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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. LA PRÉSCOLASTIQUE

1708

col. 224 B ; mais son livre ne nous est pas parvenu. Sur la motion des évêques de la province de Sens, Énée, évêque de Paris, composa son Liber adversus Grsecos, P. L., t. cxxi, col. 683 sq. ; chargé du même office par les évêques de la province de Reims, Ratramne écrivit son Contra Grœcorum opposita. Ibid., col. 225 sq.

a) Concile de Worms.

Les évêques germains ne connaissent pas les travaux d’Alcuin et de Théodulphe. Leur mémoire est déficient. Pour prouver le Filioque, ils se contentent de quelques textes de saint Augustin sans portée réelle. Toutefois ils affirment l’essentiel du mystère, c’est-à-dire l’égalité, la divinité, la consubstantialité des personnes divines. Le De fide Trinitatis se complète de décrets disciplinaires et de protestations infirmant d’injustes reproches formulés par les Grecs. Mais les actes du concile contiennent en outre une belle profession de foi, exprimant d’une manière plus détaillée la doctrine des trois personnes divines et de leurs rapports mutuels, particulièrement en ce qui concerne le Saint-Esprit. Mansi, Concil., t. xv, col. 867.

b) Énée de Paris († 870). —

En écrivant son Liber adversus Grœcos, l’évêque de Paris n’a pas seulement l’intention de justifier le Filioque et de rappeler, à cette occasion, l’ensemble du dogme trinitaire ; il reprend aussi, un à un, les griefs disciplinaires formulés par les Grecs. Des 210 chapitres que renferme le mémoire, les 94 premiers seuls ont trait à la Trinité. Énée a transcrit les textes de Théodulphe, avec quelques additions de Vigile de Thapse et d’Alcuin (dont cependant il ne semble pas connaître le De processione Sancti Spirilus). Le Liber adversus Grsecos apparaît ainsi en léger progrès sur le recueil de Théodulphe.

c) Ratramne. —

L’ouvrage de Ratramne, en quatre livres, est supérieur à ceux qu’on vient de citer. Le 1. IV est consacré aux controverses disciplinaires ; les trois premiers ont pour objet la doctrine trinitaire et spécialement la procession du Saint-Esprit. Le 1. I expose les preuves scripturaires : l’argumentation de Ratramne. est bien menée et s’avère supérieure à l’essai d’Alcuin et des Livres carolins. Les livres II et III développent l’argument patristique. Ratramne connaît Alcuin et Théodulphe et il les utilise. Mais, aux données qu’il emprunte (en faisant d’ailleurs une sélection judicieuse), il ajoute le résultat de ses recherches personnelles : résultats modestes, s’attachant plus à la qualité qu’à la quantité. La méthode de Ratramne est différente de celle de ses prédécesseurs : il rapporte les documents par petites tranches qu’il fait suivre d’une glose. Ainsi on trouve chez lui une exégèse personnelle, souvent intéressante.

Ratramne avait aussi composé une défense de la formule Te trina Deitas unaque poscimus, de l’hymne des premières vêpres du commun des martyrs. Sur ce point, il épousait les idées de Gottschalk qui s’était attaché à cette formule qu’Hincmar estimait dangereuse. Voir plus loin. C’est par Hincmar qu’on connaît l’existence de l’opuscule, aujourd’hui perdu, de Ratramne.

3. Autres auteurs du IXe siècle.

a) Raban Maur († 856). —

Dans le De universo (844), Raban Maur, après avoir parlé de Dieu, c. i, du Fils de Dieu, c. ii, du Saint-Esprit, c. iii, expose brièvement la doctrine catholique sur la Trinité, c. iv. Les formules s’inspirent du Quicumque. Comme preuves de l’Ancien Testament en faveur du dogme trinitaire, il invoque Gen., i, 26 et Is., vi, 3. Pendant longtemps encore, les écrivains catholiques puiseront dans cet arsenal et y trouveront même de nouvelles armes.

