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VŒU. HISTOIRE DES RELIGIONS

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du vœu d’actions de grâces. Les Pères grecs ne parleront pas un autre langage.

Allons plus loin : n’est-ce pas par dédain du vœu conditionnel que, même dans leurs vœux les plus solennels, les Grecs, à rencontre des Romains, ont eu si peu la religion de la promesse faite aux dieux ? Aucun soin particulier pour la formuler, peu de scrupule pour l’exécuter. On possède une série de documents épigraphiques notifiant à la postérité les décrets du peuple athénien au ive siècle avant J.-G. ; dans deux de ces inscriptions, celle de 362 et celle de 387, le mot « vœu » est pris successivement dans les deux sens que nous avons dits, et d’abord dans celui de vœu-offrande. « Au commencement de l’assemblée », dit Foucart, dans Revue archéol., lue. cit., p. 313, le héraut, suivant la loi et la tradition, adressait aux dieux « des vœux » au nom du peuple, des vœux, c’est-à-dire des invocations. Et puis, dans la suite des mêmes inscriptions, revient le mot euché avec, cet le fois, « le sens très précis de vœu : c’est rengagement [iris avec certains dieux désignés, s’ils accordent la faveur qu’on leur demande, de leur offrir un sacrifice », toc. cit. Mais, dans ces deux décrets et les deux ou trois autres qui nous ont été conservés, n’est-il pas curieux de constater que les cérémonies promises ne doivent être réglées et votées que plus tard ? Les Athéniens, on le voit, n’aimaient pas à s’engager pour un avenir encore inconnu : que le dieu accorde d’abord la faveur demandée, on verra alors à lui offrir, en connaissance de cause, l’ex-voto promis, ou plutôt, comme ils disaient, un présent approprié à sa générosité. Ce qu’on appelle un « engagement » est donc tout au plus un vœu de principe, un témoignage de lionne volonté. « l’annonce gracieuse d’un don d’actions de grâces ». Telle est déjà à peu près la définition du vœu pour Philon, Opéra omnia, édit. Cohn, t. il. col. 292, 1. 20 ; cf. col. 249, 1. 1 ; telle sera en propres termes celle de saint Grégoire de Nysse.

S’ils n’ont aucune superstition dans l’expression du vœu, et si, tout au contraire, ils cherchent souvent les termes les plus vagues, c’est que, pour beaucoup d’entre eux, la promesse au dieu est une « manière de dire" sophisma ! Cf. Justin, xxi. 2 ; Zenobios, Proverb. cent., iv, 29. On comprend un peu mieux ainsi leur désinvolture dans l’exécution ; le moins les Sicyoniens, qui avaient promis à Apollon de lui porter en procession à Delphes des victimes, et qui se contentèrent après délibération de faire apposer dans le temple dos bas reliefs de la procession et des sacrifices qu’ils n’avaient jamais faits ! Pausanias, X, xviii, 5. Il est vrai que, pour un Grec, l’essentiel du geste votif n’est pas d’être difficile et coûteux, mais bien d’être expressif de la reconnaissance du suppliant, charisterion doron, Philon., Inc. cit. ; or les images tiennent lieu de l’original. Nous sommes au pays qui vit naître les ri polo en cire ; on offrait ainsi au dieu le membre qu’il avait guéri. L’ex-voto, la formule de reconnaissance, était réputée suffisante également en Afrique. Corpus inser. lut., t. VIII, p. 1451.

III. Dans la religion romaine.

L’esprit juridique et formaliste des Romains donna au rite du vœu une précision autrement ferme. De très nombreux documents, littéraires et épigraphiques, permettent d’en faire ressortir le sens exact.

1° Parmi les vœux sur lesquels nous possédons des renseignements détaillés, les uns ont été faits en des circonstances exceptionnelles par des consuls ou des chefs de guerre, Tite-Live, x. 19. 28 ; xxix. 30 ; XXXI, 20 ; xxxiii. 30 ; les formules en ont été revues par les grands pontifes, Denys d’Halicarnasse, xiii, 3 ; et les offrandes a recueillir ou les jeux à célébrer devront rester sous la responsabilité des magistrats alors en charge. Tite-Live, xxxvi, 2 ; xii, 21. Mien de plus typique à cet égard que le vœu de 217, au moment de l’incursion d’Annibal. Tite-Live, xxii, 9-10. La faction victorieuse endosse jusqu’aux promesses de ses ennemis de la veille. Plutarque, Camill., 42. Le taux de la dette envers le dieu et le mode de paiement donnent lieu parfois à d’ardentes controverses ; mais ce sont les pontifes qui ont le dernier mot, loc. cit., 7-8 ; Tite-Live, xxxi, 9. L’urgence était votée par le Sénat quand l’exécution traînait en longueur, loc. cit., xxii, 33 ; xxiii, 24.

