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VOLTAIRE. PRINCIPALES ŒUVRES


scolastiques étaient bannies et la raison seule cultivée ». T. ii, p. 5. Il a détruit « le roman ingénieux » de Descartes, p. 6, sur le système du monde. C’est que « Descartes estimait que ce qu’il pensait fortement et rationnellement lui livrait la nature absolue des choses et l’existence de ces choses. Pour Newton, point de savoir effectif qui ne se rattache à une expérience ».

La littérature anglaise, Lettres x ri u-xxii, fournit à Voltaire, elle aussi, l’occasion d’attaquer le christianisme. Présentant Shakespeare, il traduit la tirade de Hamlel et y parle « de prêtres menteurs », alors que Shakespeare n’en dit pas un mot. Dans l'édition des Lettres philosophiques de 1742, il loue Dryden d’attaquer prêtres et religieux. À propos des grands seigneurs anglais qui s’adonnent aux belles-lettres, Lettre xx, il citera un seul passage, celui où lord Hervey fait la critique du catholicisme en Italie et de la papauté. P. 122. Ce chapitre lui est aussi une occasion de vanter la nation, où chacun peut imprimer ce qu’il pense. Quelle différence avec la France !

4. La 25' Lettre. L' anti-Pascal de Voltaire. — Le 1° juillet 1733, il écrit à Cideville (xxxiii, 355) : « Une 25e Lettre… contient une petite dispute avec Pascal, ce misanthrope sublime. Ce n’est point contre l’auteur des Provinciales que j'écris ; c’est contre l’auteur des Pensées, où il attaque l’humanité beaucoup plus cruellement qu’il n’a attaqué les jésuites. » Cf. A Formont, juin 1733 (ibid., 348).

Après un préambule où il expose les mêmes idées et où, derrière Pascal, il vise les récents apologistes du christianisme, il passe à l’attaque sous couleur de réponse à telle Pensée ou de remarque. L'édition de 1734 comprend 87 remarques ; celle de 1742, dans Œuvres mêlées, 5 vol. in-12, Genève, en comprendra 65, plus 8 numérotées à part, portant sur les Pensées publiées par le P. Desmolets. On ne saurait omettre ici les 94 Remarques sur les Pensées, 22 sur le texte de Condorcet, 12 sur l'écrit attribué à Fontenellc, dont Voltaire accompagne, en 1778, la réédition qu’il donne de l'Éloge et Pensées de Pascal de Condorcet.

Pourquoi Voltaire s’acharne-t-il contre Pascal ? C’est que, cet apologiste du christianisme abattu, aucun autre ne comptera plus. Cf. la Lettre citée à Formont et ici, t. xi, col. 2192-2193.

J.-R. Carré groupe sous les chefs suivants les critiques de Voltaire, Réflexions sur V Anti-Pascal de Voltaire, in-12, Paris, 1935 :

a) Voltaire critique du pari (5e Remarque, t. ii, p. 191). — Sur le pari, cf. ici, t. xi, col. 2182 sq. S’inspirant de Bayle et de l’abbé de Villars, il lui reproche d’abord de porter sur un fondement faux : l’intérêt. Citant Pascal d’après une réimpression de 1714 de l'édition de Port-Royal, Voltaire était poussé dans cette voie par le titre même que cette réimpression donne au pari : « Qu’il est plus avantageux de croire. » Il écrit donc : « L’intérêt que j’ai à croire une chose n’est pas une preuve de sa vérité » ; en second lieu, d'être indécent et puéril : « On ne joue pas Dieu à pile ou face. » Enfin, et c’est une objection plus juste à faire à un janséniste : Étant donné le petit nombre des élus, « n’ai-je pas un intérêt plus visible à être persuadé » que Dieu n’existe pas ?

