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VOLONTÉ. DE DIEU, EXISTENCE ET NATURE

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décret pro Jacobitis du concile de Florence, n. 760 ; profession de foi imposée aux Maronites par Benoît XIV, n. 1465.

3. Raison.

Saint Thomas conclut de l’existence de l’intelligence en Dieu à l’existence de la volonté. Sum. theol., I a, q. xix, a. 1. De l’avis des meilleurs commentateurs, sa présentation de l’argument revêt dans la Somme une forme quelque peu obscure. Le P. Sertillanges a su présenter plus clairement le raisonnement du Maître. De même que l’intelligence, quand elle ne possède pas encore le vrai, tend naturellement vers ce vrai qui est son bien propre, ainsi, à l’égard d’un bien que l’intelligence a saisi d’une manière purement intentionnelle, il est nécessaire que s’établisse une tendance, un appétit naturel vers la possession réelle de ce bien ; cette tendance est la volonté. Et de même que l’intelligence se repose dans la vérité possédée, ainsi la volonté, jouit dans l3 possession du bien qu’elle a atteint. Voilà pourquoi en Dieu il est nécessaire qu’il y ait volonté, parce qu’il y a intelligence. Mais, s’empresse d’ajouter saint Thomas, comme l’intelligence divine est son être même, ainsi en est-il de son vouloir. Le mot de « vouloir » (velle) est employé ici de préférence à « volonté », car ce n’est pas seulement la faculté, c’est aussi son acte qu’il faut, en Dieu, identifier avec l’être divin : « Il n’y a en Dieu que Dieu ; en égrenant péniblement les attributs du premier Principe, nous balbutions Dieu. » Sertillanges, Dieu, t. ni (Somme théologique, édit. de la Revue des Jeunes), Paris, 1935, p. 275, note 10.

Cet argument fondamental sert d’appui à de multiples raisons connexes, développées par saint Thomas dans le De veritate, q. xxiii, a. 1 et dans le Cont. Gentes, I. I, c. lxxii, et que l’on peut grouper autour de ces deux considérations centrales : 1° Dieu, ’souverain bien et se connaissant comme tel, ne peut pas ne pas se vouloir lui-même ; 2° Dieu, ayant communiqué aux créatures le bien de l’existence, n’a pas pu ne pas avoir eu la volonté de leur donner ce bien. Voir le commentaire de Sylvestre de Ferrare sur ce c. lxxii de la Somme contre les Gentils.

Nature.

Le principe qui doit diriger la spéculation

théologique touchant la nature de la volonté divine est l’identité du vouloir divin et de l’être même de Dieu. Toute imperfection doit donc être éliminée. Les conclusions que nous en allons tirer représentent plus spécialement la doctrine thomiste, dont s’écarte en quelques points secondaires l’école scotiste, voir Duns Scot, t. iv, col. 1880 sq., et, d’une manière plus accentuée, l’école nominaliste, voir t. xi, col. 759 sq.

1. Perfection absolue de la volonté divine. — Aussi, et] premier lieu, doit-on dire que la volonté divine, dont l’acte éternel a produit dans le temps toutes les perfections créées, contient en elle-même toutes les perfections possibles, à un degré éminent, et sans mélange d’aucune des imperfections inhérentes aux volontés créées. Ou mieux, puisque la volonté divine l’identifie avec Dieu, elle est absolue. Seules peuvent donc être transportés dans la volonté de Dieu les affections et sentiments qui, essentiellement, ne renferment aucune imperfection ; par exemple, l’amour du bien, la joie de sa possession, ou même la haine du mal. Mais toute affection supposant un bien absent ou la menace d’un mal imminent ne peut convenir à Dieu. Donc, en Dieu, pas de désir, pas d’espérance,

pas de tristesse ni de crainte, ni de colère. Si la sainte Écriture prête ces sentiments à Dieu, c’est par anthropomorphisme (par métaphore, dit saint Thomas),

uniquement en raison de la similitude des effets : de même que les hommes en colère Infligent une punition, ainsi les châtiments Infligé ! par Dieu font dire qu’ « Il est en colère ». Pareillement les effets de sa

miséricorde comparés aux rigueurs dont il menace les pécheurs font dire qu’ « il se repent ». S. Thomas, I a, q. xix, a. 7, ad 2um ; cf. Cont. Gent., t. I, c.lxxxviii.

