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CONTROVERSE


lui est opposée, et qu’il ne commette dans la discussion même toutes sortes de péchés, dont on lui aura fourni l’occasion sans excuse. Notant viri graves quod, licel disputalio sit sine ulla spe fructus, non erit peccatum mortale, sed reniait :, tanquam actus oliosus. Quod intelligendum est per se loquendo. Nani ralione nocumenti polerit esse peccatum grave ; et communiler saltem Itoc nocumentum timeripotest, quod hærelicus disputans, et fil durior ipsa conlradiclione, et præterea in ipsa dispulatione mulla peccala committit, quse alias non faceret : et vilanda esset eorum occasio, quando alias aclio inutilis est. Suarez, ibid.

c) De la part des assistants. — De toute évidence, ce titre ne concerne pas la conférence privée occulte, où une seule personne entre en discussion avec une autre, sans témoin. Mais elle regarde toutes celles, publiques ou privées, où se trouve une assistance quelconque, si réduite qu’on la suppose. A cet égard saint Thomas distingue justement deux sortes d’assistances : celles qui sont instruites, et celles qui ne le sont pas.

a. Devant des personnes instruites, affermies dans la foi, les conférences publiques, dit saint Thomas, ne présentent moralement aucun danger : Coram sapientibus in fide firnris nullum periculum est dispulare de fide. Sum. l/ieol., IIa-IIæ , q. x, a. 7. On peut donc dire, d’une manière générale, qu’elles sont alors permises, puisqu’elles ne présentent par elles-mêmes aux assistants aucune occasion d’erreur dans la foi. Si cependant ces personnes instruites cherchent ou saisissent dans une conférence quelque occasion de pécher contre la vérité ou contre la foi, c’est à elles-mêmes et non au conlroversiste qu’en remontera la responsabilité. Quando sunt prioris condilionis (doclse), moraliter nihil est periculi, et ideo regulariter ac per se loquendo licila est talis dispulatio ex parle audientiurn, quia non dalnr Mis occasio errandi. Quod si ipsi forlasse illam sumpserint, eis, non dispulanli imputabitur. Suarez, op. cit., n. 14, p. 498. Par personnes instruites, il faut entendre ici, non pas seulement celles qui ont une formation intellectuelle et scientifique achevée. L’expression désigne toutes personnes qui peuvent suivre et comprendre les vérités mises en question, et qui étudient encore quelque peu. Cela suffit pour que l’assistance à la discussion contradictoire ne crée pas un péril pour leur intelligence ou pour leur foi. Docti hoc loco vocantur, non solum perfecte lilterali, sed omnes qui capaces sunt talis doctrinse, et Mi aliquo modo student, quia hoc salis est ut ex audilione dispulalionis Mis periculum non creetur. Suarez, ibid.

b. Quand il s’agit du vulgaire, des personnes simples et non instruites, il y a lieu de distinguer encore une double situation.

a. Tant qu’un peuple vit tranquille dans la simplicité de sa foi ; tant qu’il n’est pas travaillé par l’influence et le prosélytisme des hérétiques, et qu’il demeure éloigné de toutes hésitations et de tout doute, il faut bien se garder d’instituer devant lui, sous n’importe quel prétexte, des controverses religieuses avec des hérétiques ou des infidèles. C’est l’avis formel de saint Thomas. Aut omnino non sunt sollicilali super lioc (/idem), sicut in terris, in quibus non sunt infidèles… In casu perieulosum est publiée dispulare de fide coram simplicibus : quorum (ides est firmior, quia nihil diversum audietunt ab eo quod credunt. Et ideo non expedit eis ut verba infidelium audianl disputantium contra fidem. Ibid. Ces fidèles simples et non instruits, si l’on discute contradictoirement, devant eux et dans leur langue, les vérités de la foi, apercevront sans peine les difficultés qui se trouvent au fond de tous les mystères. Comme ils ont moins de facilité pour concevoir le mystère lui-même et ses fondements surnaturels, il arrivera qu’ils seront portés vers l’erreur ; du moins trouveront-ils que telle ou telle vérité est vraiment douteuse et justement dis cutée. In sua simpliri fide quicti sunl, et ab hæreticis non sollicitantur, et lune nullo modi im eis de

fide dispulare cum liœrelico, prxserlim in ea lingua quant intelligunl, quia sine causa in periculo constiluuntur. Nam… facile percipiunt difficullates mystcriorum fidei, ipsa autem mysleria et rationes eorum vix possunt distincte conciperc ; unde vcl in errorem inducentur, vel saltem concipient rem illam esse dubilabilem et jure controversam. Suarez, ibid.

