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CRÉATION

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sauraient prouver < | u<- le mol n-- ne puisée signifier une creatio ex nihilo. Ils établissent seulement, comme Petau l’a noté, Theolog.dogmat., in-fol., Venise,

1745. t. iii, De o)nf. sexdierum, I. I, c. i, n. 8, p. 116, qu’il n’a pas ce sens par lui-même et de manière exclusive. Il est en effet employé 47 fois dans la Bible aux voix kal et niphal et pour des actions bien différentes : formation de l’homme, Gen., I, 27 ; v, 1, 2 ; Eccl., xii, 1 ; production de la terre, Gen., i, 21 ; ii, 3, 4 ; Is., xl, 28 ; production de la vie chez les animaux, Gen., i, 21 ; opération des miracles, Exod., xxxiv/lO ; Xum., xvi, 30. Il est remarquable en tous cas que le verbe N" désigne une intervention toute spéciale de la puissance divine : cela fonde quelque présomption en faveur d’une action créatrice.

Le mot n’ayant pas de lui-même ce sens de production ex nihilo, il reste à savoir s’il l’a, dans le cas présent, en vertu du contexte.

Parmi les exégètes, les uns regardent Gen., i, 1, comme un prologue : c’est le résumé de tout le chapitre Gen., i, 1-24 b ; d’autres y voient l’affirmation de la creatio prima, production préalable de la matière chaotique avant son ordination en un système cosmique harmonieux, creatio secanda. Les partisans de chaque opinion se divisent encore dans le détail. Cf. F. de Hummelauer, In Genesim, c. I, p. 49 sq.

On voit, en effet, que dans la première hypothèse (Gen., I, 1, résumé de Gen., i) >n= peut signifier : a) soit une création e.>' nihilo, creatio prima, et dans ce cas, Gen., I, 2, peut s’entendre ainsi : or la terre, comme Dieu créait, apparut d’abord informe et vide ; la narration commence au néant. Cf. Petau, loc.cit., 1. I, c. ii, n. 10, p. 121 ; Lagrange, Revue biblique, 1896, p. 380 sq. ; — b) soit une élaboration de la matière cosmique déjà existante, creatio secunda. Gen., I, 2, devrait s’entendre : la terre, quand Dieu la travailla, se présentait à lui, informe et vide. La narration commence au chaos. « La conception plus tardive d’une création ex nihilo est à regarder comme l’antithèse de cette doctrine que la matière préexistait indépendante de Dieu et s’opposait à lui. Peut-être l’auteur de Gen., I, connaissait-il cette doctrine, mais il ne jugeait pas qu’il y eut lieu pour lui de prendre position à son sujet. » Smend, Lehrbuch cler alttestam. Relia’wnsgeschichlc, 2e édit., in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1899, p. 438 ; Hol/.inger, Genesis erklùrt, Fribourg-en-Brisgau, 1898, p. 1 ; 11. Schultz, AUtestamentliche Théologie, 5e édit., Gœttingue, 1896, p. 450 ; Loisy, Les mythes babylo’iiiens et les premiers chapitres de la Genèse, Paris, 1901, p. 16. — Les partisans de la seconde opinion (Gen., I, création préalable ex nihilo) se divisent seulement sur le sens de Gen., I, 2. a) Pour les uns, qui ont surtout en vue l’accord avec les données scientifiques actuelles, Gen., i, 2, exposerait l'état dans lequel, après de longues périodes, l’univers serait retombé de manière à exiger l'œuvre réparatrice et ordonnatrice des six jours. C’est la théorie dite restilulionnistede l’anglais BucklaE J, Vindicise geologicx, Oxford, 1820 ; Reliquise diluvianse, Londres, 1823, proposée par lecard. Wiseman, Discours sur les rapports entre la science et la religion révélée, in-8", Paris, 1841, t. i, 5e édit., p. 221 sq. ; Kurtz, Bibel und Astronomie, Berlin, 1842 ; D r Michelis, Natur und Offenbarung, Munster, 1855, t. i. — b. Pour les autres, Gen., I, 2, décrit le monde dans le premier état où Dieu le produisit : le monde, quand Dieu créa, commença par être tel, que ce soit des l’abord ou après des révolutions plus ou moins longues. F. de Ilummelauer, loc. cit., p. 91. Il est facile à ces auteurs de réfuter l’exégèse un peu arbitraire des précédents. En ellet : a. le récit n’a aucune prétention scientifique ; il ne faut donc pas tout y chercher pour tout y mettre : b. certainmême diront que le lien entre lien.. I. I. et Gen., i. 2. ei l’emploi île "-. eral, el non facia est.

semblent plutôt exclure l’hypothèse de révolutions intermédiaires.

