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VŒU. PÈRES GRECS

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vœu pouvait donner lieu chez des « gens qui honorent Dieu du hout des lèvres », Marc, vii, 6. Saint Luc en cite un autre qui nous scandalise : devotione devovimus, Act., xxiii, 14 ; d’ailleurs en trouve-t-on d’aussi révoltants dans les discussions des rabbins.

Ces principes clairement posés de morale naturelle, Jésus laissait entières la valeur et l’utilité des vœux courants ; mais, dans une pareille ambiance on comprend trop qu’il n’y ait pas insisté et que les évangélistes n’aient rien eu à nous en dire. Pareillement, pour les vœux dits de perfection, c’est vouloir tout trouver dans l’Évangile que d’enseigner, ou même « d’entendre », comme dit prudemment saint Thomas, « que les Apôtres aient fait vœu de ce qui concerne l’état de perfection », II a -II ! E, q. lxxxviii, a. 4, ad3um. Dans les Actes des apôtres, on voit saint Paul, pour se faire donner un certificat de légalisme, contracter le vœu de rfazirat à l’occasion de ses deux passages à Jérusalem : la première fois, « il a un vœu » à accomplir, nous dit saint Luc, et, « la tête rasée », il se hâte vers le Temple, Act., xviii, 18 ; la seconde fois, il se joint volontiers à quatre compagnons « qui ont pris sur eux » le même vœu du rite juif, et il paie même pour tous le prix de l’oblation terminale, xxi, 24-26. Où l’on voit que la chrétienté de Jérusalem reste fidèle à l’institution juive du grand vœu.

En fait, l’Église a vécu encore quelque temps dans la tradition juive, telle que l’avait réglée le Deutéronome, vivifiée seulement par la tradition apostolique, qu’on ne peut que soupçonner à travers des textes comme Rom., xii, 1 ; Jac.v, 15, où le vœu, si c’en est un, prend tout de suite plus de spontanéité et d’ampleur. Malgré tout, saint Cyprien, saint Méthode, et, avant eux, l’auteur desÉpîtres ad V irgines (Pseudo-Clément ) appliqueront sans plus aux vierges consacrées à Dieu le texte de Num., vi, 2, mais non les versets suivants tombés en désuétude avec le reste de la loi cérémonielle.

VI. Chez les Pères grecs.

Si l’on veut bien se rappeler le sens courant du mot vœu pour les Grecs, celui d’une offrande spontanée destinée à recommander une demande, il faut accorder que, dès le m’siècle et sans doute plus tôt, les docteurs les plus familiers avec la culture hellénique ont eu une certaine notion du vœu : mais ce n’était pas la nôtre, ce n’était pas le vœu-promesse, mais bien le vœu-offrande. Ainsi, même quand il parle du « propos i de celui qui abandonne ses biens pour suivre le Christ, Clément d’Alexandrie, Quis divrs salvetw ?, Kl, et xii. P. (L, t. ix, col. (il(i, donne tout à fait le processus de Yz’y/^ grecque, non celui du votum latin, ni celui du vœu biblique : l’oblation VOUS est faite une fois pour toutes : maintenant. Seigneur, sauvezmoi ! Pas la moindre idée de promesse pour l’avenir, moins encore celle de consécration que le mot garde souvent dans la Bible.

Origine.

Celui qui se heurta le premier aux

multiples sens du mot vyPr t, ce fut Origène, et de prime abord dans une œuvre de sa jeunesse, le IIspl t’i/^ç. Dans ce mot S’V//, , il n’est pas loin de voir une véritable amphibologie, contre laquelle ses auditeurs grecs doivent être prévenus. < Ici, dit-il, il faut remarquer l’acception détournée fie ce mot z’y/r t, sens tout autre que celui de prière : il est employé pour marquer que quelqu’un promet par une formule orale de faire telle chose, s’il obtient de Dieu telle antre chose », op. cit., c. iii, n. 2, P. G., t. xi. col. 127 : c’est le vœu conditionnel, dirions-nous, et très exactement le votum, le vœu-promesse des Romains de son époque. Toutefois, le même mol est pris également dans son sens (durant, par exemple Ex., VIII, 2 : hi.nl lis Pharao : Vovele Domino ni auferat rnntis (en fait, c’était la l’une de ces offrandes officielles réglées par le Pharaon). Plus loin, Ex., ix, 28, le même mot eù/ïj signifierait, d’après Origène, op. cit., m, n. 3 et xiv, n. 2, « une oraison qui s’accompagne de louanges », ou mieux « cette action de grâces anticipée » sur laquelle nous reviendrons : n’est-ce pas le vœu au sens des Grecs ? Enfin, voici le vœu-consécration au sens sémite, qu’Origène n’a pas de peine à trouver dans le Lévitique et les Nombres, aux endroits ci-dessus expliqués. De orat., c. iii, n. 4. « Convenons tout au plus, conclut l’auteur, qu’on peut ramener à deux les significations du mot s’r/ji dans l’Écriture » : le vœu et la prière. Op. cil., c. iv, 1 et 2.

