Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.2.djvu/140

Cette page n’a pas encore été corrigée
1547
1
CONSTITUTION CIVILE DU CLERGÉ
: >18

la droite s’efforça-t-elle de répondre ; La Fare ne put même défendre ses intentions incriminées par Lametli : l’Assemblée passa à l’ordre du jour. Cf. Précis de ce qui s’est passé à la séance de l’Assemblée nationale, du samedi J3 février, par Un impartial, in-8°, 1790.

Une seconde fois, le 12 avril, la motion venait alors d’un prêtre patriote, dom Gerle, « chartreux gagné au parti de la Révolution, tout en demeurant attaché à son ordre et à son Eglise, » pour le moment du moins ; il était d’ailleurs un membre assidu du club des Jacobins. L’on discutait le rapport de Chasset. Plus d’une fois, des rangs de la droite s’était élevée cette accusation que l’Assemblée ou plutôt ses comités voulaient perdre le catholicisme et, à tout le moins, le rejeter au rang de toutes les religions. « Pour fermer la bouche » à ces députés « qui calomniaient l’Assemblée » , dom Gerle reprenait la proposition de l’évêque de Nancy. Sa motion était ainsi formulée : « La religion catholique, apostolique et romaine est et demeurera pour toujours la religion de la nation, et son culte sera le seul public et autorisé. » Cette motion provoqua une discussion tumultueuse les 12. et 13 avril. La droite s’efforça de le faire voter, y voyant un moyen d’arrêter les désastres que subissait l’Église. La gauche qui ne voulait à aucun prix de cette proclamation, afin de ne point se lier, faisait toujours entendre les mêmes arguments : C’était une proclamation inutile au moment où l’Assemblée s’apprêtait à salarier les seuls ministres du culte catholique ; c’était un appel au fanatisme à un moment où la France était déjà si agitée. Elle tint bon, bien que dom Gerle eût ajouté cet amendement : « Les citoyens non catholiques jouiront de tous les droits qui leur ont été accordés par les précédents décrets. » Le 12 avril au soir, rien n’était terminé. Paris s’agita, contre le « parti des évêques » , et ce fut au milieu d’une véritable émeute que la discussion reprit le 13. Les Jacobins avaient amené dom Gerle à retirer sa motion, mais elle fut reprise par Maury. Enfin entraînée par un discours où Mirabeau agita le spectre de la Saint-Barthélémy et dont Maury essaya vainement de paralyser l’effet, l’Assemblée adopta cet ordre du jour de La Rochefoucauld « qui ajoutait, disait d’Epresménil, l’hypocrisie à l’insulte r : « L’Assemblée nationale, considérant qu’elle n’a ni ne peut avoir aucun pouvoir à exercer sur les consciences et sur les opinions religieuses ; que la majesté de la religion et le respect profond qui lui est dû ne permettent pas qu’elle devienne l’objet d’une délibération ; considérant que l’attachement de l’Assemblée nationale au culte catholique, apostolique et romain, ne saurait être mis en doute, dans le moment où ce culte va être mis par elle à la première place des dépenses publiques et où, par un mouvement unanime, elle a prouvé son respect de la seule manière qui pouvait convenir au caractère de l’Assemblée nationale : a décrété et décrète qu’elle ne peut ni ne doit délibérer sur la motion proposée et qu’elle va reprendre l’ordre du jour concernant les biens ecclésiastiques. » Cette attitude de l’Assemblée provoqua en France un vif mouvement de protestation. Le 19 avril, 297 députés signaient une protestation où ils disaient entre autres choses : « Nous étions arrivés avec l’ordre précis ou l’intention connue de nos bailliages respectifs, de faire déclarer, comme article de la Constitution française, que la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l’Etat et qu’elle doit continuer à jouir seule dans le royaume de la solennité du culte public. » Parmi les 297 signataires il y avait 10’tmembres de la noblesse, 49 du tiers sur 600, et 1 14 seulement du clergé dont 33 évêques sur environ 300. A cette protestation adhérèrent de nombreux chapitres, le clergé de plusieurs diocèses, les catholiques de plusieurs villes, Nimes, Toulouse, Albi, Montauban, etc. Il y eut même dans le Midi des troubles sanglants.

