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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. LE DE TRIN1TATE D’AUGUSTIN

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menter. Ces trois personnes sont donc une sans confusion, et trois sans division. Quoique un, elles sont trois et quoique trois elles sont un. En effet, si celui qui est la source de la grâce fait que les cœurs de tant de ses fidèles ne forment qu’un seul cœur, combien plus grande doit être en lui l’unité par laquelle les trois personnes, et chacune séparément sont Dieu, et toutes ensemble ne font pas trois dieux, mais un seul Dieu. Voilà l’unique Seigneur votre Dieu, qu’il faut servir de toute sa piété et à qui seul est dû le culte de latrie. » Epist., clxx, 3-5, t. xxxiii, col. 749 sq.

Ce long exposé met bien en relief les principes de la doctrine augustinienne. Un seul Dieu, une seule essence, une seule substance numériquement identique dans les trois personnes qui la possèdent. L’évêque d’Hippone reste Adèle à la terminologie latine et le terme grec d’hypostase qu’il traduit encore par substantiel n’est pas sans l’inquiéter quelque peu : « La nécessité, dit-il, de parler de choses ineffables et l’obligation d’énoncer comme nous pouvons les choses qui ne sauraient être énoncées, a fait dire par nos Grecs : une essence, trois substances ; et par les Latins : une essence ou substance, trois personnes ; parce que, dans notre langue latine, essence et substance ont la même signification. » De Trin., VII, iv, 7, t. xlii, col. 939. « J’appelle essence ce que les Grecs appellent ouata et que nous appelons plus ordinairement substance. Il est vrai que les Grecs parlent de l’hypostase. Mais je ne sais pas la différence qu’ils prétendent exister entre l’ousie et l’hypostase. Quoi qu’il en soit, la plupart des nôtres, qui traitent ce dogme en grec ont accoutumé de dire u.Cav oûatav, rpeïç ùnoa-vixaziç, ce qui signifie en latin : une essence, trois substances. » De Trin., V, vin, 10, col. 917. On le voit, saint Augustin ne se scandalise pas des formules grecques et il leur fait confiance ; sa sérénité tranche avec l’inquiétude de saint Jérôme et l’on peut mesurer par la différence des attitudes le chemin parcouru dans la compréhension des positions réciproques. Cependant, il aimerait tout autant un autre vocabulaire, et l’on peut souligner que le mot subsistentia, employé incidemment par Victorin (cf. col. 1684), lui aurait rendu les plus grands services.

2. Conséquences. —

La Trinité est donc un seul Dieu ; la Trinité est une seule éternité, une seule puissance, une seule majesté : ils sont trois, mais ce ne sont pas trois Dieux. In Joan., tract, xxxix, 3, t. xxxv, col. 1682. De là découlent plusieurs conséquences :

a) Les trois personnes n’ont ad extra qu’une seule volonté et une seule opération : là où il n’y a pas de différence de nature, il ne saurait y avoir de différence de volonté. On ne saurait dire par suite que, dans les théophanies de l’Ancien Testament, c’est le Fils seul qui ait apparu. Toute la Trinité s’est manifestée : qui a parlé à Adam ? Est-ce le Père ? est-ce le Fils ? est-ce le Saint-Esprit ? ou bien n’était-ce pas Dieu d’une manière indistincte, indiscrète, la Trinité elle-même qui, sous la forme d’un homme, parlait à un homme ? De fait, le contexte ne laisse voir aucune opposition qui permette de distinguer une personne de l’autre. De Trin., II, x, 17 sq., t. xlii, col. 853 sq. Il est vrai que Dieu n’a pas apparu par lui-même ; il l’a fait par des anges qui parlaient et agissaient en son nom. Les apologistes avaient expliqué tout autrement les théophanies, et saint Augustin semble quelque peu gêné par leur souvenir. Il n’hésite pourtant pas à les contredire. Chacune des trois personnes est autant que les deux autres et que la Trinité entière, car elle possède la totalité de la nature divine et est Dieu, qui comprend aussi les deux autres personnes. « Dans la Trinité, l’égalité est telle que non seulement le Père n’est pas plus grand que le Fils en ce qui concerne la divinité, mais que le Père et le Fils pris ensemble ne sont pas quelque chose de plus grand que le Saint-Esprit, et que chaque personne prise seule n’est pas moindre que la Trinité elle-même. » De Trinit., t. VIII, proœm., ibid., col. 947.