C’est dans une œuvre postérieure, les Homélies sur les Nombres, qu’Origène, instituant à nouveaux frais son enquête scripturaire, arrive à la synthèse désirée. Il a devant lui un mot unique, vs/r, , qui a déjà son sens et sa nuance, et qui prétend traduire plusieurs expressions hébraïques témoins de plusieurs conceptions successives : consécration, promesse, don volontaire. Et le grand exégète arrive, comme en se jouant, à trouver le dénominateur commun à toutes ces valeurs religieuses et leur filiation probable ; disons mieux : à retrouver le sens primitif du vœu dans toutes les anciennes religions. Ce n’est ni la promesse, ni même la consécration à Dieu, mais la libre oblation de l’homme qui attire la bienveillance de Dieu. Il y aurait grand intérêt à reprendre après lui ce travail d’approfondissement et d’unification, ne serait-ce que pour rendre un compte exact des divergences qui séparent là-dessus, encore actuellement, l’Église latine de l’Église orthodoxe, et inspirent leurs idées sur les vœux de leurs religieux.

Voici les points saillants de cet ample exposé, qui n’a plus rien de l’enquête embarrassée du De oratione, rien non plus de la rigueur d’une démonstration scolastique. In Numéros, hom. xxiv, c. 2-3, texte latin traduit par Rufin, P. G., t.xii, col. 759, sq. Origène s’enquiert ici, non plus de la prière, mais de I’eù/t) décrite au livre des Nombres, c. -xxx, c’est-à-dire du vœu : il le définit ainsi : Votum est cum aliquid de noslris offerimus Deo : c’est une oblation libre, immédiatement effectuée. Le sujet du vœu, c’est donc celui qui a quelque chose à offrir à Dieu. « Quand on en est arrivé aux stade supérieur d’accepter la loi de Dieu, on peut offrir des vœux au Seigneur ; personne ne peut le faire que celui qui a quelque chose en lui-même à offrir à Dieu. » D’où cette conclusion que « celui qui ne cultive pas l’homme intérieur, qui est assoupi par les vices de la chair… doit agir pour se purifier… ; alors il pourra dignement offrir au Très-Haut ses vœux ». Cf. Comm. in Rom., 1. IX. c. i. La plupart des vœux vont donc au delà de l’obligation stricte, mais d’autres sont à la portée de tous. Il y a, en effet, diverses espèces de vœux, depuis les viviix de choses extérieures notés dans l’Ancien Testament, I Reg., i ; Jud., i ; Lev., xxvii et Num., vi, celui ci, le vœu de nazirat, étant dans son genre le « grand vœu » ; Jusqu’au vœu qui embrasse le précepte de l’amour de Dieu sans réserves. Deut., x, 12. Avant cela, il y a les vœux des vertus particulières : « Si nous offrons notre justice, nous recevrons la justice de Dieu… Voilà les vœux que VOUS devez, chrétiens. offrir et accomplir », et une telle offrande engage la conduite. Il y a enfin des vœux qui consacrent la personne, et qu’Origène voit préfigurés dans le - grand vœu i de nazirat : S’offrir SOi-même et plaire à Dieu, non par le travail d’autrui. niais par sa propre peine. c’est là le plus parfait des vaux. Qui le fait est l’imitateur du Christ, qui, après avoir offert à l’homme le ciel et la terre, s’est finalement donné lui-même. / "<’il. L’objet de ce « grand vœu » a quelque analogie avec celui de nos vœux de religion, et les caractères dominants son ! ceux là mêmes que retrouvera saint