Ainsi, « au bout d’un an de révolution, le clergé ca tholique avait cessé d’exercer en France le monopole de la religion ; il avait également cessé d’exercer les droits d’un ordre privilégié ; il avait enfin cessé d’exister comme propriétaire » (Debidour). Cependant si l’oeuvre des Constituants s’était arrêtée là, « elle serait restée, dit M. Sorel, une œuvre politique ; comme le principe en était conforme à la nouvelle constitution de la Fiance, qu’elle était motivée par les nécessités du temps et répondait à un sentiment très ancien dans la nation, il ne s’en serait point vraisemblablement suivi de crise redoutable. L’Église aurait protesté, mais, avec plus ou moins de résignation, elle se serait soumise à des mesures désormais irrévocables. » La conséquence logique de tous les décrets portés eût été la séparation de l’Église et de l’État ; mais les Constituants étaient trop pénétrés des doctrines du gallicanisme ou du Contrat social pour songer à cette solution. Après avoir dépouillé l’Église et lui avoir ainsi enlevé toute raison d’accepter un contrôle de l’État, ils prétendirent la soumettre entièrement à l’État ; après avoir refusé de proclamer le catholicisme religion d’État, ils décrétèrent une forme officielle du catholicisme, en dehors de laquelle non seulement il ne sera pas permis à un catholique de prier publiquement, mais même il ne lui sera pas possible d’être bon citoyen. Cette Église se dessine déjà : elle ne sera plus qu’une corporation de fonctionnaires salariés, enfermés dans des cadres réduits, une partie de l’administration à côté de la magistrature et de l’armée.

III. Discussion de la constitution civile ; ses dispositions. — C’est le 20 août 1789, que la Constituante avait nommé le comité ecclésiastique, chargé de préparer « les projets de loi relatifs à la religion et au clergé » .Ce comité avait compris d’abord 15 membres : 5 ecclésiastiques, les évêques de Clermont et de Luçon, de Bonal et de Mercy, et les curés Grandin, Lalande et Vaneau ; les 10 autres étaient Lanjuinais, d’Ormesson, Martineau, le prince de Robecq, Salle de Choux, Treilhard, Legrand, Durand de Maillane, Despatis de Courteilles et de Bouthillier ; dont les plus remarquables étaient d’anciens magistrats ou avocats des parlements, savants canonistes, tous gallicans et même jansénistes : ainsi Lanjuinais, Treilhard, Martineau et surtout Durand de Maillane très connu pour un Dictionnaire de droit canonique, 2 in-4°, Avignon. 1761, et pour un ouvrage intitulé : Les libertés de l’Eglise gallicane prouvées et commentées, 5 in-4°, Lyon, 1771. Au 7 février, sur la demande de Treilhard, sous le prétexte que les travaux du comité l’exigeaient, en réalité parce que le comité était divisé en deux partis égaux qui se paralysaient, l’Assemblée adjoignit 15 nouveaux membres aux anciens, 7 ecclésiastiques, les religieux dom Gerle, chartreux, et dom Breton, bénédictin ; les curés Massieu, Expilly, Gassendi, et Thibaut et l’abbé de Montesquiou ; les 8 autres étaient Dionis de Séjour, Guillaume, de la Coste, Dupont de Nemours, Chasset, Boislandry, Fermont, La Poule ; tous, laïques et ecclésiastiques, sauf l’abbé de Montesquiou, étaient acquis aux idées des membres les plus avancés du comité. Ce fut à la fin de mai que le comilé fit déposer sur la tribune de l’Assemblée les rapports et les projets de lois où se résumaient ses travaux. Ces rapports et projets étaient au nombre de 3 : les premiers et les plus importants avaient pour auteur Martineau, et pour objet « la forme nouvelle et le traitement du clergé futur » , autrement dit, la constitution du clergé ; les seconds, « sur le traitement du clergé actuel. » étaient l’œuvre d’Expilly ; les troisièmes, œuvre de Durand de Maillane, traitaient « des fondations et des patronages laïques » .

Dans son rapport, Martineau, après avoir constaté la salutaire influence de la religion sur les mœurs des