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COOPÉRATION


particulière qui doit s’apprécier suivant les principes généraux do moralité. — a) La coopération simplement illicite est toujours une violation de la charité, en ce qu’elle enfreint le précepte qui oblige, sauf inconvénient trop grave, d’empêcher la faute du prochain ou de n’y point concourir même matériellement. Souvent aussi elle viole la charité d’une manière spéciale par le péché concomitant de scandale, dont la gravité dépend principalement de la nature et de l’étendue du mal spirituel causé à quelques individus ou à un très grand nombre. — b) La coopération illicite est-elle toujours aussi une faute contre la vertu particulière violée p :  ; r le prochain ? — a. Il y a certainement péché affectif interne contre cette vertu particulière toutes les fois que la volonté du coopérant se délecte dans la circonstance particulière de la coopération à telle faute du prochain. Lehmkuhl, op. cit., t. I, n. 245. — b. Quant à la faute effective externe contre cette vertu particulière, elle existe seulement dans le cas où le coopérant est vraiment cause coupable, au moins partielle, du mal accompli par le prochain. Ce qui est réellement le péché de scandale, que nous ne supposons point dans la coopération proprement dite, bien qu’il puisse l’accompagner accidentellement. D’ailleurs on démontrera à l’article Scandale que si ce péché entraîne, outre la violation de la charité, une faute spécifique contre la vertu particulière enfreinte par le scandalisé, c’est seulement dans le cas où le scandale est effectivement produit par une vraie causalité mauvaise. Waffelært, Dissertation sur la coopération au mal et l’espèce morale du scandale, p. 81 sq. — c) Dans la coopération illicite comme dans la coopération strictement injuste, d’autres malices spécifiques peuvent assez souvent se rencontrer, particulièrement la désobéissance à des lois spéciales portées par l’Eglise avec ou sans pénalité et la violation de la vertu de foi quand on se place sciemment dans un grave danger de la perdre.

II. LICÉITÉ DE LA COOPÉRATION MATÉRIELLE MOYEN-NANT CERTAINES CONDITIONS DÉTERMINÉES. — 1° Les

cas où la coopération matérielle peut être permise, ainsi que les conditions, exigées par le droit naturel ou le droit ecclésiastique, découlent des principes précédents. — i. Le droit naturel exige deux conditions : a) La participation, de quelque manière qu’elle s’exerce, doit n’être point intrinsèquement mauvaise et rester purement matérielle. L’absence de tout caractère intrinsèquement mauvais doit s’apprécier suivant les principes déjà énoncés. Le fait d’une coopération purement matérielle résulte à la fois de cette absence de malice intrinsèque et de la volonté positive de ne s’associer aucunement à l’acte mauvais du prochain. Cette volonté est suffisante dès lors qu’on veut uniquement l’effet bon et que l’on a une grave raison d’agir. — b) Le droit naturel exige encore le concours de raisons ou d’inconvénients graves suspendant momentanément le devoir de charité d’empêcher ou de ne point permettre la faute du prochain. Raisons qui doivent être d’autant plus graves que le mal à craindre est plus considérable, ou que la coopération est plus immédiate et plus nécessaire. Ces raisons seront particulièrement étudiées pour chaque espèce de coopération, aux articles spéciaux. Nous observerons seulement que, parmi ces raisons, celle de procurer un bien commun souverainement important à la société. en maintenant aux charges et fonctions publiques des hommes favorables à la cause catholique, tient la première place. Elle peut avoir de nombreuses applications dans nos sociétés actuelles. Mais pour éviter de multiples inconvénients, ces applications doivent toujours être soumises à l’appréciation de l’autorité ecclésiastique, guide autorisé de toutes les consciences.

2. Le droit ecclésiastique impose parfois des condi tions spéciales, fondées sur le droit naturel ou le dépassant entièrement, et pour lesquelles l’autorité ecclésiastique a seule le droit d’interprétation ou de dispense. Nous rappellerons comme exemple les instructions données par le saint-siège pour la ratification et la célébration des mariages mixtes, l’assistance purement matérielle à quelques cérémonies du culte protestant ou schismatique dans des cas de vraie nécessité sociale, et la fréquentation d’écoles purement neutres, reconnue moralement nécessaire par l’autorité ecclésiastique. Sur ces points et sur d’autres semblables l’Église peut, quand elle le juge nécessaire, concéder bénévolement quelque tolérance dont elle fixe elle-même les limites et les conditions. Toutes ces règles ou tolérances ecclésiastiques seront exposées ultérieurement à leurs places respectives.

2 » Dans l’application de ces principes de droit naturel ou ecclésiastique, l’on doit toujours se rappeler qu’une même coopération peut, avec un changement de quelques circonstances, être tantôt permise, tantôt interdite pour les raisons et avec les réserves que nous avons déjà signalées. L’on devra donc soigneusement étudier ces diverses circonstances à la lumière des directions ou des instructions du saint-siège et de l’enseignement des théologiens autorisés.

3° Dans le cas de doute sérieux et persévérant sur la licéité morale d’une coopération, on doit habituellement, même quand la vertu de justice est hors de cause, consulter l’autorité ecclésiastique à qui il appartient de donner la direction nécessaire, surtout quand il s’agit d’actes intéressant gravement le bien de la société. Cette consultation est d’autant plus nécessaire qu’elle est le meilleur moyen de procurer l’uniformité d’action parmi les catholiques et d’arrêter ou de prévenir le scandale. Les recueils de décisions des Congrégations romaines contiennent beaucoup de réponses à des consultations de ce genre. Observons toutefois que dans ces réponses le saint-siège ne donne point toujours une décision doctrinale absolue. Assez souvent il se contente de tracer pour le cas particulier une règle de conduite qui suffit à écarter toute incertitude pratique. Parfois même, c’est une décision, une concession ou une tolérance que l’on ne peut sans autorisation spéciale étendre à d’autres cas. Telles sont particulièrement plusieurs réponses relatives à quelques coopérations à l’application de la loi civile du divorce en France, Saint-Office, 26 juillet -1887 ; Pénitencerie, 23 septembre 1887 et 4 juin 18 et la réponse du Saint-Office, 26 mars -1895. autorisant les catholiques anglais, moyennant certaines conditions déterminées, à suivre les cours des universités d’Oxford et de Cambridge.

4° Quand le pénitent ignore en toute bonne foi l’illicéité d’une coopération déjà effectuée, le confesseur devra appliquer les principes généraux qui règlent cette situation de conscience. C’est donc pour lui un devoir de justice d’avertir et d’instruire les pénitents qui l’interrogent sur ce point. C’est aussi un devoir de charité d’avertir ou d’instruire, quand la malice de la coopération n’est point communément ignorée ou l’est seulement pour un temps bien court, ou quand de l’omission de ce devoir résulterait pour la société un grave scandale ou un réel danger d’oblitération complète de quelque obligation morale. Cependant cette obligation de charité, toute considérable qu’elle est, peut être momentanément suspendue, quand son accomplissement causeraitde graves inconvénients, surtout si le bien commun de la société peut être plus efficacement procuré ou sauvegardé par d’autres moyens. Lehmkuhl. Tlwologia moralis, t. ii, n. 444 ; Berardi, Praxis confessariorum, 3e édit., Fænza, 1899, t. iv, n. 340. Suivant ces principes, dans la plupart des milieux actuels, le confesseur peut n’être point tenu en charité 1 d’avertir ou d’instruire 1rs pénitents qui, en remplissant mal leurs devoirs d’élec-