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VOLONTÉ. DE DIEU, SALVIFIQLE UNIVERSELLE


sèment : « Il est souverainement puissant Celui qui peut tout ce qui est possible ; sa puissance n’est pas diminuée parce qu’il ne peut pas l’impossible. Pouvoir l’impossible ne serait pas pouvoir, mais ne pas pouvoir. » Hugues de Saint-Victor, De sacram., t. I, c. xxii, ibid., t. clxxvi, col. 216 BC ; cf. S. Anselme, Proslog., c. vii, ibid., t. clviii, col. 230 BC. Mais il faut de plus que ce possible, pour devenir le terme d’une réalisation divine, puisse constituer par lui-même une réalité positive. Or le mal est, par lui-même, non une réalité, mais une privation. Donc faire le mal est impossible à Dieu. Voir ci-dessus, col. 3329. Il est enfin trop évident que le possible dont il est ici question n’est pas seulement ce qui effectivement est possible à une créature. La création d’un être, la justification d’une âme sont choses impossibles à une créature, mais possibles à Dieu.

De ces principes, saint Thomas tire quelques conclusions : 1° Le péché est impossible à Dieu, I a, q. xxv, a. 3, ad 2um ; 2° Dieu ne peut faire qu’une chose passée n’ait pas été, ibid., a. 4 ; 3° Dieu peut agir autrement qu’il ne fait, a. 5 ; voir ci-dessus la liberté de la volonté divine ; 4° Dieu peut faire meilleures les choses qu’il a faites, a. 6 ; voir ci-dessus la question de l’optimisme, col. 3346.

3. Puissance absolue et puissance ordonnée.

La puissance absolue de Dieu (soluta ab ordinis prsesenlis décréta) est celle qui peut réaliser tout ce que la sagesse divine peut proposer et la volonté divine exécuter ; la puissance ordonnée est celle qui réalise effectivement ce que la sagesse divine a proposé et que la volonté divine a décidé d’exécuter dans l’ordre présent. Cette puissance ordonnée est ordinaire quand elle réalise les choses selon les lois ordinaires de la nature (la naissance d’un enfant) ou de la grâce qustification de l’âme par le baptême), ou extraordinaire, quand elle procède en dehors des lois ordinaires (miracles). De puissance absolue, Dieu aurait donc pu faire autre chose que ce qu’il a fait ; de puissance ordonnée, il n’a pu faire que ce dont sa volonté a décrété la réalisation. Ces deux manières de concevoir la puissance divihe ne doivent donc pas être séparées ni de la sagesse, ni de la bonté, ni de la justice divine. Concevoir la puissance absolue, abstraction faite de la sagesse, de la justice, de la sainteté de Dieu, c’est tomber dans l’erreur janséniste qui admet que, de puissance absolue, Dieu puisse condamner un juste à l’enfer. Un tel-acte de la volonté divine ne serait concevable que si la sagesse ou la justice de Dieu y trouvaient leur compte ; ce qui n’est pas. Cf. S. Thomas, » In 111™ Sent., dist. I, q. ii, a. 3 ; Billot, op. cit., p. 309310 ; Hervé, Manuale, t. ii, n. 134.

Avec beaucoup de sagesse, saint Thomas déclare qu’ « en Dieu la puissance et l’essence, la volonté et l’intelligence, la sagesse et la justice sont une seule et même chose ; de sorte que rien ne peut être dans sa puissance qui ne soit dans sa volonté et dans sa sage intelligence. » I a, q. xxv, a. 5, ad l um. Ce principe permettra de résoudre la difficulté qui a égaré les volontaristes dans leur définition des rapports de la liberté divine avec les lois de la raison et de la morale. Voir Volontarisme, col. 3316. Voir aussi la conception nominaliste de la puissance absolue et ordonnée, t. xi, col. 764.

Est-il besoin, en terminant, de réfuter le sophisme de Stuart Mill déclarant que Dieu n’est pas toutpuissant, puisqu’il emploie les causes secondes pour atteindre les fins qu’il se propose ? L’Être tout-puissant ne devrait-il pas atteindre ces fins sans passer par des intermédiaires ? Essais sur la Religion, tr. fr., Paris, 1875, p. 163-165. Dieu, certes, peut très bien, d’une manière extraordinaire, sans passer par les causes secondes, produire certains effets voulus par

lui : c’est le cas des miracles. Mais normalement il doit à sa sagesse — et c’est même là une marque de puissance — d’observer le cours ordinaire des choses en adaptant aux elîets voulus des causes proportionnées. Il y a même une manifestation plus grande de la toute-puissance divine dans la production et l’adaptation de ces causes secondes que dans la production immédiate des elîets. Cf. A. Tanquerey, Synopsis theol. dogm., t. ii, n. 552.

