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    1. VOLONTÉ##


VOLONTÉ. !)] : DIEU, OBJET

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C’est pourquoi il est impossible de trouver une cause à la volonté divine : « De même que Dieu par un seul acte voit tout dans son essence, ainsi par un seul acte il veut tout dans sa bonté. Par là, comme en Dieu l’intelligence de la cause n’est pas cause de l’intelligence de l’effet, mais que l’effet est vu dans sa cause ; ainsi, vouloir la fin n’est pas en Dieu cause qu’il veuille les moyens ; mais il veut que les moyens s’orientent vers la fin. En d’autres termes, Dieu veut que ceci soit pour cela ; mais il ne veut pas ceci à cause de cela. » I a, q. xix, a. 5. Ainsi, tout en affirmant que la volonté divine n’a pas d’autre cause qu’elle-même de ses déterminations, on ne supprime pas pour autant l’enchaînement des causes secondes à leurs effets, « car Dieu voulant que l’effet soit en raison de sa cause, tout effet qui présuppose un autre effet dépend non seulement de la volonté divine, mais d’un autre être encore. » Ibid., ad 3um.

II. Objet.

L’objet de la volonté de Dieu, comme celui de la science, est double : Dieu lui-même, objet principal, formel et nécessaire ; les êtres en dehors de Dieu, objet secondaire, matériel et libre.

I. objet primaire : DIEU LUI-MÊME. — 1° Existence. — Le concile du Vatican l’affirme nettement : « Dieu s’aime lui-même nécessairement. » De ftde cath., c. i, can. 5(§2), Denz.-Bannw., n. 1805. Vérité tellement évidente après ce qui a été dit de la volonté divine en général, qu’il est inutile d’insister. Dieu est le souverain Bien, et c’est dans la possession parfaite de ce bien que Dieu manifeste son être : Deus carilas est. Toute la tradition est là pour affirmer que Dieu s’aime : la personne du Saint-Esprit n’est-elle pas l’Amour substantiel de Dieu et le terme de la procession selon la volonté ? Aucun égoïsme d’ailleurs en cet amour de soi ; s’aimer, pour Dieu, n’implique pas une préférence, puisque l’amour, en Dieu, est la source et le principe de tout amour, Dieu étant le souverain Bien, souverainement aimable. Ne pas s’aimer serait pour Dieu vouloir ne pas être : Deus caritas est.

2° Mode : Dieu se veut et s’aime nécessairement. — Ici, aucune liberté. Comme Dieu est nécessairement, il est amour et amour de soi nécessairement. D’ailleurs, aucune volonté ne saurait avoir de liberté à l’égard de son objet adéquat et pleinement proportionné, car un tel objet est pour la volonté la raison qui la détermine à vouloir tous les autres biens. Ainsi la volonté humaine est mue par le bien en général ; c’est toujours sous l’aspect de bien que des objets particuliers l’attirent. Or, en Dieu la divine bonté est l’objet adéquat, parfaitement proportionné, de la divine volonté. Donc Dieu ne peut pas ne pas vouloir sa propre bonté. Bien plus, le vouloir divin s’identifiant avec l’être divin, la volonté de Dieu ne peut être qu’un acte éternel d’amour à l’égard de son objet primaire et adéquat. Cf. S. Thomas, Cont. Gent., t. I, c. lxxiv ; cf. I a, q. xix, a. 1, ad 3um ; q. xx, a. 1.

II. objet secondaire.

Ce sont tous les êtres que Dieu a créés, qu’il a voulus et aimés pour lui-même, mais qu’il a appelés librement à l’existence. A ces trois vérités, explicitement professées par le concile du Vatican, sess. iii, De ftde catholica, c. i et can. 5 (§ 2 et 3) ; cf. Denz.-Bannw., n. 1783, 1805, on devra ajouter ici, à défaut de l’art. Optimisme, annoncé à Création, un corollaire, établissant que Dieu n’a pas dû nécessairement créer le meilleur monde, absolument parlant. Les textes du concile se trouveront à Création, t. iii, col. 2034-2035.