2° Les autres vœux sont des vœux périodiques, qui remontent assez haut dans l’histoire de Rome, pour assurer la prospérité courante de la cité. Chaque année, le 3 janvier, les consuls, en prenant possession de leur charge, s’acquittaient des vœux contractés un an auparavant par leurs prédécesseurs, et contractaient à leur tour des vœux analogues pour l’année qui commentait : solutio et nuncupatio votorum. Bouché-Leclercq, Manuel des inst. rom., p. 59. Outre ces vœux annuels, Rome imagina, dès 217 av. J.-C. et sous l’Empire, des vœux quinquennaux, Tite-Live, xxvii, 32, 8 ; xxx, 2, 27, puis des vœux de dix ans, ibid., xxx, 27. Pour les vœux périodiques, le chiffre de la dépense était fixé par le magistrat en charge à ce moment, loc. cit., xxxix, 5.

3° Il y avait naturellement aussi des vœux privés, contractés par de simples particuliers dans un intérêt personnel, dont les documents épigraphiques ont gardé la trace, les uns notant l’accomplissement de la promesse passée, Corp. inscr. lai., t. vi, n. 68, 323 ; t. vin. n. 8474 ; t. xi, n. 1303, 1295 ; t.xii, 103 ; les autres joignant dans leur ex-voto la notification d’un vœu accompli et celle d’un nouveau vœu pour l’avenir, loc. cit., t. xiii, n. 8793 : on allait de vœu en vœu. Quelques-uns seulement mentionnent une offrande promise par un vœu antérieur, mais donnée avant que la faveur ait été accordée : pro voto suscepto d(onum) d (edit), et non v (otum) s (olvit), loc, cit., t. v. n. 6873 ; t. xi. n. 3287. Il est évident que ces vœux réglés à l’avance à la manière grecque, n’étaient pas proprement une solutio voti. Ce sont les Pères latins, comme on le verra, qui mettront en faveur les vœux promesses et les vœux conditionnels, qui n’étaient pas tellement recommandés dans la Bible.

Chez les Romains, les divers moments du vœu avaient leur expression consacrée : au moment où il était formulé, il y avait vœu contracté, susceptum ou conception votum ; on appelle la formule officielle nuncupatio voti. Qui suscepto voto se numinibus obligat, Macrobe, Saturn., iii, 2, 6 ; Tite-Live, xxi. 21, 9 : par le fait du vœu un « lien » est établi entre l’homme et la divinité. Entre le moment où il a formulé son vœu et celui où la divinité l’exauce, l’homme est dit reus voti, parce que son sort reste en suspens jusqu’à la réponse du dieu. Lorsqu’il a reçu sa demande, compos voti, il est obligé de payer sa dette, votum solvere, reddere, referre, il est condamné à accomplir sa promesse, damnatus voli. Tite-Live, xxix, 36, 8, etc…, sous peine d’encourir la colère divine. Le Digeste, t. I, tit. XII, qui range le vœu dans le titre De pollicitationibus, stipule toutefois que les vœux contractés par le pater familias ne sauraient engager ses fils ou ses esclaves sui juris ; mais que, si celui ci a voué la dîme de ses biens, son héritier est tenu de s’acquitter de son vœu. Quant aux vœux publics, ils engageaient manifestement la ville elle même, file Live, x, 37 ; xxi, 62. à moins que le magistrat ne l’eût fait de son propre chef sans consulter le Sénat. ibid., xxxvi, 36. Ainsi tout l’appareil des vœux, a Rome, était réglé par le jus sacrum, fort inspire d’ailleurs du droit civil. Les temples de Home, presque tous élevés par suite d’un vœu, et avant leur fête annuelle ou Ton y recueillait les vœux, votiva solem-