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CONTINENCE


comme tel, attendu qu’il a encouru l’anathème porté par le concile ; de Trente contre ceux qui nieraient la définition contenue dans le can.9, sess. XXIV, Du réf. matrimonii. Chez les Grecs, aux termes du canon 6 du concile in Trullo, les clercs majeurs qui contractent mariage doivent être déposés. Quant aux Jtalo-Grecs, Benoit XIV, const. Etsi pasloralis, § 7, a maintenu la peine de la déposition et il y a ajouté celle de l’excommunication latæ sententiæ.

IV. RÉPONSE AUX OBJECTIONS CONTRE LE CÉLIBAT. —

Ces objections se ramènent à trois chefs. Le célibat, a-t-on prétendu, serait opposé au droit naturel comme au droit divin ; il serait contraire au bien public.

Le célibat et le droit divin.

Selon les adversaires

du célibat, Dieu intimait à tous les hommes un véritable précepte d’embrasser l’état du mariage lorsqu’il bénissait Adam et Eve en leur disant : « Croissez et multipliez-vous et remplissez la terre. » Gen., I, 28. La fausseté de cette interprétation devient manifeste si l’on se reporte au jr. 22 où Dieu bénit les poissons et les reptiles ainsi que les oiseaux : « Croissez et multipliez-vous, leur dit-il, et remplissez les eaux de la mer et que les oiseaux se multiplient sur la terre. » Ainsi les paroles divines expliquent simplement dans le sens d’une promesse de fécondité la bénédiction donnée par Dieu. On n’en peut donc rien conclure quant à l’obligation du mariage. Sans doute, il était dans les intentions de Dieu que le genre humain se multipliât, mais il n’en résulte pas que, après Adam et Eve, chacun devait contribuer à cette multiplication, puisqu’elle restait possible malgré la présence de quelques célibataires. En tous cas, l’obligation du mariage, si elle résultait du ꝟ. 28, aurait nécessairement cessé après que le genre humain se serait répandu par toute la terre. Cette interprétation n’a pas été contredite par Jésus-Christ, lorsque, après avoir rappelé, Matth., xix, 4, aux pharisiens la création d’Adam et d’Eve, il ajoutait : « Par conséquent, l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à son épouse, et ils seront deux en une seule chair. » En cet endroit, en effet, Jésus-Christ répond à la question des pharisiens : « L’homme peut-il renvoyer sa femme pour quelque motif que ce soit ?

— Non, dit le Sauveur, ꝟ. 6, car l’homme et son épouse ne font plus qu’une même chair ; que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni. » Ainsi c’est l’indissolubilité, non pas l’obligation du mariage qui est ici en cause.

Mais, ajoute-t-on, saint Paul dit expressément, I Cor., vii, 2, que, pour éviter la fornication, chacun doit avoir son épouse : Propler fomicationem unusquisque suam uxorem habeat. Uxorem suam habeat, c’est-à-dire, ꝟ. 3 : uxori vir debitum reddat, similiter et uxor viro, fA, ils se sont mutuellement donné droit en s’épousant ; de là, l’ordre qui leur est donné, ꝟ. 5 : Nolite fraudare inviceni, nisi consensu ad tempus : toutefois, il leur est permis de revenir ensuite à l’usage du mariage, revertimini in ipsum, ils n’y sont point obligés : hoc autem dico secundum indulgentiam et non secundum imperium. Effectivement, l’apôtre enseigne aussitôt, ^.6 sq., la supériorité de l’état de virginité sur celui du mariage, tout en spécifiant que la vocation à la virginité n’est point donnée à tous et que ceux qui tombent dans l’incontinence doivent se marier, car melius est nubere quant uri. Il est à peine besoin de dire que ces paroles adressées par l’apôtre non nuptis et viduis, j. 8, ne visent pas parmi ces personnes celles qui sont tenues par état ou par vœu à garder la chasteté, car le même apôtre, I Tim., v, 12 sq., parlant des veuves qui, après leur consécration à Jésus-Christ, veulent se marier, les déclare en état de damnation, parce qu’elles ont rompu leurs premiers engagements. Ainsi le passage que l’on objecte, I Cor., vii, 2, concerne uniquement les personnes mariées ; tandis que vis-àvis des autres Paul, tout tn louant le mariage, est

surtout l’apôtre de la continence. Cf. S. Jérôme, Contra Jovinianum, 1. I, c. vii, P. 1.., t. xxiii. col. 218.