p. Si un peuple se trouve remué par l’action des hérétiques, qui cherchent à troubler ou à corrompre sa religion ; s’il est à craindre que ce peuple n’abandonne la foi, ou du moins qu’il ne soit ébranlé, qu’il ne devienne inquiet ou hésitant dans ses croyances, alors il pourra être permis de recourir aux discussions publiques avec les adversaires. Aut sunt sollicilali, dit saint Thomas, sive pulsali ab infidelibus, puta Judseis, vcl Iisereticis, sive paganis, nilenlibus corrumpere in eis fidem… In primo casu necessarium est publiée dispulare de fide, dummodo invenientur aliqui ad hoc sufficienles et idonei, qui errores confutare possint. Per hoc enim simplices in fide firmabuntur, et lolletur infidelibus decipiendi facilitas. Ibid. Suarez tient le même raisonnement et établit la même conclusion : Si fidèles simplices ab hæreticis sollicitati sunt, et periculum est ne cadanl vel vacillent, tune licila est publica dispalalio coram ipsis, quia lune taciturnilas vel limor disputalionis magis posset nocere, cl errantes in errore confirmare, ac dubitare incipientes magis infirmare. Ibid. Même dans ce cas, il est évident qu’une conférence contradictoire, où l’orateur catholique interviendrait seul ou presque seul devant un auditoire presque complètement hétérodoxe, offrirait moins d’inconvénients qu’une autre où les auditeurs catholiques seraient nombreux ou seraient l’unanimité.

y. Sous le rapport des assistants, il va de soi que l’organisation d’une conférence contradictoire ne peut jamais être ainsi faite que les hérétiques soient constitués juges de la doctrine. Ceci ne saurait être toléré, sous aucun prétexte, par des catholiques.

S. Nombreuses assurément et fort délicates sont les conditions à observer pour ce qui concerne l’auditoire d’une conférence contradictoire, en matière religieuse. Aussi, pour cette seule raison, de sérieux autours déclarent-ils qu’il y a obligation d’éviter autant que possible ces discussions publiques, d’autant que, trop souvent, les champions de l’hérésie se montrent plus difficiles et plus audacieux, quand ils se présentent pour discuter en public. C’est là une disposition naturellement amenée par l’orgueil et la recherche de la faveur populaire. Usée igitur omnia ohservanda sunt ex hoc capile, ut licila sit disputalio. Et ideo graxes auclores absolute dicunt regulariter hanc dispulationem publicam cavendam esse, tv.m propter dicta, tum etiam quia ipsimel liœrelici disputantes soient hoc modo fieri duriores, et magis audaces, quando in pttblicum prodeunt, propter superbiam et auram popularem quant valde amant. Suarez, ibid.

d) Dans la manière de discuter. — Pour qu’une controverse soit vraiment utile et par suite légitime, il est nécessaire d’observer certaines conditions dans la manière même de discuter et dans les procédés qu’on y adopte.

a. D’abord, il faut prendre garde à éviter les pures discussions de mots, pour s’attacher aux choses et aux idées elles-mêmes. Primo observari débet ut sentent iis polius et rebus quam verbis agatur. Suarez, op. cit., n. 15, p. 498. C’est ce genre de disputes verbales que saint Paul veut voir éviter par Timothée, quand il lui écrit : « Evite les disputes de paroles, car cela ne sert à rien, si ce n’est à pervertir ceux qui écoutent. » I Tim., ii, 14. Et ici l’apôtre n’entend pas condamner