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CONSTITUTION CIVILE DU CLERGÉ

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dogme, à la hiérarchie, à l’autorité spirituelle du chef du l'Église… Nulle considération ne peutdonc suspendre l'émission de notre serment. » Légitimité du serment civique, p. 2 ; Barruel, op. cit., t. vii, p. 27. 65 curés ou simples prêtres suivirent son exemple : Saurine, Dumouchel, recteur de l’université de Paris, l'évoque élu du Finistère Expilly, l’ex-chartreux dom Gerle que l’obligation n’atteignait point, etc. Le 28, ce fut le tour d’un évêque, Talleyrand : quelques curés suivirent. Le 2 janvier, l’on entendit l'évêque in parlibus de Lydda prêter le serment, en se disant « persuadé que l’Assemblée nationale ne voulait pas astreindre les citoyens à faire des choses contraires à la juridiction spirituelle » . Ce même jour, les opposants sortirent de leur silence. Ils ne refusaient pas de prêter un serment à la constitution, mais ils prétendaient en dicter les termes, au nom de leur conscience alarmée. Leur interprète fut encore l'évêque de Clermont. Il proposa, mais sans parvenir à se faire entendre, tant sa voix fut couverte par les tribunes et par la majorité, de prêter le serment suivant : « Je jure de veiller avec soin sur les fidèles dont la conduite m’a été ou me sera confiée par l'Église, d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir, en tout ce qui est de l’ordre politique, la constitution décrétée par l’Assemblée et acceptée par le roi ; exceptant formellement les objets qui dépendent essentiellement de l’autorité spirituelle. » Imprimée, cette formule restrictive lut adoptée par beaucoup, telle ou simplifiée. Le 3, Gobel expliqua que ses paroles de la veille n’indiquaient nullement une restriction et il y eut une vingtaine de serments purs et simples. La chose traînait en longueur ; Barnave et Charles de Lameth firent décider que le lendemain 4 expirerait la huitaine donnée par la loi pour le serment aux membres de l’Assemblée, sans qu’il fût possible de prolonger le délai. Le 4 janvier, fut donc à l’Assemblée le jour décisif. A propos de l’abbé de Malarticqui, ayant prêté la veille le serment, venait l’expliquer, l’Assemblée exigea le serment pur et simple ou un refus non motivé. Grégoire essaya ensuite une suprême tentative pour déterminer les opposants. Il fit entendre le même argument que précédemment : l’Assemblée n’a pas voulu toucher au spirituel ; « l’exception du spirituel est donc de droit, ne fut-elle pas énoncée, » mais il s’exprima d’une façon qui l’a fait accuser d’hypocrisie : « L’Assemblée, dit-il, n’exige pas un assentiment intérieur, ni qu’on fasse le sacrifice de son opinion. Que veut-elle donc ? Elle veut que vous obéissiez extérieurement et que vous prouviez obéissance à la loi. » Il ne voulait pas dire qu’un catholique pouvait considérer la constitution civile comme hérétique et cependant lui jurer obéissance, mais que l’on était en face d’une loi purement civile à laquelle, comme à toutes les autres, la seule obéissance extérieure était due. Cf. Sciout, Histoire, t. ii, p. 8 ; Gazier, Éludes, p. 22. Enfin, Barnave fit décider que tous les ecclésiastiques, « fonctionnaires, » à l’appel de leur nom, devraient paraître à la tribune pour prêter le serment ou le refuser. Le défilé commença par l'évêque d’Agen ; après lui, tous les appelés refusent le serment, en s’expliquant, malgré les huées des tribunes. Alors l’on décide d’interrompre le serment par appel nominal et de sommer collectivement tous les ecclésiastiques intéressés de se prononcer. Cela fut fait et un seul curé se leva : c'était pour se soumettre. Il y eut une dernière tentative de conciliation : elle vint de Cazalis. Il demandait à l’Assemblée de déclarer simplement qu’elle n’avait pas voulu toucher au spirituel, ce qui eût permis de reviser la loi ; mais cela même fut repoussé par une attaque vigoureuse de Mirabeau, et la séance se termina par le vote de cette motion de Barnave : « que le président de l’Assemblée se retirerait devers le roi pour le prier de donner des ordres pour l’entière