b) Critique de Pascal apologiste du sentiment ou du cœur, instrument de connaissance et de certitude. Cf. iii, loc. cit., col. 2133-213."., 2163-2175. Le disciple de Descartes n’accepte pas : 1° que la connais rationnelle soit déclarée incomplète, parce que la partie ne peut connaître le tout et que dans l’univers toutes choses dépendent l’une de l’autre (Fr. 72, édit. Brunschwicg). Il suffit, répond Voltaire, de connaître ce qui est à notre portée. Nous n’avons pas besoin

de connaître les rapports qu’il y a entre une araignée et l’anneau de Saturne. — 2° Que Pascal « ne se sente pas assez fort pour convaincre des athées endurcis de l’existence de Dieu » (Rem., vu (sur le texte de Desmolets), p. 242). — 3° Qu’il ait vu « dans l’obscurité même de la religion chrétienne une preuve de sa vérité » (Fr. 565 et 273. Voir loc. cit., col. 2141), et qu’il ait écrit : « Tout notre raisonnement se réduit à céder au sentiment » (Fr. 274 ; Rem., xlviii, p. 220. Voir, loc. cit., col. 2169 sq.).

c) Critique de Pascal, introducteur du surnaturel.

— Voltaire déteste surtout en Pascal le défenseur d’un système de croyances s’appuyant sur des preuves historiques.

Des prophéties et des miracles, dans une Lettre à Maupertuis du 29 avril 1734, Voltaire disait : « Il n’y a pas une prophétie qui puisse s’expliquer honnêtement de Jésus-Christ. Son chapitre (de Pascal) sur les miracles est un persiflage » (xxxiii, 41). Ici, plus modéré, il s’en prend seulement au fragment où Pascal dit que les prophéties prouvent Jésus-Christ si elles ont deux sens. Fr. 642. Inspiré par l’Histoire des oracles de Fontenelle et par le Discourse oj the ground and reasons of the Christian religion de Collins, 1724, il répond, Rem., xv, p. 200-201 : « La duplicité est une faute et une telle théorie assimile les prophéties aux oracles païens. » Sur les miracles, il se contente de répondre au fragment 817 ( « que la croyance à des miracles faux prouve qu’il y en a de vrais » ) ceci : « La nature humaine n’a pas besoin du vrai pour tomber dans le faux. Personne n’a vu de loups-garous et tout le monde y croit ». Rem., xli, p. 217-218. Il proteste ensuite, Rem., lxiii, p. 237, contre cette affirmation de Pascal : « Toute religion qui ne reconnaît pas Jésus-Christ est notoirement fausse et les miracles ne lui peuvent de rien servir », au nom de l’honneur de Dieu, qui ne peut faire de miracles pour le soutien d’une fausse religion. Cf. ici Pascal, col. 2148 sq., et les articles Miracles, Prophéties du Dictionnaire philosophique, les Questions sur les miracles, etc.

Il n’accepte pas sans réserve la preuve par les martyrs : beaucoup de fanatiques étant morts pour l’erreur, il faut ici une enquête avant de conclure. Rem., xxxiii, p. 212. Et encore moins, le témoignage du peuple juif en faveur du Messie. Rem., vii, vin et ix, p. 194-195. Cf. Dernières remarques, lxxxii, lxxxiii, lxxxiv, lxxxv, lxxxvi. Pascal fait des Juifs les hérauts du Messie au milieu de l’humanité, mais, dit Voltaire, s’ils ont attendu le Messie, cela a été pour eux seuls ; il fait de leur loi la plus ancienne, la plus parfaite, le modèle des autres, mais, répond Voltaire, avant la loi de Moïse, il y avait la loi égyptienne et il est faux que les autres peuples aient emprunté quelque chose à la loi mosaïque, fin fin, à propos de la véracité des Écritures, base historique du christianisme, tandis que Pascal trouve dans leurs contradictions une preuve « visible que cela n’a pas été fait de concert », Voltaire insiste sur les contradictions des deux généalogies de Jésus-Christ dans saint Matthieu et dans saint Luc. Rem., xvi, p. 201-202.

d) Critique de la conception pascaliennc de l’homme.

— Le jansénisme en France, le puritanisme en Angleterre ont donné de l’homme une conception tragique. Shaftesbury, dans À l.rttrr roncerning Enthousiam, 1708, s’est élevé contre cette conception ; Voltaire s’attaquera à ce fragment 430, où Pascal parle » des grandeurs et des misères de l’homme si visibles qu’il faut nécessairement que la vraie religion > en donne l’explication et où il montre que cette explication est « dans le péché originel, « le sorte que l’homme est plus Inconcevable sans ce mystère que ce m]