Chose extraordinaire, Raban Maur a été cité par des Grecs, au xixe siècle, comme adversaire du Filioque ! Cf. Macaire, Théologie dogmatique orthodoxe (tr. fr.),

Paris, 1860, p. 370. Deux textes sont relevés où, tout en parlant de la génération du Fiis, Raban Maur dit simplement que le Saint-Esprit procède du Père : In EcclL, t. VI, c. ii, P. L., t. cix, col. 943 D ; Hom. in evang. et epist., hom. xxxv, P. L., t. ex, col. 212 A. Ce sont de simples citations de saint Augustin. La procession ab utroque est explicitement affirmée par l’archevêque de Mayence, hom. xlix, ibid., col. 237 D et surtout dans le De universo, t. I, c. m et iv, P. L., t. exi, col. 23 D-24 B, 27 D (Spiritus relative ad Patrem et Filium). Voir aussi Jn Eccli., t. VI, c. n. t. cix, col. 939 D ; De universo, I. IV, c. x, t. exi, col. 96 À et B ; De clericorum institutione, t. II, c. lvii (De régula fidei), t. cvii, col. 369 C ; Liber de sacris ordinibus, c. ix, t. cxii, col. 1171 C. Cf. Franzelin, Examen doctrinal Macarii Bulgakow…, Rome, 1876, p. 112 sq.

b) Haymon d’Halberstadt († 853). —

Haymon n’a pas écrit ex professo sur la Trinité. Mais Macaire a dirigé contre lui la même accusation que contre Raban Maur. Dans l’homélie lxxxvii, de lempore, Haymon affirme que le Saint-Esprit est appelé Esprit de vérité parce qu’il procède a Pâtre veritatis. P. L., t. cxviii, col. 519 C. Or, quelques lignes plus loin, est affirmée la procession a Paire et Filio, col. 520 A. Cf. hom. xcvm, col. 551, où précisément se retrouve la phrase incriminée, mais avec tous les apaisements nécessaires en faveur du Filioque. Voir également hom. evi, col. 574 A ; hom. li, col. 300 B ; hom. c, col. 558 À et, dans les homélies de sanctis, hom.xii, col. 798 A. Cf. Franzelin, op. cit., p. 110 sq.

c) Paschase Radberl († 865). —

Radbert a composé un traité De fide, spe et cliaritate. P. L., t. cxx, col. 1387 sq. Dans le 1. I er sur la foi, il étudie la vertu de foi et, à l’occasion de son objet, fait un exposé simple et précis du dogme de la Trinité, c. i, n. 3, col. 1393 AC ; cf. c. vi, n. 1, col. 1402-1403. On lit. au n. 2, une explication rejetant, comme inventée par les hérétiques, la formule : credo et in sanctam Ecclesiam. Le mystère de la Trinité est certainement manifesté dans la formule baptismale. Jn Matth., t. II, c. iii, ibid., col. 177.

d) Hincmar († 882). —

On a vu que Ratramne défendait l’orthodoxie de la formule Te trina Deitas et que Gottschalk, ayant appris quHincmar l’avait interdite, s’efforçait d’en venger l’orthodoxie. Hincmar reprend le texte de Gottschalk en y répondant dans le De una et non trina Deitale, P. L., t. cxxv, col. 473-618. Si la thèse d’Hincmar n’est pas incontestable (voir par exemple la doxologie de l’hymne Sacris solemniis), elle fut du moins l’occasion d’un bon exposé de la doctrine.

e) Jean Scot Érigène (t vers 870). —

Avec une terminologie catholique, Érigène semble faire de la Trinité l’objet soit d’une inférence partant de la vision des choses sensibles, soit d’une introspection attentive. Voir ici t. v, col. 410. Prélude, sans doute, des tentatives de « démonstration » que nous trouverons au XIIe siècle. La synthèse, fortement inspirée des idées origénistes et platoniciennes (elles lui viennent par le pseudo-Aréopagite) est extrêmement puissante.

II. lA PRÉSCOLASTIQUE.

L’époque étudiée ici couvre les XIe et XIIe siècles. C’est la préparation immédiate à l’ère des grands scolastiques.

Avant Pierre Lombard.

1. Le XIe siècle.

La théologie qui avait été, sinon frappée à mort, du moins très languissante, au xe siècle, commence à reprendre quelque vie au XIe siècle. Mais c’est une vie encore bien embryonnaire. Les auteurs se contentent souvent de reprendre ce qu’on avait dit avant eux et leurs spéculations sont timides. En ce qui concerne la Trinité, on ne peut guère relever que les noms de Fulbert de Chartres, d’Odilon de Cluny, de Guitmond d’Aversa et de saint Pierre Damien.