exécution du décret du 27 novembre. » Il restait aussi de cette séance ce décret dit du 4 janvier et qui devait servir de règle aux administrations départementales : « Le serment prescrit par le décret du 27 novembre dernier sera prêté purement et simplement dans les termes du décret sans qu’aucun des ecclésiastiques puisse se servir de préambules, d’explications et de restrictions. » Les jours suivants, l’Assemblée entendit ou reçut une vingtaine de rétractations : elle décida bien, sur la motion de Barnave, qu’elle n’en accepterait plus ; mais le nombre des députés ecclésiastiques qui prêtèrent le serment n’en fut pas moins réduit à 50 ou 55, dont les deux évoques d’Autun et de Lydda.

C’est le dimanche 9 janvier que le serment dut être prêté par le clergé de Paris. Voici d’après les recherches de l’abbé Delarc quelle fut l’attitude de ce clergé. Il y eut 453 ecclésiastiques appartenant au clergé paroissial ou enseignant pour reluser le serment et environ 450 jureurs. Le nombre des jureurs parut alors plus considérable, parce que des prêtres ont prêté serment sans appartenir au clergé paroissial. L’Eglise de Paris, t. i, p. 390 sq. Dans les départements où le clergé, surtout le clergé des campagnes, plus éloigné du conflit des idées et de l’impulsion générale, était plus sensible à certaines pressions et aux influences locales, les proportions varièrent beaucoup ; puis, il y eut de nombreuses rétractations, surtout après que le pape se fut prononcé. Par 100 prêtres astreints au serment on en compte pour le prêter 15 au maximum dans le Morbihan et le Bas-Rhin, par exemple, et de 15 à 25 dans le Finistère, la Loire-Inférieure et la Mayenne ; mais il y eut de 25 à 50 dans la Seine-Inférieure, les Landes, la Moselle, et au delà de 85 dans l’Ain, l’Allier, le Loiret, le Var, etc. En fin de compte, le nombre des prêtres qui tenus au serment le refusèrent, fut-il plus grand que le nombre de ceux qui le prêtèrent ? « La majorité du clergé inférieur, dit Grégoire, prêta le serment. » Mémoires, t. i, p. 33. « Dans le clergé' du deuxième ordre, la majeure partie refusa le serinent, i dit Picot, dans le Précis historique sur l'Église constitutionnelle, dont il a fait précéder les Mélanges de religion, de critique et de littérature par il/, de Boulogne. C’est entre ces deux versions que se partagent les historiens. D’une Étude statistique sur le clergé constitutionnel et le clergé réfractaire en 1191, publiée par la Revue d’histoire moderne et contemporaine, novembre 1906, d’après les statistiques officielles communiquées par les municipalités aux directoires de district, pour y être condensées, puis aux départements et enfin au comité ecclésiastique, mais ne concernant que 43 départements où le nombre des jureurs fut de 1 i 047, le nombre des réfractaires de 10 395, soit 57 jureurs sur 100 prêtres astreints au serment, 6 sur 10, M. Pli. Sagnac conclut : « L'Église de France est divisée en deux grands partis très forts l’un et l’autre, et dans l’ensemble le parti constitutionnel fut un peu plus fort que l’autre. » Si l’on considère les catégories d’ecclésiastiques auxquelles le serment était imposé on trouve que 4évéques « conservés » seulement le prêtèrent : le cardinal de Loménie de Brienne, archevêque de Sens, primat des Gaules et de Germanie ; de Talleyrand-Périgord. évè pie d’Autun ; de Senas d’Orgeval de Jarente, évêque d’Orléans, et La Fout de Savines, évêque de Viviers ; la plupart des professeurs des universités, séminaires et collèges le refusèrent ; quant aux curés et vicaires, ils forment l'élément le plus considérable de la statistique générale. Des ecclésiastiques de bonne volonté prêtèrent aussi le serment ; en tête 3 personnages revêtus du caractère épiscopal, Gobel, évêque de Lydda, coadjuteur de l'évêque de Bàle pour la partie française de son diocèse ; Martial de Loménie, évêque de Trajanopolis.coadjuteur de l’archevêque de Sens, son oncle, et Dubourg-Miroudot, évêque de Babylone ; autour d’eux