Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/958

Cette page n’a pas encore été corrigée
3445
3446
VOLTAIRE. METAPHYSIQUE


II. MÉTAPHYSIQUE : L’AGNOSTICISME, LE POSITIVISME ET le moralisme de voltaire. — En métaphysique, il est agnostique et positiviste. Il n’est pas exact de dire avec Faguet, op. cit., p. 232 : « Voltaire est impénétrable à l’idée qu’il peut y avoir quelque chose de mystérieux », ou avec Brunetière, Études critiques, iv, Voltaire, p. 320 : « Il n’a pas senti… que notre intelligence se heurte de toutes parts à l’inconnaissable. » On connaît sa boutade : « La métaphysique contient deux choses : la première, tout ce que les hommes de bon sens savent ; la seconde ce qu’ils ne sauront jamais. » Lettre au prince royal de Prusse, 17 avril 1737 (xxxiv, 249). Cf. Lettre du 26 novembre 1738 à M. des Alleurs (xxxv, 51 sq.). Voir aussi : Dictionnaire, art. Bien ; Bornes de l’esprit humain ; Métaphysique ; et Jenni (xxi, p. 385). Ce qui lui semble fou à la lettre, c’est la prétention d’atteindre l’absolu, de définir adéquatement Dieu, l'âme, la matière, de ramener à l’unité parfaite l’ensemble des êtres et des choses, tous leurs détails, tous leurs aspects. Les systèmes peuvent rendre l’univers intelligible, mais leurs conséquences ne coïncident pas avec les faits. Platon, Dictionnaire, art. Platon, Aristote, « un très grand et très beau génie », (ibid., art. Roger Bacon, Aristote, Cartésianisme ; XIIe Lettre philosophique, t. ii, p. 155 ; VIe Dialogue d'Évhémère ; Lettre citée, à M. des Alleurs ; Le philosophe ignorant, v), lui paraissent absurdes en métaphysique. De même Descartes : « au lieu d'étudier la nature, il voulut la deviner ». Siècle de Louis XIV, édil. cit., p. 546. Spinoza « qui bâtit son système sur l’abus le plus monstrueux de vaines abstractions », Le philosophe… xxiv ; Leibnitz, « un charlatan et le Gascon de l’Allemagne », Lettre à d’Alembert, 23 décembre 1768 (xlvi, 202) ; cf. Éléments de la philosophie de Newton, Ve partie, c. vu ; et plus que tous les autres, Malebranche. Ibid. Et « en creusant cet abîme (tout est Dieu), la tête lui a tourné ; il devint tout à fait fou ». Dictionnaire, art. Idées, sect. n ; cf. Lettre à M. L. C, décembre 1768 ; Traité de métaphysique, c. n.

Avec tout son siècle, il avoue pour maîtres, Newton, qui « marque le passage du transcendant au positif », par « l’avènement de la physique expérimentale », donc de la science positive, et Locke « qui dit : Abandonnons les hypothèses métaphysiques ; … elles n’ont jamais abouti. Contentons-nous de savoir ce que nous pouvons savoir ». Il prétend donc être, comme eux, soumis aux faits et se taire où l’expérience ne parle pas.

Il ramène d’ailleurs, on l’a vii, « autant qu’il le peut, sa métaphysique à la morale ». Lettre au prince royal de Prusse, octobre 1737 (xxxiv, 320). Les seuls problèmes métaphysiques dont il s’occupe vraiment sont ceux qui intéressent la conscience morale — et dans la mesure et le sens où ils lui paraissent l’intéresser — et qui constituent les problèmes de la religion ou morale naturelle, Dieu, l'âme, la loi morale. Peu importe, dira-t-il, de savoir si c’est la matière ou un principe distinct qui pense en nous. - Cette question est absolument étrangère à la morale. Le philosophe, xxix, De Locke.

