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CREATION

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considère que, dans l’usage, on appuie sur la prérogative qu’il signifie un pouvoir divin sans limite aucune : s’il n’était pas l’être unique, serait-il ainsi regardé , omme la source suffisante par elle-même de toute rnanifestation d’activité ; c) si le nom lui eût été donné seulement à titre excellent, on eût pris soin de noter ce qui distingue son être de l’être infime, mais inengendré lui aussi, de la matière ou du chaos : or, on ne le distingue que des fausses idoles ou du monde organisé et pour dire que tout n’est rien devant lui. Voir plus loin. Cf. Lahousse, De Deo créante, p. 9-15.

D’après Nestlé, Jahvé se rencontre 6000 fois dans la Bible, Élohim 2570 fois, El 226, etc. Lagrange, Eludes sur le* religions sémitiques, 2e édit., Paris, 1905, p. 71.

Les prophètes.

Comme le note Zschokke, Tlieologie cler Prnpheten des Alten Testamentes, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1877, p. 135 sq., l’enseignement prophétique semble partout se réclamer de Gen., i ; l’idée d’une existence nécessaire en dehors de Dieu, tout comme l’idée de hasard, sont absolument étrangères à l’Ancien Testament. Ibid., p. 138. Le même auteur groupe les textes des prophètes sous divers chefs de doctrine. Sans les reprendre tous ici dans l’ordre chronologique, il semble bon de signaler les plus importants.

En dénonçant les colères prochaines de Jahvé, Amos rappelle sa toute-puissance créatrice : il vient celui qui a formé les montagnes… et Jahvé Sebaoth est son nom, iv, 13 ; il a fait les Pléiades et Orion… Jahvé est son nom, V, 8 ; ix, 5-7. L’argument est fréquemment repris par les prophètes postérieurs.

Jérémie le présente avec plus de force : [C’est le Seigneur] qui a fait la terre dans sa puissance, qui prépare le globe dans sa sagesse, x, 12-17 ; le v. 11, écrit en chaldéen, semble interpolé. La même idée est répétée littéralement, li, 15-20. Le Dieu d’Israël n’est pas semblable aux idoles qu’on fabrique de bois ou d’or, « car celui qui a formé toutes choses c’est lui-même, et Jahvé Sebaoth est son nom, » x, 16. Parce qu’il a tout produit, il donne toute chose à qui il lui plaît, XXVII, 5, et la création garantit sa puissance : « Aucune chose ne vous sera difficile, Jahvé Sebaoth est votre nom, » xxxii, 17. Ainsi que le premier homme, Gen., il, 7, Israël est dans la main de Dieu, comme l’argile aux mains du potier, xviii, 1-7.

Ézéchiel, XXVIII, 13, se réfère aussi à la Genèse, mais la sainteté de Jahvé, plus que sa puissance, fait le fond de son enseignement.

Nulle part les prérogatives du créateur ne sont accentuées aussi nettement que dans ces chapitres que certains critiques attribuent au second Isaïe, xl-lvi. On remarquera que la comparaison du potier, xlv, 9, se retrouve et dans les chapitres précédents, xxix, 16, et dans la dernière partie, lxiv, 8, avec la même allusion probable à Gen., ii, 7. On lit de mêmexxxvii, 16 : « Jahvé Sebaoth… c’est vous qui avez formé le ciel et la terre, » et i.xyi, 1 : « toutes ces choses c’est ma main qui les a faites, et elles ont été faites toutes, dit Jahvé. » Entre les différentes parties du livre, s’il y a rédaction dillërente, il n’y a donc pas sur ce point divergence de vues ; mais l’argument est traité avec plus d’insistance, XLi. vi. Si l’on adopte la division en poèmes du P. Condamin, S. J., Le livre d’haïe, in-8°, Paris. 1905, que l’on voie par exemple dans le poème XL, 1-xi.i, 29 : Ne savez-vous pas… ne vous a-t-on pas dit dès le commencement, xi., 21, que Jahvé est un Dieu éternel, qui crée…, qui ne se fatigue ni ne se lasse, 28, pour qui les nations ne sont que vide et néant, 15, 17. Condamin, op. cit., p. 240-257. Voir aussi, dans le poème xi.ix. l-i.l, 16, les textes xi. ii, 5 ; LI, 13, ibid., p. 298, et surtout, p. 267286, le poème, xuv, 6-xi.vi, 13 : s La puissance souverainede Jahvé qui dirige le grand conquérant [Cyrus] est mise en contraste avec l’impuissance radicale des