Le dogme de la toute-puissance divine doit produire en notre âme un double effet : « nous humilier sous la main toute-puissante de Dieu, afin d’être élevé au temps marqué », cf. I Pet., v, 6 ; exciter en nous une confiance absolue en Dieu : « Je puis tout en celui qui me fortifie. » Phil., iv, 13.

On consultera S. Thomas, Sum. theol., I*, q. xix, xx, xxi et xxv, et les textes correspondants de ses autres ouvrages, ordinairement indiqués dans les bonnes éditions, notamment Conl. Gent., t. I, c. lxxii-xcviii et De veritate, q. xxiii, ainsi que les grands commentateurs, Cajétan, Sylvestre de Ferrare, Gonet, Suarez, Billuart, etc., et les traités De Deo des théologiens modernes, spécialement Kleutgen, Billot, Franzelin, Buonpensiere, Lépicier, Muncunill, Van Noort, Chr. Pesch, Piccirelli, de San, Stentrup, Janssens, Van der Meersch, et les manuels de Diekamp-Hoffmann, Hugon, Hervé, Tanquerey, Bartmann, Schwetz, Scheeben, etc.

Études plus spéciales : Suarez, De libertate divinee voluntatis, opusc. theol. IV, dans Opéra omnia (Vives), t. XI, p. 393 sq. ; D. Ruiz, De voluntate Dei et propriis aclibus ejus, Lyon, 1630 ; S. Bersani, De voluntate Dei (comm. sur la Somme Contre les Gentils, t. I, c. lxxii-lxxxviii), dans le Divus Thomas, de Plaisance ; F.-A. Blache, La liberté divine, dans la Revue de philosophie, 1927, p. 237 sq.

Pour la partie positive, voir Petau, Theologica dogmala, De Deo Deique proprietatibus, t. X, c. iv, v ; D. Ruiz.op. cit., disp. XIX, sect. 5 et 6 ; XX, sect. 1, 6, 7 ; Franzelin, op. cit., thèse L.

VI. Appendice : la volonté salvifique universelle. — Ce problème, capital au point de vue de l’idée qu’on doit se faire de la providence, peut être envisagé sous deux aspects qui se complètent : 1° Le dogme catholique ; 2e Les doctrines théologiques.

I. le dogme catholique.

1° La sainte Écriture.

— 1. L’Ancien Testament. — Dans la promesse du Rédempteur futur, Gen., iii, 15, aucune restriction n’est apportée. Quand Dieu se réserve un peuple de choix, les nations infidèles ne sont pas écartées : Dieu, en effet, dit à Abraham : « Toutes les familles de la terre seront bénies en toi. » Gen., xii, 2-3 ; cf. xxii, 18. Sans doute, la suite de l’Histoire sainte montre que « l’appel de Dieu s’est spécialisé dans l’élection d’Israël ; mais l’objet des promesses divines est une Rédemption messianique, à laquelle les Gentils eux-mêmes participeront ». L. Capéran, Le problème du salut des infidèles, essai historique, Toulouse, 1934, p. 3. Si matérielle et si terrestre, que paraisse souvent l’enveloppe des anciennes prophéties du royaume messianique, il n’en ressort pas moins que les conquêtes du Messie futur doivent aboutir à une conversion spirituelle des peuples. Cf. Is., ii, 1-12 ; xviii, 7 ; xix, 21-22 ; Zach., ii, 11 ; vi, 15 ; viii, 20-23 ; xiv, 16-21. Voir surtout Is., xlv. Cet aspect de l’universalisme messianique a été mis en relief dans la deuxième partie d’Isaïe, où Israël est représenté comme la lumière des peuples, devant rassembler « toutes les nations et toutes les langues » pour les amener à la connaissance du seul vrai Dieu. Is., lx, 1 sq. ; lxvi, 18, 23. Le Juste, Serviteur de Jahvé, « justifiera beaucoup d’hommes » et sera établi « la lumière des nations, pour faire arriver le salut jusqu’aux extrémités de la terre. » Is., lui, 11, xlix, 6 ; cf. xlii, 6 ; xlix, 8.

Ce salut universel se réalisera sans doute surtout à l’âge messianique, dans et par l’Israël régénéré, circoncis de cœur (Jer., iv, 4), qui se prépare et doit