2. Immutabilité du vouloir divin.

S’identifiant avec l’être divin, le vouloir divin est immuable : aucune succession n’est concevable dans les décrets divins. Nonobstant la diversité des objets du vouloir divin, qui se déroulent dans la continuité du temps, le vouloir divin lui-même qui commande cette diversité est toujours et de toute éternité sans changement possible. La théologie explique comment l’immutabilité du vouloir divin s’accorde avec la liberté de Dieu, voir Création, t. iii, col. 2139, avec nos actes libres, voir Liberté, t. ix, col. 669674 ; Providence, t. xiii, col. 1014-1015, avec le miracle, voir ce mot, t. x, col. 1832, avec l’efficacité de la prière, voir Providence, col. 1019. Rappelons ici simplement que tout ce qui est changement et signe de liberté se tient du côté des créatures, prévues et voulues par Dieu de toute éternité. Dans cet enchaînement des choses et des événements, prévus et voulus par Dieu, trouvent place les interventions libres des créatures, prières, mérites et autres actions destinées à provoquer la bienveillance divine. Cf. I a, q. xix, a. 7 ; Cont. Cent., t. III, c. xci, xevi, xcvm ; De veritate, q.xii, a. 2, ad 3um.

L’immutabilité du vouloir divin comporte donc une différence essentielle avec le fatalisme des Orientaux et des stoïciens. Voir Fatalisme, t. v, col. 2095. Dans le fatalisme, tout est soumis à un destin aveugle (fatum) qui ne tient aucun compte des activités humaines. L’immutabilité que la doctrine catholique professe relativement à la volonté divine n’exclut ni la providence, ni le jeu de la liberté humaine dans le gouvernement de cette providence, voir Providence, t. xiii, col. 1014 sq.

3. Volonté infinie.

C’est l’expression dont se sert le concile du Vatican. Cette infinité lui vient de son identité absolue avec l’essence divine. Dieu est volonté, comme il est amour ; cf. I Joa., iv, 8, 16. La raison de cette identité absolue est la simplicité divine : Dieu est son vouloir, sa volonté, son amour, comme il est sa sagesse, son intelligence, sa propre connaissance ; il est cela, non par quelque chose de surajouté, mais par son être même. On peut appliquer aux perfections de l’activité divine ce que le concile de Reims (1148), eau. 1, dit des attributs de l’être divin. Denz.-Bannw., n. 389. C’est en raison de cette identité de la volonté infinie de Dieu avec l’être divin que le XVe concile de Tolède a défendu l’orthodoxie de l’expression : voluntas gentil voluntatem.

L’infinité de la volonté divine fait logiquement conclure à sa toute-puissance. Voir plus loin.

4. Volonté indépendante de tout autre être.

Autre conséquence : son Indépendance absolue à l’égard de toutes les réalités extérieures. La volonté divine ne saurait agir sous l’influence d’un désir de posséder un bien que Dieu n’aurait pas encore : aucun bien n’existe que Dieu, l’être souverainement parfait, ne possède d’une manière Buréminente. On ne peut donc trouver en la divine volonté qu’amour de complaisance, de bienveillance, d’amitié ; et seule la divine essence peut, à l’égard de la volonté de Dieu (selon notre mode de concevoir les choses), exercer une influence de cause finale ou de cause efficiente ou quelque autre influence que ce soit : « I.’objet de la divine volonté est sa bonté même, Identique à son essence. Puisque la volonté (le Dieu est l’essence divine elle-même, cette volonté n’est pas mue par autre chose que par soi (si toutefois

on peut parler de mouvement dans l’intelligence et

le VOUloir divin). C’est en ce sens que Platon, Phèdre,

245’I. a dit du pic n lier Principe qu’il m meut lui même. » S. Thomas, P. q. xix, a. 1, ad 3° m.