’attribution de la création tantôt au Fils, tantôt au Père, donnent lieu de se demander le rôle respectif des personnes et de la nature divine dans l’acte créateur. Examinant ici la question de fait, nous traiterons plus loin la question de droit.

Il est de foi définie, quant au fait, que les trois personnes divines ne forment qu’un seul principe d’opération. C’est l’enseignement du symbole dit de saint Athanase, non très omnipotentes sed unus omnipotens, Denzinger, Enchiridion, n. 136 ; la définition du concile de Latran sous Martin I CI, unam eamdemque… viriulem, potentiam…, operationem… creatricem omnium, lbid., n. 202. Elle est exposée dans le concile de Tolède, inseparabiles in co quod sunt et in eo quod faciunt. lbid., n. 227, 231, 232. Le IV* concile de Latran la définit contre les albigeois, cosequales, coomnipotenteSfUnumuniversorum principivm. lbid., n. 355. Elle est encore consignée dans la profession de foi prescrite aux vaudois par Innocent III, ibid., n. 366, 367, et dans le décret d’Eugène IV pour les jacobites. Ibid., n. 598.

1. L’Écriture enseigne le fait au concret en attribuant indifféremment l’action créatrice tantôt au I

Ps. ci, 26 ; Luc, x, 21 ; Act., iv, 21 ; tantôt au Fils, Joa., I, 3 ; Heb., I, 2 ; I Cor., viii, 6 ; tantôt appliquant au Fils les textes qui exprimaient l’activité du Père. Ps. ci, 26 ; Heb., i, 13. Où les titres sont communs, l’action doit être commune. Quelques auteurs voient encore une attribution analogue à l’Fsprit-Saint dans Ps. XXXVI, 13 ; cm. 30 ; Job., xxvi, 13. Mais le mot spiritus dans ces passages ne désigne en rien la troisième personne. A défaut de textes précis, la raison d’analogie permet d’ailleurs d’étendre à celle-ci ce qui est dit des deux autres.

2. Les Pères.

Le premier des apologistes, Aristide, écrivait avec une précision remarquable. « Les chrétiens reconnaissent le Dieu créateur et démiurge de toutes choses dans son Fils unique et dans l’Esprit-Saint. » The apology of Aristides, dans Texts and Studies, in-12, Cambridge, 1893, t. i, fasc, 1, et P. G., t. xcvi, col. 1121. « Le Dieu de toutes choses, dit saint Irénée, n’a besoin de rien, mais par son Verbe et par son Esprit il fait toutes choses ; il dispose, il gouverne, il donne l’être à tout. Voilà celui qui a fait le monde, car le monde est l’œuvre de tous [les trois], etenim mundus ex omnibus. » Cont. hser., 1. I. c. xxii, n. 1, P. G., t. vii, col. 669. Le Verbe et l’Esprit-Saint sont les mains du Père : quasi ipse suas non haberet manus. Adest enim ei semper Verbum et Sapienlia, Filius et Spiritus Sanctus per quos et in quibus omnia libère et sponte fecit. lbid., 1. IV, c. xx. n. I. col. 1032 ; cꝟ. 1. IV, pra ?f., n. 4, c. xx, n. 3, 4, col. 975,

1033, 1034. Quant à la puissance, dit saint Hippolyte, Dieu est un, ocov u.èv y.aTa tt, v cJvajx’.v Et ; èdTt 0sôç. Adv. Noet., c. viii, P. G., t. x, col. 816 ; c. xiv. col. 821. Mais l’inégalité et même l’unité d’opération n’excluent pas toujours toute trace de subordinatianisme. Très non statu sed gradu…, nec sulistantia sed forma, nec potestate sed specie : unius auteni substantise, et unius status, et unius potestatis. Tertullien, Adv. Praxeam, c. ii, P. L., t. ii, col. 157.

Quelques expressions donneraient à entendre que le Verbe est un intermédiaire nécessaire pour la création, comme pour toute manifestation divine ad extra. S. Justin, Dial., 60, 127, 128. P. G., t. vi, col. 612. 772 sq. ; Athénagore, Légat., n. 10, ibid., col. 909.

Les controverses sur la nature du Fils et du Saint-Esprit devaient amener à élucider cette question, le sabellianisme en faisant des personnes des modes d’une même substance, voir Modalisme, l’arianisme en faisant du Fils l’inférieur du Père, voir Arianisme, Sibordi-NATIANISME. La foi de l’Église s’affirme dans cette formule des Pères grecs si souvent employée alors : le Père crée par le Fils dans le Saint-Esprit. S. Irénée, Cont. hser., 1. IV, c. xx, n. 1, i. 7 (-’., t. vu. col. 1032,

1034. C’est donc une opération indivisible.

Les définitions de Nicée viennent éclairer la doctrine présente : l’identité d’opération est une conséquence stricte de la consubstantialilé.

SaintBasile réfute longuement ceux qui s’appuyaient sur l’usage différent des particules èx, Sii, Èv pour établir une participation différente des personnes divines à l’œuvre de la création. De V’" ^anclo, c. il, n. t. P. G., t. xxxii. col. 73. L’apôtre, dit-il, n’a pas voulu par là distinguer les natures mais les personnes, lbid., c. v, n. 7, col. 80. L’emploi alternatif de ces mêmes particules pour chacune des personnes montre l’identité de nature et d’activité. Cf. S. Grégoire de S’ysse, Quod non sint très dii.P.G., t. xi.v, col. 125 sq. ; et surtout S. Cyrille d’Alexandrie, De TrinilaW, dial. vi. P. G., t. i.xxv, col. 1033. 1056 ; Procope de Gaza, lu Gen., ]’. G., t. lxxxvii, col. 77.

Mémo doctrine très explicite chez saint Ambroise, De fuie ad Grat., 1. I, c. I, n. 8 sq., P. L., t. xvi,