b) « Tout ce qui se rapporte en Dieu à la nature et qui exprime quelque chose d’absolu ne se dit pas au pluriel, mais au singulier comme la Trinité elle-même. Ainsi le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu ; ainsi le Père est bon, le Fils est bon, le Saint-Esprit est bon. Ainsi encore, le Père est tout-puissant, le Fils est tout-puissant, le Saint-Esprit est tout-puissant. Et cependant ce ne sont pas trois dieux, trois bons, trois tout-puissants, mais un seul Dieu, un seul bon, un seul tout-puissant qui est la Trinité même. > Ibid.

c) Que sont donc, en dernière analyse les personnes divines, réellement distinctes, qui ne divisent pourtant pas l’unité et la simplicité divine ? Ce sont des relations : relations qui ne se confondent pas avec la substance ou la nature, puisqu’elles ne sont pas quelque chose d’absolu, mais qu’on ne saurait non plus traiter d’accidents, parce qu’elles sont essentielles à la nature, éternelles et nécessaires comme elles. « En Dieu, rien ne se dit selon l’accident, parce qu’en lui il n’y a rien de niuable ; et pourtant tout ce qui se dit de Dieu ne se dit point selon la substance. En effet, il y a des choses qui se disent relativement à d’autres, ainsi Père par rapport à Fils, et Fils par rapport à Père, ce qui en Dieu n’est point un accident, puisque l’un est toujours Père et l’autre toujours Fils ; et quand on dit toujours, cela ne s’entend point à partir du moment où le Fils est né, et en ce sens que, par le fait que le Fils ne cesse jamais d’être, le Père ne cesse jamais d’être Père ; mais c’est en ce sens que, depuis toujours le Fils est né et qu’il n’a jamais commencé d’être Fils. S’il avait commencé une fois d’être Fils, ou s’il devait un jour cesser de l’être, il serait appelé Fils selon l’accident. Par contre, si le Père n’était appelé Père que par rapport à soi-même, non par rapport au Fils ; et de même si le Fils n’était appelé Fils que par rapport à soi, non point par rapport au Père, ce serait selon la substance que l’un serait appelé Père et l’autre Fils ; mais, comme le Père n’est appelé Père que parce qu’il a un Fils et que le Fils n’est appelé Fils que parce qu’il a un Père, ce n’est point selon la substance qu’ils sont appelés ainsi, puisque ces noms de Père et de Fils ne leur sont point donnés par rapport à soimême, mais par rapport l’un à l’autre réciproquement ; ce n’est pas non plus selon l’accident, puisque, si le Père est appelé Père et le Fils Fils, ce que ces noms désignent est encore éternel et immuable. Aussi, quoiqu’il y ait une différence entre être Père et être Fils, la substance n’est pas différente, car ils ne sont pas nommés ainsi quant à la substance, mais quant à la relation, relation qui n’est pourtant pas un accident parce qu’immuable. » De Trin., V, v, 6, col. 913-914.

Cette explication est de la plus haute importance : on la verra reprise et commentée longuement par la théologie scolastique. Saint Augustin reconnaît d’ailleurs qu’elle ne suffit pas à faire disparaître le mystère. Nous disons que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont trois ; et si l’on demande trois quoi ? il faut répondre trois personnes ; mais c’est moins pour donner une réponse à la question que pour ne pas la taire. Cum quæritur quid très, magna prorsus inopia humanum laborat eloquium. Dictum est tamen « Très personse », non ut illud diceretur, sed ne taceretur. De Trin., V, ix, 10, col. 918 ; cf. VII, iv, 8, 9, col. 940, 941.

Les analogies. —

Peut-être l’élément le plus original de la contribution apportée par saint Augustin à la théologie de la Trinité est-il la recherche des traces que ce mystère a laissées dans le monde. Cette recherche n’était pas nouvelle. Depuis bien longtemps, on s’était efforcé de trouver, dans les choses créées des images de la Trinité ; les comparaisons du soleil qui émet ses rayons, de la lumière qui s’allume à une autre lumière, de l’arc-en-ciel qui est un, bien qu’il ait les couleurs les plus variées, étaient plus ou moins courantes à la fin du ive siècle. Mais elles ne valaient guère que comme des comparaisons, destinées à rendre sensibles certains aspects du mystère de la vie divine. L’âme profondément religieuse de saint Augustin va