Lorsque saint Paul dit, Tit., i, C, que le prêtre doit être unius uxoris vir, il ne prescrit pas de choisir les prêtres parmi les hommes mariés, puisque lui-même ainsi que d’autres apôtres et Tite étaient vierges ; mais il défend d’ordonner ceux qui ont été mariés deux fois. Ce texte est, en effet, la base de l’irrégularité dite de bigamie. Voir t. ii, col. 883.

2° Le célibat et le droit naturel. - Pour établir que le célibat est contraire au droit naturel, on a argué : 1. de la diversité des sexes ; 2. de l’inclination naturelle qui les porte à s’unir et du désir naturel à l’homme de se survivre à lui-même dans la personne de ses enfants ; 3. du joug insupportable que le célibat fait peser sur ceux qui y sont astreints, témoin les scandales qui éclatent parmi eux ; 4. des maladies par lesquelles la nature se venge de la contrainte du célibat.

A cette prétendue opposition entre le célibat et le droit naturel, on peut répondre d’une façon générale : a) Que si cette opposition était réelle, le célibat religieux n’aurait pas été admis, loué et honoré dès la plus haute antiquité, chez les peuples les plus divers, cf. de Maistre, Du pape, 1. III, c. iii, sect. iii, Traditions antiques ; il ne l’aurait pas été surtout par ces hommes également illustres par leur vertu et par leur science qu’étaient les Pères de l’Église ; enfin, il ne le serait pas encore aujourd’hui, par deux cent cinquante millions de catholiques, auxquels il faut ajouter beaucoup de dissidents, par exemple, les schismatiques orientaux, chez qui il est pratiqué par tous les réguliers de l’un et l’autre sexe.— 6) En particulier, si l’on prend le célibat dans son sens vulgaire d’abstention du mariage, il est tenu pour légitime et même il est imposé par la nature dans quantité de cas. Ainsi, il y a le célibatde nécessité qui résulte de la maladie, de la séparation, de l’insuffisance des moyens d’établissement et d’une foule d’autres causes physiques ou morales ; il y a le célibat philosophique, que plusieurs embrassent par goût de l’indépendance ou par amour des sciences, etc. ; le célibat de deuil, ou de fidélité à la mémoire de l’époux disparu ; le célibat de convention, c’est-à-dire par consentement mutuel des époux. Nous ne disons rien du célibat libertin pour lequel tant d’adversaires de l’Église ont une déplorable indulgence. Cf. Ma r Pavy, Lettres sur le célibat ecclésiastii/ue, il.

1. La diversité des sexes, autrement dit, l’existence chez l’homme de la faculté génératrice n’implique nullement pour tous ceux qui la possèdent l’obligation d’en user. Parmi les fonctions organiques, il en est de nécessaires à la conservation de l’individu ; telle est, par exemple, la fonction de nutrition ; par suite, pour accomplir le devoir de conserver sa vie, chacun est tenu de prendre de la nourriture autant qu’il est nécessaire. Il n’en est pas de même de la fonction génératrice. Elle peut n’être pas utilisée, elle peut même être supprimée dans les deux sexes sans que la vie de l’individu périclite ; c’est pourquoi, à ne considérer que le droit naturel, il est permis à chacun de faire son choix entre le célibat et le mariage. Cf. S. Augustin, De bono conjugali, c. ix, P. L., t. XL, col. 380. D’après certains auteurs, cf. Eschbach, Disputationesphijsiolog.-theolog., p. 491, le célibat serait voulu dans une certaine mesure par la nature elle-même, attendu qu’il naît plus de garçons que de filles. Le fait est exact, ainsi en France, pour 1000 naissances de filles, il y en a 1040 de garçons, cf. Annuaire du bureau des longitudes, 1905 ; mais il faut observer qu’en raison de la mortalité supérieure qui atteint les garçons, l’équilibre numérique entre les deux sexes est rétabli vers l’âge de 15 ou 16 ans, et reste ainsi stationnaire pendant plusieurs années. Staatslexikon, t. i, art. Bevôlherung. Il n’y a donc pas lieu de faire état de cet argument.