1° Dira. Voltaire déiste. — 1. Dieu rxisle. - « Vol taire est très sérieusement déiste. Il croit fortement à l’existence d’un Être suprême et tout-puissant, architecte de l’univers. Il est resté « dans cette mode des libertins de sa jeunesse », dont lénelon disait, Lettres sur divers sujets … de religion, V, 178 : i ils se font honneur de reconnaître un Dieu créateur, dont la sagesse saute aux yeux dans ses ouvrages », et des déistes anglais, encore que, comme il a élé dit plus haut, entre leur déisme, » d’une extraordinaire affinité avec les Livres saints —, et le sien, dégagé de tout rapport avec la Révélation, il y ait bien des nuances. Contre ses con temporains athées, Voltaire, dans son Traité de métaphysique, prouve Dieu. D’abord par la contingence du monde. Il reprendra cette preuve dans la Première homélie. Sur l’athéisme, et dans le Dictionnaire, art. Dieu, sect. i ; art. Ignorance, sect. n. Ensuite par les causes finales : l’univers et chaque être sont ordonnés à une fin et cela appelle, à l’origine des choses, une intelligence puissante, non, il est vrai, un être nécessaire. Dans la suite, il traduira cette preuve qui lui tient le plus à cœur : « Tout est art » dans la nature, et il assimilera l’univers à une horloge, exigeant donc « un Dieu, éternel géomètre ». Cf. Le philosophe ignorant, xv ; l’Homélie citée ; Histoire de Jenni, c. vin ; Dialogue entre Lucrèce et Posidonius, Premier entretien ; Second dialogue d'Éuhémère sur la divinité ; Dialogue entre le Philosophe et la Nature. Pour ces preuves, il s’appuie sur Newton : « Toute la philosophie (la physique) de Newton conduit nécessairement à un Être suprême qui a tout arrangé librement. » Éléments de la philosophie de Newton, c. i. En effet, pour Newton, « le dessein ou plutôt les desseins variés à l’infini, qui éclatent dans les plus petites parties de l’univers… étaient l’ouvrage d’un artisan habile ». Éléments, ibid.

Voltaire avancera encore cette troisième preuve : la nécessité pour l’ordre social d’un Dieu rémunérateur et vengeur. Dictionnaire, art. Dieu, sect. v ; Histoire de Jenni, loc. cit., p. 573. Cette croyance est « le lien de la société, le premier fondement de la sainte équité, le frein du scélérat, l’espérance du juste. Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer ». Épîlre à l’auteur des Trois Imposteurs (x, 402). Mais, on le verra, cette preuve n’a pas de véritable valeur aux yeux de Voltaire. Il avancera aussi la preuve du consentement universel, quand il fera du déisme la source et le fond de toutes les religions positives. Il dira, Profession de foi des théistes, Introduction : Au roi de Prusse : « Il y a chez tous les peuples qui font usage de leur raison des opinions universelles qui paraissent empreintes par le maître de nos cœurs : telle est la persuasion de l’existence d’un Dieu et de sa justice miséricordieuse ». Cf. Le philosophe, xxxiii, Consentement universel est-il preuve de vérité?

2. Réfutation des objections et procès de l’athéisme. — a) Si l’on accepte, dit l’athée, la matière éternelle et douée de mouvement, nul besoin d’un premier moteur et d’un ordonnateur du monde. Cf. le Système de la nature, d’Holbach, les Principes de la nature, 1725, de Colonne, la Philosophie de la nature, 1769, par Delisle de Sales, le Code de la nature, 1755, attribué à Diderot et qui est de Morelli le fils…, tous ouvrages Indiqués par Voltaire au Second dialogue déjà cité d' Évhémère. — Réponse : Même si le mouvement est essentiel à la matière, ce qui n’est nullement prouvé, comment expliquer sans l’action d’une intelligence suprême la fixité et la régularité des infinies combinaisons du mouvement, leur obéissance à des idées directrices toujours identiques ? et surtout la sensation et l’intelligence ? Traité, c. ii, Réponse aux objections.

b) Objection du mal. Contre les causes finales. Voir plus loin.

c) Objection de Bayle, cf. ici, t. ii, col. 484-491 et t. v, col. 2074-2075, soutenue principalement au § 118 de la Continuation des pensées sur la comète. contre la nécessité pour la morale sociale de l’idée de Dieu Qu’une société d’athées pourrait subsister. Cf. Toland, Adéisidœmon. Distinguant entre la popu lace et une société de philosophes, Voltaire sou tient que. | r la première, la croyance en un Dieu

rémunérateur et ^'engeur est un frein nécessaire. Dictionnaire, art. Athéisme, sect. i ; distinguant ensuite entre athées de cour, détenteurs du pouvoir, et athées de cabinet ou de spéculation, il affirme : L’a