2. Critique île ces opinions.

Le débat peut donc se restreindre entre les trois autres explications proposées : a) Dieu d’abord créa toutes choses dont énumération suit, I, 2 sq. ; b) Dieu d’abord ordonna toutes choses dont énumération suit, i. 3 sq. ; < Dieu d’abord créa toutes choses, et comme elles étaient au premier stade informes et vides, i, 2, pour y mettre l’ordre et la vie. il dit, i, 3 sq.

Cette troisième hypothèse est évidemment très simple en soi. Elle établira le sens du mot s^2 parles mêmes raisons que la première. Quanta son interprétation de Gen., i, 2, elle se heurte à quelques difficultés : a. malgré l’importance de l'œuvre et le dessein du rédacteur de rattachera l’activité de Dieu et à son repos l’institution des jours ouvrables et du sabbat, elle met la production du monde en son premier état en dehors de l'œuvre des six jours ; b. elle a le tort de désigner par le même mot terre et ciel l'état chaotique du début et l'état parfait d’organisation. Si Dieu donne à la terre et au ciel leur nom à ce dernier moment seulement, i, 8, 10, c’est donc qu’ils ne le méritaientpasauparavant : l'écrivain pouvait employer ces mots pour résumer ce que Dieu allait faire, non pas pour désigner ce qui n'était pas encore ; c. le mot terre peut être employé. I, 2, sans prêter à égale critique : il est pris à défaut d’autres, corrigé par la description qui l’accompagne : la terre (ce que nous nommons terre aujourd’hui) était un désert et un vide, dit l’hébreu. — Ces objections toutefois ne paraissent pas décisives.

La seconde hypothèse a pour elle des raisons philologiques et historiques. En ellet : a. n-2 peut se ponctuer ntz, ce qui entraînerait la traduction, cum crearel

ou cum creasset, et si l’on adopte crearel, il faut lire : comme Dieu créait… or la terre était…, i, 2 : Dieu dit, i, 3…, de telle sorte que rien n’est affirmé en aucun sens sur l’origine des choses. De plus. Gen.. m. 46, et IV Esd., vi, i sq., présentent une construction de phrase analogue, qui semblerait de ce chef appartenir aux lois ordinaires de ces récits ; b. au point de vue historique, l’hypothèse a pour elle l’analogie avec les cosmogonies ethniques, qui conçoivent la création comme l’organisation d’une matière préexistante. Voir Hexæmeron. Elle s’appuie encore sur Gen., ti, 46-24. Ce chapitre en effet présente un second récit de la création différent du précédent non seulement par le nom qu’il attribue au créateur, Jahvé Éluhim au lieu de Élohim, mais par le caractère moins poétique, les détails plus anthropomorphiques de la de>cription et même des divergences appréciables dans l’ordre des faits. Zapletal. Le récit de la création dans la Genèse, trad. franc., in-8, Paris. 1901. p. 1-8. Or. si l’on attribue Gen.. n. ia.au récit précédent, ou si on le regarde comme interpolé, de Hummelauer. op. cit., p. 121, cette seconde cosmogonie suppose aussi une matière préexistante. On objecte cependant à ces raisons : a. que la possibilité de ponctuer n-2 ne prouve pas que de fait cette ponctuation soit la véritable, si d’autres raisons font préférer s- :  ; b. que IV Esd., VI, 1, ne peut

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cire invoqué en preuve, puisque nous n’avons pas le texte hébreu ; c. que lien., u. t b sq., n’ayant pas pour but de rapporter l’origine première du monde, mais celle de l’homme, n’est pas à proprement parler une cosmogonie. Zapletal, op. cit., p. 3. Quant aux rapprochements que l’on pourrait faire avec les mythes babyloniens et phéniciens — et il en est de bien outrés — îles différences plus grandes encore suffisent à condamner comme peu scientifique une assimilation absolue. Qu’il suffise de noter ici : a. que cette préexistence du chaos ne s’impose nullement dans la Genèse, tandis qu’elle est manifeste ians les mythes panthéistes ou dualis