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1887
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CORPS GLORIEUX

H

corps glorieux et qui constituent comme la substance de l’état transfiguré.

Seminatur in corruptione,

surget in incorruptione.

Seminatur in ignobilitate,

surget in gloria.

Seminatur in infirmitate,

surget in virtute.

Seminatur corpus ani male, surget corpus spiri taie (y. 42-44).

Le corps est semé" dans la

corruption, il ressuscitera dans

l’incoi-ruplion.

Il est semé dans l’ignominie,

il ressuscitera dans la gloire.

Il est semé dans la faiblesse,

il ressuscitera dans la force.

Il est semé corps animal, il

ressuscitera corps spirituel.

Seminatur, c’est l’image clirélienne qui représente la sépulture : le lidèle est mis en terre pour en sortir comme une plante d’éternelle vie. Cette image des semailles était chère au christianisme primitif ; aussi bien les chrétiens avaient-ils une peur très forte de ne pas être mis en terre et quand ils comparaissaient devant les persécuteurs, ils suppliaient Dieu de ne pas permettre qu’ils périssent dévorés par les bêtes, détruits par le feu, ou emportés par les flots, afin de pouvoir dormir dans la terre qui semblait leur promettre plus sûrement la résurrection. Cf. E. Le Blant, D’un argument des premiers siècles contre le dogme de la résurrection, dans la Revue de l’art chrétien, 1862 ; Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, art. Ad sanctos, 1. 1, col. 482. C’est donc un corps corruptible, tourmenté par la maladie, décomposé par la mort, qui est déposé dans la terre, et il en sortira incorruptible, c’est-à-dire avec toutes les qualités qui empêchent la corruption : celle-ci cause la douleur, le corps glorieux sera intact et suave et c’est à cause de cette impassibilité que l’auteur de l’Apocalypse a dit des élus qu’ils seraient si heureux qu’ils ne sentiraient plus ni la faim, ni la soif, ni les intempéries des saisons. Non esurient, ne que sitient amplius, nec cadet super illos sol neque ullus sestus. Apoc, vil, 16. Cf. Is., xlix, 10.

La corruption engendre dans la vie corporelle de ce monde toutes sortes de laideurs et de misères, de difformités et de disgrâces, seminatur in ignobilitate ; l’autre vie fera disparaître tout cela, à la disgrâce succédera la beauté, à la laideur, la gloire et l’éclat. Ce sera la splendeur de l’ordre, c’est-à-dire un éclat indicible auréolant et illuminant un corps harmonieusement constitué où les parties possèdent un équilibre parfait et un rayonnement sans défaillance. Les interprètes de la tradition théologique ont rapproché de ce texte la parole de Notre-Seigneur : Justi fulgebunt sicut sol in regno Palris eorum, Matth., xiii, 43 ; cf. Sap., iii, 7 ; Dan., XII, 3, et y ont vu la seconde propriété des corps glorieux : la clarté.

La corruption n’engendre pas seulement la souffrance et la difformité, elle paralyse les forces actives de l’homme dont les membres sont lourds et lenls, dont les énergies s’épuisent et se fatiguent vite, dont les sens s’émoussent, il s’ensuit une pesanteur qui a besoin de chercher dans le sommeil un renouvellement de force. Dans l’organisme ressuscité les membres garderont toujours une entière souplesse, les forces ne s’useront plus, les sens conserveront leur pénétration et leur vigueur. La tradition a traduit cela d’un mot : Yagilité, c’est-à-dire le jeu parfait, doux et puissant, sûr et constant des forces de l’organisme ressuscité.