1° La volonté divine est à l’origine de tous les êtres sans exception. — Dans sa partie positive, l’art. Création a rappelé que la doctrine chrétienne de la création doit s’entendre d’une production à partir d’un néant absolu, et cela par la seule puissance divine :

autorité de l’Écriture, col. 2042-2057 ; des Pères, col. 2057-2082 ; des théologiens à partir du xiiie siècle, col. 2082-2984. La scolastique cherche à établir que le principe des choses ne saurait être multiple : pas de dualisme, et c’est Dieu seul qui est, des choses existantes, à la fois cause efficiente, finale et exemplaire, col. 2084-2085. Dieu est créateur exclusif, col. 2110. C’est dans la causalité efficiente qu’intervient la volonté divine pour jouer son rôle ; la science divine suffit à justifier l’exemplarisme divin : elle éclaire, mais la volonté réalise. Col. 2129-2131. Sur le rôle de la volonté divine dans la providence, voir ce mot, t. viii, col. lOfO.

Telles sont les grandes lignes de la doctrine. Certains aspects, où la volonté est plus directement intéressée, ont été mis en relief par saint Thomas.

1. Nécessité de l’intervention de la volonté dans l’acte créateur. — Il semble qu’ici saint Thomas ait la préoccupation d’éliminer la thèse d’Abélard faisant reposer l’activité divine sur une nécessité de nature et non sur la volonté. Cont. Gent., t. II, c. xxiii ; De potentia, q. i, a. 5 ; q. iii, a. 15 ; I a, q. xix, a. 4. Sur la doctrine d’Abélard, prop. 7, Denz.-Bannw., n. 374, voir Abélard, t. i, col. 46. Dans la Somme théol., saint Thomas réduit à trois les arguments d’où il conclut qu’ « il y a nécessité d’affirmer que la vofonté de Dieu est la cause des choses et que Dieu agit par sa volonté et non pas une nécessité de nature » : a) Raison tirée de la finalité à imposer aux causes agissant par nature : il faut, en effet, qu’un agent inteilectuel et volontaire les précède, afin de prédéterminer la fin que ces causes doivent poursuivre ; b) Raison tirée de l’efficacité des causes naturelles, toujours déterminées à la production du même effet. Or, Dieu est l’Être transcendant, contenant toute perfection d’être ; il ne peut donc agir par nécessité de nature, mais, s’il produit des effets déterminés, la détermination de ces effets ne pourra provenir que de sa science et de sa vofonté ; c) Raison tirée du rapport de la cause à l’effet : la cause première, intelligence infinie, ne peut contenir ses effets qu’intelligiblement ; les effets doivent donc en procéder d’une manière conforme aux exigences d’une nature intellectuelle, c’est-à-dire par décision de la volonté. Dans la Somme théol., l’argument d’autorité est Sap., xi, 25 ; dans Cont. Gent., ps. cxxxiv, 6 ; Eph., i, 11. Textes bien choisis.

2. Les êtres individuels, objet de la volonté divine. — Dieu ne veut pas seulement les êtres créés sous une raison générale, en se voulant lui-même comme principe de tout bien participé ; mais son vouloir s’attache aussi à toutes les particularités déterminant chaque bien pris individuellement. Chacune de ces particularités est aussi, en effet, une participation du Bien souverain et par conséquent ne peut exister que si la volonté divine l’a décrétée. Si une seule de ces particularités échappait à la volonté divine, il faudrait dans l’ordre de l’univers faire une part au hasard. Cont. Gent., t. I, c. lxxviii. Comme la science divine, la volonté de Dieu porte sur tous les détails dont le bien souverain, qui s’identifie avec l’essence de Dieu, est l’exemplarisme transcendant. Cf. Providence, t. xiii, col. 1012-1014.

3. La volonté de Dieu porte sur les êtres futurs. — Éternelle comme l’être divin, la volonté de Dieu coexiste à tout le temps et à toutes les parties du temps, dans lesquelles elle a décrété l’apparition successive des êtres créés. Peu importe donc que, par rapport à nous, certains effets de la divine volonté n’existent pas encore ; par rapport à Dieu, ils sont présents, comme tout le temps, dans sa continuité, est présent à son éternité. Cont. Gent., t. I, c. lxxix ; cf. c. lxvi ; Sum. theol., I a, q. xiv, a. 13 ; De veritate, q. ii, a. 12. Voir Éternité, t. v, col. 912 sq.