divinités païennes. » Condamin, p. -M Oui, ainsi parle Jahvé, lui qui a crée-, N", les cieux. le Dieu qui a formé la terre, lui qui l’a faite et affermie. Il ne l’a pas créée en vain (hébreu : il ne l’a pas faite un înp, chaos, cf. Gen., i, 2), mais afin qu’elle fut habitée il l’a faite. C’est moi Jahvé et personne d’au lie. xlv, 18. Condamin, p. 277. On se persuadera difficilement que quelque chose, même le chaos, puisse échapper à la causalité divine, quand on lit. xi.v. 6. 7 : « C’est moi Jahvé et personne d’autre. Je forme la lumière et je crée, s - :, les ténèbres ; je fais la paix et je crée, s- ;, le malheur. C’est moi Jahvé qui fais tout cela. » Cette conception de Dieu auteur des ténèbres et du mal met un abîme entre les vues du prophète et toute doctrine dualiste. Zschokke, op. cit., p. 90, 137. Aussi Jahvé insiste-t-il sur ce fait qu’en dehors de lui, il n’v a rien : « Je suis le premier et le dernier, et hors de moi il n’v a point de Dieu, » xliv, 6 ; cꝟ. 8. 23..Moi je suis Jahvé qui fais toute chose ; je déploie les cieux moi tout seul, j’affermis la terre et qui est avec rnoi, » xi.v. 24. Dans le 5e poème : Dieu, qui est le premier et le dernier, a fait le ciel et la terre : « C’est moi qui les appelle et les voilà présents, » xi.viii. 12. 13. Dans le 9e poème : « Son nom est Jahvé Sebaoth…, il s’appelle le Dieu du monde entier » , uv. 5. Condamin. a/*, cit., p. 844.

A moins de demander à un poète d’exprimer toujours dans les termes abstraits de l’Ecole l’aspect négatif et l’aspect positif de tout sujet, on ne peut, ce semble, exiger déclarations plus claires. Smend, Lehrbuch der alltestamentl. Rciigiongeschiclile, 2e édit., in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1899, p. 318, 435. attribue une grande inlluence à Isaïe pour la diffusion de ces idées. Ce n’est pas qu’il ait innové, puisqu’il prétend, XL. 21. 28. s’appuyer sur la tradition, voir col. 2047 : mais il est vrai qu’il a mis en singulière évidence les prérogatives qui découlent du nom de Jalivé, l’amplitude du pouvoir créateur, et les conclusions immédiates de cette toute-puissance.

Les critiques qui admettent un second Isaïe le placent généralement vers le milieu du vie siècle.

Les Psaumes.

Il est vrai que les psaumes qui

ont la création pour motif exclusif, Ps. cm (Vulg.i ou principal, Ps. vin. xviii, xxxii iVulg.i. sont assez rares, Bousset, Die Religion des Judentums, in-. 1 -. Berlin, 1903, p. 295 ; mais le l’ail de la création est lïéquemment rappelé.

1. Opposition avec les cosmogonies païennes.

Ce qui frappe dans cette littérature, c’est son opposition avec les poèmes analogues des peuples voisins. De fait, c’est surtout Vopus ordinationis et omamenti, l’ordonnance et l’embellissement du monde qui est chanté, et cela se conçoit : c’est là que brille davantage la perfection divine, et c’est la création consommée qui intéi

le plus, sinon la spéculation du philosophe, du moins la foi des simples. Il est en tout cas bien singulier que nous n’ayons aucun poème sur la lutte du créateur avec le chaos, ou rien qui nous représente Dieu travaillant une matière originairement indépendante de lui. On ne saurait rien tirer en ce sens de l’expression : l’œuvre de vos mains. Ps. ci. 26 ; xviii. 2 : viii. i.

Ce que les psaumes exaltent en dépendance évidente de Œn., i, c’est la toute-puissance de la parole de Dieu. Ps. xxxii, 6, 9. Il a commandé et ils ont été ci N-z. Ps. cxi. vin. 5. Toute-puissance de sa volonté. Ps. cm ; cxiii, 3 (héb. cxv> ; cx.xxiv. 6. Avec dessein probable de s’opposer aux religions asti aies des peuples voisins. Dieu est célébré comme le créateur désastres. Ps. viii, t : xviii. 2 ; cxxxv. 5-10 ; xxxii. (i : ci. 26 : ciii, 19. Qu’il y ait ou non allusion à des mythes populaires, Léviathan devient. Ps. ciii, 26. un simple animal à qui Dieu n’a donné la puissance que peur se jouer de lui.

2. Intelligence des conséquences de la création. — Le fait de la création est l’argument que l’on invoque