6° Ces trois qualités d’impassibilité, de clarté, d’agilité ont leur source dans la transformation profonde et merveilleuse qui s’est faite par la glorification du corps et qui est exprimée par les paroles de saint Paul. qui résument et expliquent cette théorie. En somme, dit l’apôtre, vous mettez en terre un corps animal, Dieu en tire un corps spirituel. Qu’est-ce à dire et qu’est-ce que cette animalité que l’homme possédait avant la mort et qu’il perd ? Qu’est-ce que cette spiritualité donnée à la matière ? N’y a-t-il pas une contradiction ou au moins une antinomie dans ce corps spi rituel ? N’est-il pas de l’essence du « spirituel » d’être « incorporel » ? Saint Augustin nous aidera à résoudre ce redoutable problème. Pour lui l’animalité, c’est cette condition des corps qui les oblige à se nourrir, à élaborer leur nourriture, à se l’assimiler, à en rejeter les déchets ; c’est, en un mot, l’alimentation et toutes les activités physiologiques qui la préparent, l’accompagnent ou en résultent. La spiritualité étant ici opposée à l’animalité, le corps spirituel sera le corps qui. tout en gardant sa matérialité, cependant n’use plus aucune parcelle de sa substance, ne détruit plus la moindre de ses forces, ne dépense plus la moindre énergie. C’est une substance qui agit sans rien dépenser, comme l’âme ; c’est une activité qui produit sans rien user. Dès lors le travail réparateur devient sans objet et disparait. Erunt sicut angeli. De même que la race se conserve sans perdre plus jamais aucun de ses membres et n’a plus besoin de la procréation qui remplirait les vides faits par la mort dans ses rangs, non nubent neque nubentur ; pareillement, semblables à des esprits, ils ont une activité sans défaillance et une vie sans restauration alimentaire, c’est la fin de la physiologie de ce monde et la naissance d’une physiologie nouvelle et céleste. Cf. S.Augustin, De Gcnesi ad litteram, I. XII, c. vii, 7, P. L., t. xxxiv, col. 459 ; Enckiridion, 91, P. L., t. xl, col. 274 ; De civitate Dei, 1. XIII, c. xx, P. L., t. xli, col. 393. A cet état de spiritualité, il faut joindre la subtilité que des auteurs ont voulu voir dans notre texte et qui certainement est un privilège nécessaire de la spiritualité. Notre-Seigneur en faisait preuve quand il arrivait soudain auprès des apôtres renfermés et pénétrait auprès d’eux, januis clausis. Joa., xx, 26. 7° Mais l’apôtre sent bien la difficulté de faire accepter sa théorie du corps spirituel, et il y revient pour établir que la transformation du corps animal en un corps spirituel est premièrement possible et ensuite nécessaire. « S’il y a un corps animal il y a aussi un corps spirituel. Si est corpus animale est et spirituale, . 14. La possibilité du corps animal entraîne celle du corps spirituel et l’un n’est pas plus possible ou impossible que l’autre. Le corps par lui-même est indillérent à être animal, ^uyiy.bv, ou spirituel, irvE’j|i.zT(KÔ’v : il est animal quand il est informé par l’âme, ’lv/j t, et spirituel quand il est informé par l’esprit, tt/e-ju-jc. L’âme, la iVj’/v), c’est l’âme végétative, qui est principe vital, qui donne la sensation, le mouvement et la vie matérielle. Si cette âme est intellectuelle et sainte, si elle est ouverte au monde de la pensée et possédée par la vie surnaturelle, elle est tiveûu.(x. « Comme il a été écrit, le premier homme Adam a été fait avec une âme vivante. Sicut script um est, factus est primas homo Adam in animant vivenlem, » ꝟ. 45. Le premier homme avait donc une âme pour principe vital, non une âme purement animale, il avait même été créé avec le-vsôu.a et muni de tous les dons surnaturels. Mais les ayant perdus par le péché et ne les transmettant pas à ses descendants, son âme déchue de la dignité de Ttv£0u.a, est devenue une simple l-jyj l. « Le dernier Adam a été fait avec un esprit vivifîcateur. Novissimus Adam in s/iritutn vivificanteni. » Descendu du ciel, conçu par l’opération du Saint-Esprit dans le sein virginal de Marie, le second Adam Xolre-Seigneur Jésus-Christ est né avec un esprit, jrveOiia, vivificateur : esprit tellement saint et surnaturel qu’il était en possession de toutes les grâces, de tous les dons, qu’il jouissait de la vue immédiate de Dieu et que, s’il n’y avait mis obstacle, la vie glorieuse de son esprit aurait rayonné sur son corps dont elle aurait fait dès l’origine un corps glorieux, un corps informé d’esprit, 7rvevuotTixbv, un corps spirituel. Noire-Seigneur, de droit, devait posséder un corps spirituel, de fait et par le dessein de sa miséricorde, il eut, sauf au Thabor et après la résurrection, un corps comme le nôtre, un corps animal, ^vjjuov.